Le livre d’Abd Al Malik, « Le dernier Français », paru au Cherche-midi est un recueil de textes courts, « poétiques et citoyens », accompagnés de photographies en noir et blanc. Il s’ouvre à n’importe qu’elle page, se lit d’une traite ou en piochant au hasard. Pour en parler, Abd Al Malik, qui voulait faire un bouquin « à la Prévert », a le verbe fleuri. Il parle comme il écrit et écrit comme il parle : d’un jet et à voix haute.
Le grand classique
du grand Malik
L’auteur, qui a grandi au Neuhof et se partage aujourd’hui entre Strasbourg et Paris, y raconte sa France, ses douleurs, ses idéaux. Il chante, déclame, souffle sa poésie urbaine. Voilà ce que ça donne.
> Ecoutez la lecture de la page 67, extrait commenté:
Le grand classique du grand Malik : que la devise française soit incarnée, pas seulement gravée sur des frontons, que la bienveillance prenne toute sa place dans la cité – aux sens ancien et contemporain du terme. Ben oui, bien sûr, impossible d’être en désaccord. Sauf qu’on se dit qu’il fume de l’utopie, ce bisounours à capuche. Pas tant que ça d’après lui : le rêve est vital, dommage qu’il ne soit pas plus contagieux.
> Ecoutez-le défendre les utopistes:
Bim, bien envoyé. Et les tendances cyniques remises à leur place tout en douceur. Mais la valeur littéraire de son ouvrage ? Peut-être que ses lignes ne se liraient pas de la même manière si elles n’étaient pas précédées de son nom, son modèle, son parcours ? Comme si on ne lisait pas un livre intéressant, mais le livre de Malik, donc c’est intéressant. De ça, il se moque aussi.
> Ecoutez ce qui compte plutôt:
Alors, écrit-il avec son « cœur » ou est-il « dans une posture », comme il dit ? Plutôt avec ses tripes. Jugez-en par vous-même, ce 10 mars à 15h à la librairie Kléber.
Olivier Guez :
Tea Party et nostalgie
Deux heures plus tard, au même endroit, Olivier Guez, journaliste et écrivain qui a grandi et étudié à Strasbourg, nous entretiendra d’un tout autre rêve : un rêve sur le déclin, le rêve américain, devenu nostalgie. Son ouvrage, Americain Spleen paru chez Flammarion, retrace un périple de trois mois aux Etats-Unis, à la rencontre des membres du Tea Party et de la nouvelle droite américaine. Il s’intéressait à la colère. C’est un autre sentiment qu’il a découvert sur place.
> Ecoutez la démarche de l’auteur:
Entretiens avec des théoriciens, rencontre impromptue avec des « bikers », café avec un jeune couple conservateur, paysages qui défilent, mormons hyperactifs, professeurs endettés… Le résultat est plutôt brillant. Dans la tradition anglo-saxonne, Olivier Guez narre à la première personne son Amérique à lui, ou du moins qu’il a vu avec ses yeux à lui. Le récit est subjectif mais précis, documenté. Ca se lit comme un roman et en prenant un sacré pied.
> Ecoutez un extrait:
Cette lecture presque hédoniste ne dispense pas l’intelligence. On peut y voir de plus près la peur qui pousse les Américains vers la droite extrême, mais aussi les différents courants qui la traversent. Leurs points communs : moins de gouvernement, de régulation, de fiscalité. L’idée que la Maison Blanche n’a qu’une mission : assurer le droit à la sécurité et à la propriété des citoyens. Du reste, le marché saura tout réguler. Et si les Etats-Unis vont mal aujourd’hui, ce n’est pas à cause des excès du capitalisme, non. C’est que l’Etat a fait vaciller l’économie en se mêlant de ce qui ne le regarde pas.
> Ecoutez les conclusions d’Oliviez Guez:
La lecture d’American Spleen est édifiante. Et pas uniquement sur un ample phénomène de société aux Etats-Unis, mais plus globalement sur les mécanismes du populisme. Celui-là même que l’on entend sourdre en Europe.
Références:
LE DERNIER FRANÇAIS d’Abd Al-Malik. Préface de Mazarine Pingeot. Le Cherche-Midi, 240 p., 12 €.
AMERICAN SPLEEN d’Olivier Guez. Flammarion, 270 pages, 22 €.
Rendez-vous littéraires en mars
Les Conversations de la librairie Kléber accueilleront entre autres Elias Sanbar et Stéphane Hessel, Daniel Pennac, Michèle Cotta, Catherine Nay, Myriam Anissimov…
Du 15 au 17 mars, le Nouvel Obs prend ses quartiers dans la capitale alsacienne pour Les journées de Strasbourg avec 150 invités, dont François Hollande, Peter Sloterdijk, Daniel Cohn-Bendit, George Papandreou, Mathieu Pigasse, Michel Rocard, Caroline Fourest, Robert Grossmann, Alain Beretz, Eric-Emmanuel Schmitt, Alain-Gérard Slama…
Du 23 au 31 mars aura lieu à Strasbourg le festival Traduire l’Europe. On peut reprocher au programme d’être un brin poussiéreux et jargonneux. Mais les têtes d’affiche valent le déplacement. Notamment une table ronde le 24 mars animée par Jean Lebrun (France Culture) avec entre autres les auteurs Boris Pahor, Drago Lancar et Tzvetan Todorov. Le festival fait aussi venir la journaliste et écrivaine suédoise Katarina Mazetti à la médiathèque de la Robertsau le 20 mars.
Plus confidentiel, la librairie Quai des Brumes organise une série de rencontres (lien pdf ci-joint), comme une lecture-performance avec le poète strasbourgeois Marc Syren et le peintre Krycha le 28 mars.
Enfin, n’oubliez pas les médiathèques et leur programme éclectique. Ainsi, le 17 mars, si vous cherchez un peu de poésie dans ce monde de brutes, l’association Ouï-Lire, organise avec un musicien une soirée pour le Printemps des poètes à la médiathèque du centre-ville. Chaque participant aura trois minutes pour lire un de ses textes. A vos plumes. Au mois prochain.
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