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Le théâtre de Hautepierre est toujours « une très belle coquille vide »

A quoi sert le théâtre de Hautepierre ? Depuis que le Maillon s’est concentré sur le Wacken, la Ville gère la salle sans laisser les mains libres aux principaux occupants, l’association Les Migrateurs. Des projets existent : collaboration, résidences, ou encore travail avec des publics scolaires mais tout est bloqué, ou repoussé.

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Le théâtre de Hautepierre, place André Maurois (doc remis)

Construit au tournant des années 1970 et 1980, le théâtre de Hautepierre participe d’un projet d’aménagement du territoire, et d’une volonté d’élus de créer un lieu de culture dans un quartier « populaire. » En 2003, le théâtre de Hautepierre, occupé alors par le théâtre du Maillon, est incendié. Il faudra plusieurs années de travaux et de mise aux normes pour qu’en 2009, le théâtre de Hautepierre réouvre ses portes sous cette dénomination.

Actuellement, il est surtout utilisé par l’association Les Migrateurs, les Percussions de Strasbourg, et aussi le théâtre du Maillon qui y programme trois à cinq spectacles par an. Si Les Migrateurs ont une convention d’occupation de 165 jours par an, la Ville est toujours la gestionnaire principale. Le Maillon a choisi de se concentrer sur la salle du Wacken. Aujourd’hui, il est question de relancer le théâtre de Hautepierre et de le réinsérer dans le quartier. Mais, pour l’instant, c’est le statu quo.

La Ville, gestionnaire principale, mais absente

La Ville, en tant que gestionnaire principal, se doit de définir un projet, des orientations pour la salle de Hautepierre, en accord avec les autres partenaires. Pourtant, rien n’est encore vraiment décidé. L’incertitude quant à l’avenir théâtre de Hautepierre est en fait un problème qui traîne depuis plusieurs années. Il y a bien eu un projet de cogestion entre le Maillon, les Migrateurs et les Percussions. Mais, ce projet soumis à la Ville et au ministère de la Culture, n’a pas reçu de réponse.

Du côté de la Ville, on évoque “un projet en construction” centré sur Les Migrateurs afin de réinscrire le théâtre dans le quartier. Ceci devrait se faire notamment par le biais des associations, comme Femmes d’ailleurs, ou des établissements scolaires. S’il est question de consolider et d’accompagner Les Migrateurs, Yves Auber, en charge de la direction de la culture à la Ville, précise que la salle reste toujours sous tutelle municipale :

« La Ville met à disposition le théâtre de Hautepierre aux Migrateurs mais cette mise à disposition n’est pas exclusive. La salle peut aussi être utilisée par le Maillon, ou l’action culturelle de la Ville. Des rencontres professionnelles, des débats sont par exemple organisés pour donner un visibilité à des projets artistiques. »

Pour Les Migrateurs et le Maillon, une situation insatisfaisante

Jean-Charles Hermann, directeur des Migrateurs, trouve que le théâtre de Hautepierre est dans une situation bancale :

« On occupe le théâtre, mais on n’en est pas les gestionnaires. On n’a pas les rênes des lieux, donc on ne peut pas vraiment y faire ce qu’on veut. L’ennui, c’est que la Ville ne sait pas quoi faire de cet équipement culturel. Nous, nous ne sommes qu’une structure culturelle, nous avons des projets mais nous ne pouvons pas engager la structure sur le long terme. Nous ne voulons pas non plus que ce théâtre devienne un fourre-tout. »

Par ailleurs, Bernard Fleury, directeur du Maillon, ne comprend pas pourquoi la Ville, administration municipale, devrait s’occuper sans concertation de la programmation d’un théâtre :

« Il n’y a pas de cohérence d’ensemble sur le parc des salles périphériques de Strasbourg. La Ville ne tient pas compte des programmations des acteurs culturels. Au lieu de discuter, des décisions contradictoires sont prises, comme pour le festival Haute Tendance [festival du 6 au 11 avril autour de la création organisé par la ville de Strasbourg, ndlr]. Cela entraîne un problème de qualité et de cohérence. Si on mettait en correspondance les programmations des salles, il y aurait plus de force, d’influence, et sans doute des économies d’échelle. »

De plus, le théâtre de Hautepierre souffre du manque de moyens financiers, ce qui n’arrange rien à sa situation déjà instable. Les Migrateurs ne reçoivent que des subventions de projets, à hauteur de 400 000 € par an, et pas de subvention spécifique pour couvrir les frais d’entretien du lieu.

Serge Ohler, conseiller général et adjoint de quartier, a pourtant une ambition pour le théâtre, qu’il s’intègre au quartier de Hautepierre :

« Il y a quelques années, les spectacles attiraient les gens du quartier. Puis, le Maillon a choisi une culture élitiste. Du coup, les habitants ne s’y retrouvaient plus. Je veux que ce lieu vive et puisse de nouveau accueillir tous les publics. On a reçu de nombreux beaux projets, mais il nous faut le temps de la réflexion. »

La compagnie finlandaise a présenté son dernier spectacle en avant-première la semaine dernière au théâtre de Hautepierre (Photo : Michel Nicolas)

Les Migrateurs et d’autres opérateurs culturels proposent des actions culturelles tout au long de l’année : spectacles, résidences, etc. L’association cherche avant tout à développer les arts du cirque. A l’instar de la compagnie finlandaise WHS pour son spectacle Lähto, les compagnies peuvent poser leurs valises à Hautepierre pour créer et construire un spectacle. Les Migrateurs veulent aussi travailler avec le public du quartier, créer des liens avec des établissements scolaires, comme le Lycée Marcel Rudloff, établi aux Poteries. En juin, l’association présente le festival Melting Pot/ Rencontres Agitées, où s’entremêlent différentes formes de cirque.

Pour autant, Bernard Fleury n’entend pas abandonner cette scène :

« Pour des questions budgétaires, nous avons dû concentrer les forces du Maillon sur le Wacken. Mais nous avons besoin de la salle de Hautepierre. Nous avons un lien historique avec le quartier. Nous ne voulons pas de ghettoïsation, mais créer un lien entre le centre-ville et Hautepierre. »

Au final, le théâtre de Hautepierre risque de rester « une très belle coquille vide » selon le mot de Bernard Fleury. Pour une salle de 335 places, toute équipée, idéalement placée dans un quartier qui manque d’installations culturelles, ce serait dommage.


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