Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Les curieuses nouvelles règles contre la pollution se font attendre

Le gouvernement a pris en 2014 des mesures plus exigeantes pour la protection de l’air. Un arrêté prévoit le déclenchement automatique de mesures contre la pollution lorsque niveau « d’information » est atteint plus de trois jours de suite. Sauf que tous les endroits les plus polluées ne sont plus pris en compte. La traduction de cet arrêté se fait attendre alors que Strasbourg frôle la limite.

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Le 13 février, la qualité de l’air à Strasbourg a été particulièrement mauvaise (capture d’écran)

Strasbourg est l’une des agglomérations les plus polluées de France. Avec quatorze autres communautés urbaines, elle est en situation de contentieux européen, c’est-à-dire que si la pollution ne diminue pas dans les prochaines années, la France s’expose à des amendes de l’Union européenne. Une enquête de l’Institut national de veille sanitaire classe la capitale alsacienne en neuvième position en termes de présence de particules PM10 dans l’air, mais d’autres études la placent plus haut, notamment car elle est très exposée au trafic routier et de poids lourds, qui dégagent de l’Oxyde d’Azote (NOx).

Un seuil d’alerte automatique depuis le 1er juillet 2014

Le 26 mars 2014, la France a pris un arrêté gouvernemental, entré en vigueur le 1er juillet, qui contient de nouvelles mesures concernant la qualité de l’air. Parmi elles, l’obligation de passer en « seuil d’alerte » lorsque le « seuil d’information » est atteint trois jours de suite et ce même si les mesures restent en deçà du seuil d’alerte. Autrement dit, certaines mesures se déclenchent automatiquement comme l’abaissement des vitesses sur les routes ou les transports en commun moins chers pour rétablir une meilleur qualité de l’air.

En ce qui concerne les particules PM 10, le seuil d’information est de 40 µg/m³ (microgrammes par mètre cube) d’air Pour l’oxydes d’azote (NOx) il est de 200 µg/m³ et pour l’Ozone (O3) il est de 180 µg/m³.

Strasbourg a subi une pollution supérieure au seuil d’information du 8 au 21 février 2015 au bord de l’A35. Mais, subtilité du nouvel arrêté, seules « les stations de fond » sont prises en compte pour déclencher un seuil d’alerte. Et dans les stations dites « urbaines », la pollution est redescendue à chaque fois le troisième jour. Seules les stations près des axes de circulation sont restés au dessus de la limite pendant ces treize jours.

Une réunion annulée le jour-même

Pour la conseillère municipale de Strasbourg en charge de la qualité de l’air, Françoise Schaetzel (EELV), l’application du nouveau texte du gouvernement était de toute façon impossible en l’état :

« L’arrêté ministériel est entré en vigueur, mais il doit se traduire par un arrêté préfectoral, qui définit les actions précises lors des seuils d’alerte, comme les tarifs uniques dans les transports en commun. Les collectivités territoriales et les acteurs concernés doivent encore se mettre d’accord au sein du Conseil de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques (CoDERST). Cette concertation prend du temps. Mardi 10 mars, nous étions conviés à une session de travail au CoDERST qui a été annulée le jour-même sans que l’on n’ait d’explication. »

La prochaine réunion est prévue en avril. D’autres sources proches du dossier expliquent ce report par la réticence des agriculteurs à s’engager en faveur de la réduction de leurs émissions. La Chambre d’Agriculture de la région Alsace et l’ASPA (Agence pour la surveillance de la pollution en Alsace) ont d’ailleurs organisé un colloque en février pour sensibiliser les exploitants sur leur rôle de victime comme de responsables. « Il faut dire que les associations sont assez peu mobilisées, alors le préfet ne se sent pas pressé d’agir », relate un observateur.

« Les associations de riverains commencent à se mobiliser »

Une situation que reconnait le Dr Thomas Bourdrel, président du collectif Strasbourg Respire, mais qui n’est pas satisfaisante :

« Ce constat, c’est inverser la responsabilité. C’est aux institutions de se mettre en conformité avec les lois, pas aux citoyens de les y pousser, surtout quand il s’agit d’un problème de santé publique. L’Agence régionale de santé doit aussi plus sensibiliser là-dessus, comme elle l’a fait contre la cigarette, alors qu’il y avait peu de mouvements citoyens. Mais le nombre de personnes mobilisées grandit. »

Thomas Bourdrel s’interroge s’il est possible d’attaquer la préfecture pour manquement. Françoise Schaetzel encourage les habitants à s’engager et constate des changements :

« Il y a plus d’attentes de la population sur ce domaine que par le passé. Les associations de riverains, notamment celles du quartier gare, où les habitants sont les plus exposés, se saisissent aussi du sujet et pas seulement des collectifs qui ne traitent que de cette thématique. On ne peut tout attendre des institutions, il y a aussi une responsabilité individuelle pour les faire bouger plus vite. »

Maigre motif de consolation pour l’Alsace, seules quatre régions françaises sur 22 se sont mises en conformité avec l’arrêté ministériel de mars 2014. Parmi elles, la région Rhône-Alpes, dont les agglomérations de Lyon et de Grenoble comptent pour les plus polluées de France.


#pollution de l'air

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