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Le petit Léo voudrait manger tout seul comme un grand

Léo est un petit strasbourgeois de deux ans et demi, avec un handicap psychomoteur qui l’empêche de manger naturellement. Il est nourri grâce à une sonde. Mais une nouvelle méthode, développée en Autriche, pourrait lui apprendre à manger normalement. Julie Klein, la maman de Léo, compte sur la solidarité des internautes pour l’aider à financer ce traitement, qui changerait la vie de sa famille mais qui n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale.

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En rencontrant les parents de Léo on pensait les trouver épuisés, fatigués par des années de rendez-vous médicaux et de démarches. Il n’en est rien. Ils sont solaires, et à l’image de leur fils, ils dégagent une énergie communicative. Léo et sa sœur Emma, 5 ans, jouent dans le jardin avec leur chien, qui lui aussi semble nous accueillir avec le sourire. La scène a tout d’une famille classique et heureuse, qui profite de son nouvel appartement de plain-pied dans un quartier rénové de Strasbourg. Sauf que depuis la naissance de leur fils, les parents de Léo se battent pour qu’il mange normalement.

Un long marathon médical

Après un problème pendant la grossesse, Léo est mis en hypothermie à sa naissance, pour préserver son cerveau. Son coma artificiel durera 72 heures. Cette douloureuse expérience l’a laissé avec des séquelles neurologiques. Il devra passer encore une semaine en soins intensifs au CHU de Hautepierre, et, à neuf mois, il y retournera à cause d’une bronchiolite.

A cause de ces problèmes moteurs, le petit garçon a vite eu des difficultés pour manger tout seul. Il souffre d’un reflux interne, et son allergie au lait de vache ne l’a pas aidé à apprivoiser la nourriture au début. Sa maman Julie, éducatrice spécialisée, explique :

« Le premier hiver a été très dur. On n’a pas réussi à diversifier sa nourriture. Il a été hospitalisé pour sa bronchiolite et on a forcé la diversification. Il était pesé matin et soir, tout comme sa nourriture. »

Ses parents doivent se résoudre à lui faire poser une sonde nasogastrique. Là encore, des complications et de nombreux rendez-vous médicaux se suivent, sans pouvoir compter sur un accompagnement encourageant du corps médical. Il faut retourner toutes les trois semaines pour faire changer la sonde à l’hôpital, et elle pose des problèmes, comme le raconte Julie :

« La sonde a renforcé son reflux. Et il fallait toujours faire très attention, à la crèche, qu’il ne se la fasse pas arracher par un enfant… On n’était pas très entendus par les médecins, mais on a décidé de l’enlever. Il a réussi à remanger un peu, mais c’était très compliqué. »

La famille de Léo est là pour le soutenir (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

Un combat quotidien

Pour essayer de se simplifier la vie, la famille se résout à la gastrostomie, une sonde posée cette fois directement dans l’estomac et qui s’ouvre dans la paroi de l’abdomen. L’intervention est lourde, les soins sont difficiles et il faut s’organiser méthodiquement au quotidien. Julie relate l’organisation autour des repas :

« Léo mange quand même un peu. Un pot pour bébé lui fait trois repas… À côté, on le nourrit en le « gavant », à travers la sonde. Mais elle lui donne des nausées, et même avec le gavage, il n’a pas les calories suffisantes. »

Le quotidien est bien difficile pour un enfant qui ne peut rien faire comme les autres. A cause de ses lésions neurologiques, Léo ne parle pas pour l’instant, et ne marche pas encore de manière autonome. Les rendez-vous médicaux jalonnent chaque semaine : Léo doit voir une kinésithérapeute trois fois par semaine, une psychomotricienne et une orthophoniste. Sa maman raconte comment toute la famille doit s’adapter :

« On a une parentalité pathologique. On utilise des termes comme gavage, débrancher… L’aînée connaît le nom du matériel médical spécifique, et elle a cru pendant longtemps que l’hôpital, c’était notre maison. D’ailleurs, elle est aussi touchée par tout ça, a parfois du mal à s’exprimer, alors elle voit aussi l’orthophoniste. Elle a fait des crises d’épilepsie aussi. A ce moment-là, elle était contente d’aller à l’hôpital, seule avec sa maman cette fois. »

Mais loin d’eux l’idée de se décourager, surtout que Léo déjoue pas mal de pronostics. Sa maman est plutôt fière :

« Il épate tout le monde ! Il devait avoir des retards de développement importants, mais finalement il s’en sort bien. Il marche quand on l’aide, et il aura bientôt un déambulateur. Il ne parle pas mais utilise des signes, sait se faire comprendre. Il dit aussi  « Maman ! », quand il est en grande détresse ».

Des parents livrés à eux-mêmes

La famille redouble d’autant plus de volontarisme qu’elle doit combler le manque d’accompagnement du corps médical :

« On est clairement livrés à nous-mêmes. Les médecins ne nous suivent pas plus que ça. Ils attendent juste que Léo ait le déclic. On est censé lui laisser la sonde et attendre qu’il arrive à manger par lui-même. Une diététicienne le suit, mais elle vient seulement une fois par mois. On a mis six mois à obtenir des jus hypercaloriques, le temps qu’elle valide, qu’elle fasse remonter la demande, etc. Heureusement, on a trouvé de super kinés et orthophonistes, qui le prennent bien en charge. »

Si la première année avec Léo a été très difficile, nous confient ses parents, les initiatives de ces derniers mois leur ont donné confiance et espoir, à force de mieux connaître le handicap, les démarches médicales, et de frapper à toutes les portes.

