Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Cinéma historique de Strasbourg, le Vox mise sur la technologie

Rue des Franc-Bourgeois à Strasbourg, la façade du Vox parait éternelle, inoxydable. Ses trois lettres qui trônent plus haut et plus fièrement que n’importe quelle affiche viennent rappeler que ces salles de cinéma sont, depuis plusieurs décennies, indissociables de la cinéphilie strasbourgeoise.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Une facade bien connue des Strasbourgeois (photo Greg LAUERT)

L’exploitation cinématographique a connu, ces deux dernières décennies, de multiples bouleversements à Strasbourg. Des salles historiques ont disparu. L’UGC Ciné-Cité Etoile était promis à drainer les masses, à phagocyter le grand public. Les cinémas Star, temple de l’exigence cinéphile, conservent habilement le monopole réel du label Art et Essai. Et l’Odyssée, transparent et poussiéreux, parait immuable dans sa position de « cinéma de devoir » pour la municipalité.

Et parce que le goût du 7ème ne saurait être réduit à l’attrait du cinéma d’auteur, le Vox continue, pour exister, à se débattre avec un étrange paradoxe. Il est ainsi amené à proposer une programmation proche de celle d’un multiplexe alors que le chaland, étudiant et/ou actif citadin endurci, sera plus disposé à fréquenter les salles estampillées Art et Essai qui proposent systématiquement les grosses sorties en version originale.

René Letzgus, directeur du cinéma Vox, réussit pourtant son pari commercial en optant pour deux stratégies : une offre grand public véritablement diversifiée et des conditions techniques optimales.

projeté en 2016 dans une seule salle Strasbourgeoise (Copyright 2016 CTMG, Inc. All rights reserved.)

Le pari de l’horreur

René Letzgus n’en démords pas. Si le cinéma d’horreur tient l’affiche dans son complexe, ce n’est pas par manœuvre. L’exploitant expérimenté affirme priser le cinéma de genre depuis ses débuts où il chroniquait le festival d’Avoriaz sur Radio Nuée Bleue. Les films fantastiques, le cinéma d’épouvante font bonne figure dans ses salles par simple logique : il y a un public qui vient en masse pour se faire peur.

Pourtant, les concurrents directs, UGC en tête, ont refusé de projeter Annabelle, Conjuring 2 ou encore Don’t breathe, pour les titres les plus récents. Ces œuvres attirent un public massif, souvent adolescent et parfois difficile à gérer. Si ces titres ne sont pas franchement mémorables, il est appréciable d’avoir la possibilité de les découvrir en salle.

J’ajouterais, dans une parenthèse personnelle, que la possibilité est, en matière de cinéphilie, un maître-mot. Parce que la diversité de l’offre cinématographique est, en 2017 plus que jamais, une problématique à ne pas perdre de vue. William Letzgus, co-programmateur du Vox, est lui aussi conscient de cette nécessité et du risque qu’il y aurait à exclure certains genres cinématographiques de l’offre en salle. Délaisser une niche, c’est aujourd’hui prendre le risque de voir d’autres médiums de diffusion (Netflix et autres canaux SVOD) se l’approprier.

Et au-delà de cette diversité, le Vox s’appuie également sur les sorties majeures, les énormes franchises, les écrasants blockbusters. Et sur ces œuvres, l’argument principal revient à dire que, nulle part, vous ne les verrez dans de meilleures conditions.

Le nouveau Besson, attraction de l’été dans les salles. (Copyright EuropaCorp)

La plus-value d’une époustouflante technique

Les cinémas Art et Essai s’attachent, à juste titre, à l’argument de la dimension sociale du cinéma. Voir un film est une expérience partagée, et le processus de communion continue à séduire un public averti et joliment idéaliste (dont je serai toujours le porte-étendard passionné).

Dans un cinéma généraliste comme le Vox, on s’appuie sur un autre argument pour attirer le public en salle. Pour éviter que les fans de Star Wars n’attendent la sortie du dernier opus en Blu-ray pour le visionner sur leur écran 4K mille pouces, on s’attache à leur offrir une performance technique unique, qui surpasserait largement l’expérience domestique du film.

L’équipe du Vox a donc investi à la fois sur le son, avec la technologie Dolby Atmos, et sur l’image, en équipant deux salles de projecteurs lasers, pour se singulariser et damer le pion à la concurrence. L’argument touche une certaine audience, sur certains titres précis.

René Letzgus ne cache pas les espoirs qu’il fonde ainsi sur la nouvelle superproduction de science-fiction de Luc Besson, Valerian et la cité des mille planètes, qui sortira le 26 juillet. Un film au budget monstrueux, signé par un cinéaste familier du genre, qui pourrait bien inciter le public à se déplacer en masse malgré la chaleur de l’été (saison creuse de l’exploitation cinématographique, rappelons-le) et à légitimer ces investissements dans les nouvelles technologies.

Cette optique de surenchère, cette course à l’armement, pourrait aboutir à une impasse si la direction du Vox n’avait à l’esprit une mutation majeure de l’industrie.

L’offre est à ce jour embryonnaire, mais elle est existante. La VR (virtual reality), expérience narrative en réalité virtuelle, pourrait dans les prochaines années trouver sa place dans l’établissement. Le Vox compte actuellement cinq salles et son directeur ambitionne d’affecter l’un de ces salles à la VR. Proposer le cinéma supposera bientôt de se tourner vers ses formes les plus singulières.

Et les garants de l’offre généraliste au centre-ville de Strasbourg semblent prêts à évoluer en ce sens.


#cinéma

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile