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« L’échelle locale est pertinente pour reprendre le contrôle sur le numérique »

Malgré la Covid-19 et le confinement nocturne, le cycle des tables-rondes « Tous connectés et après ? » reprend au Shadok. Mercredi 28 octobre, le contrôle sur le numérique sera discuté avec les auteurs de « Technologies partout, démocratie nulle part » et « Demain est-il ailleurs ? »

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Le numérique a-t-il aidé la société à surmonter cette épreuve de la Covid-19 ? Pour Yaël Benayoun, co-auteure de « Technologies partout, démocratie nulle part » (Ed. FYP), la séquence a plutôt mis en évidence la faillite de ces technologies qui promettaient de tout régler. Elle sera mercredi 28 octobre à partir de 18h30 au Shadok avec son co-auteur, Irénée Régnauld et Samuel Nowakowski, enseignant chercheur en informatique à Nancy et co-auteur de « Demain est-il ailleurs ? » (Ed. FYP) pour évoquer la question du contrôle sur les technologies qui nous entourent.

Rue89 Strasbourg : Taboue il y a quelques années, la techno-critique est aujourd’hui beaucoup mieux acceptée. Est-ce un signe que les mentalités évoluent ?

Yaël Benayoun : Il y a eu un discours public selon lequel les technologies étaient neutres, que seuls certains usages étaient condamnables… Aujourd’hui, ce discours n’est plus vraiment audible et dire que le numérique est politique est bien mieux accepté. Mais ce n’est que le début d’une critique des technologies, une fois qu’on a accepté ça, il faut mobiliser sur des enjeux essentiels, comme la représentativité, la sécurité, l’accès, la transparence, la vie privée, etc.

Samuel Nowakowski : Tous ceux qui ont commencé à critiquer les technologies et leurs effets ont été accusés de vouloir « vivre dans le passé. » C’est une sorte de point Godwin de la techno-critique. Puis on voit pour Amazon par exemple, que le groupe exploite des manutentionnaires sous-payés, produit des déchets et une pollution énormes et communique par ailleurs sur 600 milliards de profits… Il est devenu clair pour tout le monde que le numérique tel qu’il est utilisé aujourd’hui nous mène droit dans le mur.

Samuel Nowakowski, Yaël Benayoun et Irénée Régnauld seront tous présents mercredi soir au Shadok (doc remis)

Les enjeux liés aux usages numériques progressent peut-être dans l’opinion, mais ces technologies sont toujours très largement plébiscitées…

SN : J’enseigne en permanence aux étudiants que le plus important est de questionner les technologies. L’usage c’est une question qui se règle ensuite. Par exemple, mes étudiants utilisent parfois les plateformes de livraison de repas mais ils savent à quoi ils font appel, à une forme d’exploitation des livreurs assistée par des algorithmes…

YB : Si on prend le débat actuel sur la 5G par exemple, on sait très bien qu’on finira tous par l’utiliser, consciemment ou pas. Mais qu’il y ait aujourd’hui un débat public sur l’énergie que cette technologie va demander me paraît être un bon signe… Pour respecter les objectifs de la conférence sur le climat, la France doit réduire sa consommation d’énergie de 5% or en raison du numérique notamment, on augmente chaque année de 9%… Ce qu’il faudrait, c’est s’approprier et participer aux débats qui ont déjà commencé sur la 6G ! Car quand une technologie est mature, il ne reste plus grand chose à discuter…

Comment faire dès lors pour que la société s’empare des enjeux du numérique ?

YB : Il n’y a pas 36 manières, il faut créer un rapport de force avec les entreprises du numérique. Quand on remet du politique et de la décision concertée aux origines des applications ou des appareils, ça change en cascade énormément de choses au final… Le Réglement général sur la protection des données (RGPD) a mis six ans pour exister mais aujourd’hui, tout le monde est concerné par la production et la destination de ses données personnelles et les autres pays copient le texte européen…

SN : Il y a un travail à faire sur la considération de la relation à l’autre, remettre un sens politique dans nos interactions. Ces technologies prospèrent dans une société bien trop fragmentée, anonyme. Nous devons montrer que chaque individu, à son niveau, peut agir.

L’individu peut agir face à des entreprises mondiales ?

SN : Oui car c’est quand même l’individu l’usager final ou la cible ultime. La technologie doit servir l’humain, donc il faut partir de là. Ça semble utopique mais l’utopie, ce n’est pas l’irréalisable, c’est irréalisé comme dirait Théodore Monod.

YB : Ce n’est pas un hasard si ce sont dans les villes qu’on trouve les contestations les plus abouties aux services numériques, à Barcelone contre AirBnb par exemple. Les Barcelonais sont directement concernés par l’embourgeoisement de leur centre-ville et sa réduction à une fonction récréative… Ils ont exigé des limites et aujourd’hui, les plateformes de location de meublés sont parvenues à un compromis, il y a eu une discussion politique sur leur place dans la cité. Et des exemples similaires concernent les livreurs, les trottinettes et même Amazon, qui doit bien construire des entrepôts pour livrer tous ses produits. Au final, l’échelle locale est la pertinente pour débattre des enjeux du numérique.


#démocratie locale

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