Nouveau rebondissement dans le dossier du Grand contournement ouest (GCO – voir tous nos articles). Vendredi 14 septembre en fin d’après-midi, le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d’une requête en référé, s’est prononcé en faveur de la suspension du texte : « L’arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 octobre 2017 accordant à la société ARCOS un permis d’aménager […] est suspendu. » Une victoire pour les opposants au GCO, dont une cinquantaine s’était réunie dans la matinée devant le bâtiment, pendant l’audience.
Une étude d’impact « insuffisante »
L’audience qui s’est tenue le matin même avait débuté par la plaidoirie de Me François Zind, représentant de l’association Alsace Nature. L’avocat a dénoncé une « insuffisance substantielle dans la notice d’impact » du viaduc sur le château de Kolbsheim. Pour le spécialiste du droit environnemental, le concessionnaire du GCO, Arcos (filiale de Vinci) a négligé les conséquences de l’ouvrage sur le paysage visible de ce monument historique. Ce point a été retenu par le tribunal administratif de Strasbourg :
« Le premier moyen est tiré de ce que les prescriptions de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) sont dénuées de portée normative et renvoient à l’avenir, l’ABF n’ayant pas entendu donner un avis définitif sur les caractéristiques essentielles du projet et ne pouvant valoir accord au sens de l’article L. 632-2 du code du patrimoine. »
L’avocat a aussi fustigé une étude d’impact du projet datant de 2005, « la préhistoire de la prise de conscience environnementale en France. » Le tribunal administratif de Strasbourg a aussi repris cet argument dans ses conclusions :
« Le second moyen est tiré de la méconnaissance de l’article R. 441-5-2° du code de l’urbanisme, le dossier de demande d’autorisation de permis d’aménager ne contenant pas l’étude d’impact actualisée du projet GCO alors que cette disposition est susceptible de s’appliquer dès le 1er février 2017 au motif que l’Etat doit être regardé comme maître d’ouvrage au sens de l’article 6 de l’ordonnance du 3 août 2016 par l’effet de la directive n° 2011/92/UE. »
Le tribunal administratif de Strasbourg considère qu’il existe « un doute sérieux » concernant la légalité de l’arrêté et choisit donc de le suspendre en attendant un jugement sur le fond. Il condamne en outre l’État à verser 2 000 euros à l’association Alsace Nature. Interrogé suite à l’audience, Me Zind a indiqué qu’une telle conclusion « ne signifiait pas automatiquement la fin du déboisement mais qu’elle pouvait peser lourd dans le débat public. »
Deux audiences, les 19 et 20 septembre
Deux autres requêtes en référé lancées par Alsace Nature doivent encore être jugées la semaine prochaine. Mercredi 19 septembre, le tribunal administratif de Strasbourg se penchera sur l’arrêté unique pour la totalité des travaux du GCO. Jeudi 20 septembre, une autre procédure portera sur la modification du Plan Local d’Urbanisme de Brumath, nécessaire pour s’adapter à la conception de l’échangeur nord.
En attendant les prochaines audiences, les opposants au GCO appellent à se rassembler à Kolbsheim samedi 15 septembre à 14h. Michael Kugler, l’un des meneurs de la lutte contre le projet autoroutier, évoque la venue de militants écologistes de Paris et de Lorraine.
La décision du tribunal administratif
Réaction d’élus
Quatre jours après avoir été victime du gaz lacrymogène, Karima Delli, eurodéputé écologiste, est toujours sous le choc. D’une voix faible, dont elle s’excuse régulièrement, elle enjoint le ministre de la Transition écologique à suspendre le projet :
« Combien de violence inutile pour en arriver là… C’est une bonne nouvelle que la destruction aveugle de la biodiversité et de la nature prenne fin. Je demande à François de Rugy de mettre en place un moratoire et d’ouvrir la discussion. Il faut mettre fin à la confrontation. »
Dany Karcher, maire de Kolbsheim, tempère la joie des opposants au projet autoroutier :
« Le résultat de l’arrêté qu’on attend surtout, c’est celui de mercredi prochain. Il peut suspendre les travaux. De mon point de vue, on devrait déjà arrêter les travaux et attendre les autres conclusions des autres procédures en référé. Parce que là, le déboisement peut continuer lundi et ce, « légalement ». Mais de tels agissements ne seraient pas légitimes. Heureusement, demain, ce n’est pas un jour de travail. Les gens n’auraient pas compris que l’on continue de couper les arbres. »
Sur le plan européen, Yannick Jadot, eurodéputé écologiste, souhaite lancer une pétition et questionner le financement du projet par la Banque européenne d’investissement (BEI) :
« Nous travaillons sur le financement de la BEI, pour avoir des explications sachant qu’elle est censée répondre à des critères environnementaux et climatiques. Et on va voir ce qu’on peut faire au niveau d’une pétition autour de le menace qui pèse sur la biodiversité. Nous souhaitons ainsi interpeller la commission européenne. »
Martine Wonner sera présente lors de la manifestation des opposants au GCO, à 14h à Kolbsheim. Elle demande à ce que le ministre de la Transition écologique se rende sur site :
« Nous avons fait un appel en entendant les propos de François de Rugy estimant qu’il n’y avait plus rien à faire et que tout était lancé. Je voulais quand même marquer le fait qu’il en décidait avant même qu’on se rencontre. Nous lui avons proposé de venir sur site. Nous tenons à ce que le dialogue puisse reprendre. »
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