En 2017, la quatrième circonscription du Bas-Rhin, qui englobe les communes du sud de l’agglomération strasbourgeoise et le Kochersberg avait connue une petite révolution. Il avait fallu la vague En Marche pour qu’une novice en politique mette fin au règne continu de la droite. Et même dans ce contexte, c’était une surprise de voir Martine Wonner détrôner Sophie Rohfritsch.
Mais pour La République en Marche (LREM), cette incarnation du renouvellement s’est transformée en erreur de casting : le 6 mai 2020, elle est exclue du groupe majoritaire à l’Assemblée Nationale pour avoir voté contre la stratégie de déconfinement du gouvernement. Une suite logique après plusieurs votes contre les propositions de la majorité, notamment sur le traité de libre-échange avec le Canada (CETA), la réintroduction du glyphosate ou la réforme des retraites.
Un parti créé en septembre 2021
Localement, sa prise de position contre l’autoroute du Grand contournement ouest (GCO) en plein milieu de la circonscription, jusqu’à être gazée par les policiers, a néanmoins laissé un bon souvenir chez nombre d’habitants. Mais à l’Assemblée nationale, la députée s’est retrouvée isolée, surtout pour ses positions controversées sur les masques, ou encore les vaccins qui ne protégeraient « plus personne ».
C’est sous son parti « Ensemble pour les libertés » créé en septembre 2021 que cette psychiatre de 58 ans compte porter un « contre-pouvoir » à l’Assemblée avec un deuxième mandat :
« Mon parti présente 25 candidats en France, en plus d’une alliance de cœur avec le Mouvement écologiste indépendant d’Antoine Waechter et Résistons !, présidé par Jean Lassalle. Nous sommes 210 candidats en France, donc je suis loin d’être isolée. J’ai aussi une soixantaine de sympathisants bénévoles qui m’accompagnent. »
Sur son « alliance » avec Résistons !, il convient de rappeler qu’en juin 2021, la députée avait été également exclue du mini groupe parlementaire « Libertés et Territoire », présidé par Bertrand Pancher (Parti Radical). Lors d’une mobilisation parisienne contre le passe sanitaire, elle avait appelé les manifestants à « faire le siège des parlementaires » et à « envahir leurs permanences ». Une position largement condamnée par le groupe, représentant à l’époque 18 députés.
La gestion de la crise sanitaire reste un des thèmes forts des propositions de Martine Wonner. Elle souhaite « investir massivement dans le renforcement des équipes soignantes », réformer les Agences régionales de santé et l’Ordre des médecins. Des institutions qui ont, selon elle, empêché « une réponse médicale rapide et adaptée » lors de la crise sanitaire.
Après le renouvellement, Renaissance choisit une ancienne élue de Strasbourg
Après Martine Wonner, LREM devenu Renaissance devait donc se retrouver un candidat… plus loyal. Mais la majorité n’a guère de personnalité politique identifiée dans ce secteur de l’Alsace. Son choix s’est porté sur Françoise Buffet, 69 ans et adjointe pendant douze ans (2008-2020) du maire de Strasbourg Roland Ries. Après le renouvellement, place donc à une figure plus habituée à la politique. Même si elle n’est pas connue pour avoir milité pour le parti présidentiel, le fait qu’elle habite à Griesheim-sur-Souffel depuis 10 ans en fait une candidate toute trouvée.
Celle-ci accuse justement Martine Wonner d’être « sortie de son rôle » :
« Elle a été élue pour appliquer le programme de la majorité. On peut avoir des opinions mais si elles sont en contradiction avec ce pourquoi on a été élu, il faut démissionner. »
Martine Wonner ne s’était pourtant pas opposée à la réintroduction des pesticides néonicotinoïdes. Dans une circonscription très agricole, le modèle de production est un sujet important. Selon Françoise Buffet, les engagements d’Emmanuel Macron auprès du syndicat d’agriculteurs majoritaire FNSEA – très présent sur le territoire – résonnent « parfaitement avec [ses] propres conclusions » après un mandat d’adjointe chargée de l’Environnement à Strasbourg.
Elle souhaite « maintenir un lien des agriculteurs avec la terre » en brandissant son cheval de bataille : les Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne), qu’elle revendique avoir développer lors de son mandat à Strasbourg.
Éric Amiet, maire de Wolfisheim et candidat Les Républicains (LR) dans cette circonscription, accuse quant à lui le gouvernement de pratiquer une écologie « punitive » contre les agriculteurs, notamment en raison de l’interdiction de certains pesticides. Tandis que pour Imane Lahmeur, la jeune candidate de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) dans la circonscription, le problème des agriculteurs, c’est plutôt l’Europe :
« On ne peut pas prétendre aider les agriculteurs en soutenant des politiques européennes délétères pour eux, comme la Politique agricole commune. Cette politique favorise les oligopoles en subventionnant plus les grandes surfaces. Il faut redonner du pouvoir aux agriculteurs avec des subventions immédiates et accompagner les conversions vers l’agriculture biologique. »
Un consensus presque total sur les transports
L’autre grand thème de campagne dans cette circonscription péri-urbaine est la dépendance à la voiture individuelle. Ces quatre candidats constatent que l’offre de transports en commun est trop limitée dans le périmètre de la circonscription. Trois lignes de TER ne desservent que sept villes sur les vingt que compte ce territoire, qui n’ont pas non plus accès au tram tandis que le cadencement des bus est jugé trop faible.
Martine Wonner souhaiterait développer les transports collectifs, Imane Lahmeur entrevoit un « pôle public des transports » pour régler ce problème de mobilité, Françoise Buffet propose des subventions pour l’achat d’une voiture électrique, hybride, ou pour une voiture d’occasion peu polluante tandis qu’Éric Amiet voit dans la proposition de sa concurrente Renaissance une nouvelle démonstration « d’écologie punitive ».
Son truc à lui, c’est plutôt la « crise démocratique grave » provoquée par « un manque de proximité entre élus et administrés » qui l’inquiète avec comme solution que « la Collectivité d’Alsace devienne une région à part entière et sorte du Grand Est. »
Dans cette circonscription ancrée à droite, l’alliance inédite à gauche lui permettra-t-elle d’être présente au second tour ? Ce sera difficile mais Imane Lahmeur peut créer la surprise en comptant sur l’éparpillement des voix de droite entre Françoise Buffet et Éric Amiet, d’autant que le Rassemblement national a envoyé son élue la plus importante dans la région, l’eurodéputée Virgine Joron. Cette dernière disputera à Martine Wonner les voix des anti-vaccins et des anti-passes sanitaire, dont il est déjà bien difficile de mesurer le poids politique d’autant que la circonscription est l’une des plus vaccinées de France.
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