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Batailles d’influences autour de la réhabilitation de l’entrepôt Seegmuller

Les travaux ont débuté, la commercialisation des espaces est en cours. L’entrepôt Seegmuller, en cours de réhabilitation sur la presqu’île Malraux, sera un ovni dans le paysage urbanistique et fonctionnel de Strasbourg. A l’intérieur de cet ensemble mêlant architectures des années 1930 et 2010, se côtoieront pour la première fois des entreprises, un « pôle culturel et créatif » semi-public, des commerces, des restaurants et des logements. Mais rien ne se fait sans heurts.

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L'entrepôt Seegmuller, en cours de réhabilitation (Photo David Rodrigues)

Le débat va être agité ce vendredi matin en conseil de communauté urbaine de Strasbourg, où les élus sont invités à voter la « création, gestion et exploitation d’un Pôle culturel et créatif dans l’entrepôt sur la presqu’île Malraux » (point 39 de l’ordre du jour, à lire ci-dessous). En question, l’utilisation aux contours encore flous de ces 2 000 mètres carrés de l’entrepôt Seegmuller, rachetés par la collectivité à Icade. Rachetés, parce que la CUS, par l’intermédiaire de la SERS, sa société d’économie mixte chargé d’aménagement, avait déjà acheté le site au Port autonome avant de le revendre à Icade. Pourquoi ce va-et-vient ? « Parce que notre vocation n’est pas de construire pour vendre à des particuliers », argue Jacques Bigot, président de le CUS.

Fabienne Keller, maire de Strasbourg entre 2001 et 2008, à qui l’on doit notamment la création de la médiathèque Malraux sur le même môle, exprime son « inquiétude » :

« Ce projet est assez étrange, il y a un problème de précision du concept… Va-t-il y avoir dans cet espace racheté par la CUS des bureaux d’entreprises privées ? Auquel cas, un coût d’aménagement de 500 000€ supporté par la collectivité ne se justifie pas. Ou bien va-t-il y avoir des espaces culturels ? Si oui, lesquels ? On ne sait pas qui va gérer, quels seront le cahier des charges et les objectifs… Et puis, plus largement, ce bâtiment va être bloqué par les deux ou trois tours à construire autour, cela va couper la circulation naturelle du public. Je suis inquiète sur le fonctionnement futur du site. »

Déjà 40% des surfaces vendues

Alors, que va-t-il y avoir dans cet ancien entrepôt ? D’abord, au rez-de-chaussée, des commerces et quatre restaurants. On parle de Léon de Bruxelles et de La Boucherie. Cette dernière enseigne a bien confirmé qu’un engagement était signé, « pour une livraison des locaux au second semestre 2013 ». Ensuite, dans les étages, des entreprises privées parmi lesquelles The connecting place, Denovo design (selon des sources concordantes, mais non confirmé) ou l’agence Advisa, sont en cours de négociations avec le vendeur. Olivier Kubler, dirigeant fondateur d’Advisa, une « web agency senior sur le marché », note à ce propos :

« Rien n’est encore signé avec Icade. Mais moi, j’ai eu un coup de cœur pour ce bâtiment. J’ai un faible pour la culture industrielle et ce lieu a une vraie tronche, une âme ! Ce qui m’intéresse aussi, c’est cette synergie avec d’autres acteurs du digital que la CUS veut créer. Pour nous, c’est plus cher d’acheter là que dans un endroit moins central, mais on fait le pari de la visibilité. Et on espère ne pas se tromper… »

Une école aussi, l’ECS (European communication school) devrait investir dans 850 mètres carrés. Luc Buckenmeyer, son directeur, reste néanmoins prudent :

« Nous étions intégrés dès le départ dans ce projet, mais nous avions stoppé les négociations avec Icade il y a deux mois, car les contraintes du site, poteaux, murs porteurs etc., étaient trop fortes. Cela ne correspondait pas à nos besoins. Et puis Icade a fait des efforts, créé des gaines techniques, des ouvertures de fenêtres, et les discussions ont repris. Mais je visite toujours d’autres lieux… »

Il concède :

« L’intérêt pour nous de nous installer à cet endroit : la proximité du campus universitaire, l’image du lieu, et surtout la place, puisque nous avons besoin de nous agrandir pour ouvrir un Institut européen de journalisme dans les années à venir. »

Roland Ries, lors d'une visite de presse en mai 2012 (Photo David Rodrigues)

Toujours dans la partie existante, celle des années 1930, s’intégrera le fameux « pôle culturel et créatif » de la CUS, situé au milieu du bâtiment, répartis aux rez-de-chaussée, 1er et 2ème étages. Alors késako ? Dans ces 2000 mètres carrés, devraient s’intégrer deux entités qui se partageront (théoriquement) la gouvernance du lieu : celui de La Plage, un espace de coworking de 300 mètres carrés géré par l’association Alsace Digitale, et une autre constituée d’un groupement d’artistes et d’acteurs culturels, parmi lesquels, dit-on, La Laiterie-Artefacts. L’objectif de la collectivité, qui va investir 5,7 millions d’euros pour acheter le foncier à Icade et aménager le lieu, est de favoriser les interactions entre l’économie numérique et la culture, mais aussi de créer un lieu de rencontres entre ces acteurs et le public, à l’occasion d’expositions, de journées portes ouvertes, etc. Des fonctions difficiles à concilier, qui font l’objet de discussions parfois houleuses en comité de pilotage.

La Plage digitale, une préfiguration du pôle créatif et culturel

Une préfiguration de cet espace existe déjà depuis le mois d’avril 2012 à Strasbourg, puisque La Plage a posé ses valises de façon provisoire de l’autre côté du canal, au 15 route du Rhin. C’est d’ailleurs dans ces locaux qu’est installée la rédaction de Rue89 Strasbourg. Le fonctionnement : La Plage loue 470 mètres carrés à la SERS pour 7000€ par mois et les entreprises présentes dans l’espace de travail partagé s’acquittent elles d’un loyer au prix du marché auprès de La Plage. Cette dernière perçoit une subvention de 80 000€ par an, qui couvre une partie de ses frais de fonctionnement. L’association s’engage en retour à organiser des événements, à accueillir de façon ultra-flexible des auto-entreprises ou des start up qui ne peuvent s’engager sur un loyer que quelques mois, etc.

La superstructure rajoutée comprend trois étages de logements (DR)

Reste la superstructure, qui chapeautera la partie allongée de l’entrepôt. Elle abritera trois étages de logements de standing, dont plus de 50% sont réservés, assure le responsable de la commercialisation, Philippe Scaltriti. Prix moyen du mètre carré : 4600€. Sauf que cette structure, qui améliore pour le promoteur la rentabilité de l’ensemble, agit aussi comme une contrainte pour la vente des étages inférieures. En effet, elle alourdit le bâtiment, qui doit répondre à de nombreuses normes, et notamment sismiques. Lors d’une visite de presse organisée sur le site en mai, le promoteur avait glissé que la mise en sécurité de l’entrepôt nécessitait des « fondations spéciales » et donc des surcoûts importants. Icade devrait néanmoins équilibrer son opération avec la commercialisation des trois nouvelles tours, dont la construction est prévue entre l’entrepôt et la station de tram Winston-Churchill.

Ordre du jour du conseil de CUS – 29 mai 12


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