L’espoir d’une nouvelle méthode, NoTube

Julie se tourne vers le web pour demander conseils et trouver des gens dans la même situation. Elle y trouve de nombreux groupes Facebook de parents d’enfants dans le même cas que Léo. On lui parle d’une méthode de sevrage, NoTube, pour redonner les moyens aux enfants de se nourrir par eux-mêmes et se débarrasser de la sonde. Problème : c’est un centre autrichien, basé à Graz, qui offre cette possibilité. Cet espoir a un coût : 8 440€ pour deux semaines de traitement, soit plus de 9 300€ pour que Léo et sa mère puissent se rendre en Autriche. L’assurance maladie ne prend pas la procédure en charge.

À Graz, Léo pourrait suivre un sevrage intensif, tout en étant hébergé avec sa famille. Le but est de faire retrouver à l’enfant le goût de manger, avec un suivi maximal et des techniques adaptées. Julie s’enthousiasme :

« Ils organisent des pique-niques ludiques, des jeux de peinture comestible… Et on apprend à l’enfant ce que c’est la faim. En plus, il y a un psychologue à disposition, et même des traducteurs français. Des gens viennent du monde entier pour suivre la cure. Le taux de réussite est de 90%, et 3 000 enfants ont déjà été soignés. On est encore suivi pendant 35 jours après la fin du séjour. »

Le traitement semble idéal, mais Léo n’a pas encore pu en bénéficier, car ses parents ne parviennent pas à dégager la somme nécessaire :

« On a acheté notre appartement il y a un an. On a sous-estimé les dépenses liées à l’état de santé de Léo. Tout notre argent y passe et maintenant, on est coincés. Si on avait su qu’il revenait si cher d’accompagner son enfant handicapé, on ne l’aurait pas acheté. »

Léo s’accroche pour marcher et jouer avec sa sœur (Photo DL / Rue89 Strasbourg / cc)

Une solidarité trouvée en ligne

Baisser les bras n’est pas envisageable pour Julie. Après avoir sonné à toutes les portes, et notamment les clubs de charité comme le Kiwanis, le Rotary, et le Lions, elle se tourne à nouveau vers là où elle a enfin trouvé de la solidarité : la communauté virtuelle. Cet été, elle a lancé un groupe sur Facebook pour relater l’histoire de son fils, et une cagnotte en ligne. Cela demande un certain investissement, mais cela vaut le coup, d’après Julie :

« Je n’arrête pas depuis des mois, j’entretiens la page Facebook, je contacte les médias… Heureusement que j’avais un peu de vacances, ça m’a permis d’avoir le temps de faire tout ça. »

Moins de deux mois après le lancement de la campagne, la moitié de la somme a déjà été récoltée :

« Le journal L’Alsace a parlé de nous, et ça a fait décoller la cagnotte de 2 000€ d’un coup. Ça fait du bien de se sentir soutenu. Des personnes âgées ont appelé le journal pour pouvoir nous parler et nous envoyer des chèques ! »

Forte de plus de 500 soutiens sur le réseau social, la famille se sent beaucoup moins seule qu’avant. Les réseaux sociaux ont été une vraie bouée de sauvetage pour Julie, une opportunité inespérée qui a fait décoller un élan de solidarité et ravivé ses espoirs :

« En tant que maman d’enfant handicapé, si je n’avais pas Facebook, je serais perdue. Ça aide beaucoup. J’aurais eu beaucoup moins d’informations sinon. »

Se battre pour envisager l’avenir sereinement

Julie est confiante pour sa capacité à récolter des fonds :

« On n’a pas le choix, il faut y croire ! On continue le combat, il faut bien que Léo puisse manger ! C’est pour ça qu’on essaye de parler de notre histoire, si jamais les gens peuvent nous aider, ça peut vraiment nous servir. Ça fait du bien de constater qu’il y a de la solidarité en France. »

Bien sûr, la suite sera aussi faite de démarches, surtout pour scolariser Léo, dans une école adaptée avec une auxiliaire de vie scolaire (AVS), et pour le rendre plus autonome. Mais sa mère fait preuve d’une sagesse et d’une détermination à toute épreuve :

« On a déjà trouvé une école, on commence les démarches pour l’AVS, et on sait qu’il faudra organiser la rééducation… Mais chaque chose en son temps. Pour l’instant, on se concentre sur le sevrage et son financement. Léo est bien accompagné pour progresser pour ce qui est de marcher et parler, mais il faut qu’il puisse manger normalement déjà, pour pouvoir aller à l’école, d’ailleurs. »

Construire sur l’épreuve, pour ceux qui suivent

Puis, quand Léo ira mieux, Julie veut elle aussi partager son expérience, comme d’autres l’ont aidé auparavant. La marraine de Julie a créé une association, « Le combat de Léo », dont les actions permettraient de financer les traitements et de parler de son handicap. Pour Julie, il est important de sortir les familles de l’isolement, de se soutenir mutuellement. Elle veut créer des groupes de paroles :

« Au détour des rendez-vous médicaux, on rencontre beaucoup de parents dans le même cas. Finalement, beaucoup se sentent isolés et manquent d’informations, de soutien. Mais en tant qu’éducatrice, je sais que tout se joue dans la petite enfance, et il est important que les mamans et les papas en sachent plus, pour accompagner au mieux leurs enfants. »

En attendant, le garçon tient le coup, grâce à son caractère joyeux et sa motivation. Il semble très déterminé, à en juger par la manière dont il s’avance vers le toboggan du jardin. Sans aide. C’est sa maman qui aura les mots pour le décrire :

« Il attire les regards, il est très souriant, il a envie de communiquer. On lui a demandé beaucoup d’efforts, mais il a énormément de courage. »

Il ne lui manque qu’un petit coup de pouce.


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