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Le travail le dimanche revient devant la justice

L’inspection du travail assigne devant la justice sept magasins de Strasbourg pour infraction au code du travail. L’administration leur reproche d’être ouverts le dimanche et d’employer des salariés, ce qui est interdit par la loi et à Strasbourg par un texte de 1917. Les inspecteurs innovent avec ces procédures devant le juge des référés civils, dans le but de les voir aboutir rapidement et de mettre fin à une extension de la tolérance appliquée aux petites épiceries.

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Le travail dominical avait provoqué un débat public en 2009 (Photo Choudoudou / FlickR / CC)

Tout le monde connaît sa petite épicerie du coin, fort opportunément ouverte le dimanche pour parfaire une recette ou trouver le liquide déboucheur jamais présent dans le placard quand on en a besoin. Eh bien, l’ouverture de ces épiceries du dimanche matin jusqu’au soir est… illégale. Plus précisément, elles profitent d’une tolérance qui s’applique aux gérants seuls dans leur magasin depuis une jurisprudence datant de 1985.

Sauf que nombre de petites enseignes de quartier se sont engouffrées dans la brèche, emploient des salariés le dimanche de manière habituelle et ouvrent toute la journée, ce qui est interdit par le code du travail. Selon la loi, les exceptions à l’emploi de salariés le dimanche concernent des services aux touristes, les grandes agglomérations, les services d’urgence ou d’astreinte, etc. Une loi de 2009 a dépoussiéré le droit applicable, tout en confirmant le principe du repos dominical, qui peut être donné à partir de 13h seulement aux salariés travaillant dans des commerces de détail. Et à Strasbourg, un texte de 1917 interdit tout emploi de « commis, apprentis et ouvriers » le dimanche.

Pour l’inspection du travail, il convient de rappeler et de faire appliquer la loi en la matière, face à de nombreuses infractions constatées. Le service de la Direccte (Direction régionale des entreprises, du commerce, de la concurrence, du travail et de l’emploi) a entamé une campagne de contrôles en septembre 2012, auprès d’une trentaine de magasins de Strasbourg. Au final, sept enseignes sont assignées aujourd’hui devant le tribunal des référés civils pour infraction à la législation sur le travail (voir la liste ci-contre), soit les supermarchés les plus importants, soit en terme de surface de vente, soit en nombre d’employés.

Aujourd’hui le petit commerce, demain les grandes surfaces

Les inspecteurs ont choisi cette procédure plutôt que la voie pénale pour d’une part, obtenir une décision plus rapidement et d’autre part, ne plus être dépendant du procureur de la République, dont les services avaient tendance ces dernières années à ne pas donner suite aux procédures engagées, ou à les conclure par des rappels à la loi guère suivis d’effets. En outre, comme les textes datent de l’Empire allemand, les amendes étaient calculées depuis le mark-or, et aboutissaient à des montants de l’ordre de 50€. L’un des inspecteur du travail explique la démarche :

« Il s’agit à la fois de défendre les salariés et les petits commerces. Car ces derniers ont vu leur chiffre d’affaires chuter avec l’ouverture dominicale de ces enseignes. Qu’un gérant de boutique veuille prendre sur son temps personnel pour ouvrir le dimanche, à la limite, ça le regarde. Mais là, il s’agit de salariés dont on sait bien qu’ils ne sont pas forcément volontaires ou en capacité de l’être. Et ces ouvertures font du tort aux petits détaillants, qui n’arrivent plus à boucler le mois, même en ouvrant le dimanche. Et puis, si une tolérance s’applique à ces enseignes, on sait très bien que demain, ce seront des supermarchés encore plus grands qui en profiteront. »

Plusieurs syndicats, dont la CGT et la CFTC, ont prévu de se joindre à l’action de l’inspection du travail. La CGT avait également débuté une procédure visant l’emploi de salariés pendant les dimanches du marché de Noël à Strasbourg, procédure à ce jour toujours en cours.

Du côté des enseignes assignées évidemment, le discours est tout autre. Pour Yannick Simon, gérant du Carrefour City à Neudorf, il en va de la survie économique de son entreprise :

« Six mois après notre ouverture, nous avons décidé en août 2010 d’ouvrir le dimanche et ainsi d’arrêter le déficit chronique du magasin. Et puis, il y a plein de petites supérettes ouvertes le dimanche à côté de chez moi, donc si ouvrir le dimanche est interdit, qu’on applique la loi à tous de la même manière ! Je ne veux pas servir d’exemple. Je précise que tous mes salariés sont volontaires pour travailler le dimanche, ils sont payés double et obtiennent une journée de récupération. Quant aux clients, ils sont également ravis, alors je ne vois pas pourquoi je devrais fermer au nom d’une législation obsolète. Nous avons préparé des attestations et une pétition à l’attention du juge. »

Plusieurs centaines de magasins concernés

Le Carrefour City accueille environ 700 personnes le dimanche, pour un chiffre d’affaires « équivalent à celui d’un jour ordinaire », selon Yannick Simon. Quant à l’Espace Casher, il est certes ouvert le dimanche, mais fermé le samedi. L’enseigne faisant valoir sa « spécificité confessionnelle ». Ouverte depuis 2002, c’est la première fois que ce supermarché dédié aux personnes de confession israélite, mais employant des personnes d’autres confessions, fait l’objet d’une procédure mettant en cause son ouverture le dimanche.

Bien qu’assignées ce mardi devant le juge des référés civils, l’audience ne devrait pas avoir lieu, car plusieurs parties ont demandé le renvoi. Néanmoins, si seules sept enseignes se retrouvent devant la justice, plusieurs centaines de petits commerces attendent avec appréhension la décision qui sera prise.

(Mise à jour à 10h : l’affaire a bien été renvoyée à la demande de plusieurs parties en défense, au 12 février).

Aller plus loin

Sur Le Point.fr : L’interdiction du travail dominical en Alsace-Moselle est constitutionnelle

Le collectif « Le dimanche, j’y tiens » opposé au travail le dimanche

Le collectif des « bricoleurs du dimanche », favorables au travail le dimanche


#économie

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