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Dans les coulisses de « Cabaret », un spectacle monté par 450 élèves d’établissements techniques et professionnels alsaciens

Mercredi 1er juin, « La Fabrique Opéra Alsace » a joué son premier spectacle au Zénith Europe de Strasbourg. L’association mise sur la collaboration entre les différents établissements d’enseignement technique et professionnel pour démocratiser le monde du spectacle. Reportage dans les coulisses d’un spectacle original.

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Le spectacle commence dans moins d’une heure. Dans les coulisses tout le monde se prépare, chacun dans sa bulle. À l’atelier du maquillage, ce sont les élèves de l’école de maquillage Candice Mack et ceux du lycée Jean Geiler de Strasbourg qui s’activent. Les élèves appliquent une dernière touche de fond de teint ou de mascara sur les visages comédiennes et des danseurs du Conservatoire de Strasbourg. Concentrée, Aylin Aksirin, 17 ans, élève deuxième année en bac pro esthétique est aussi enthousiaste : « Ce sont nos professeurs qui sont venus nous parler de ce projet. Ils nous ont proposés d’y participer. J’ai tout de suite accroché, parce que c’est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde ».

450 élèves d’une douzaine d’établissements professionnels

Le projet consiste en une comédie musicale intitulée « Cabaret ». C’est l’histoire d’un jeune écrivain américain, Clifford Bradshaw, qui tombe amoureux de Sally Bowles, meneuse de revue au Kit Kat Club, un cabaret berlinois où toutes les extravagances sont permises, sur fond de montée de nazisme dans les années 30. Le 1er juin, c’était la première représentation de « La Fabrique Opéra Alsace » au Zénith Europe à Strasbourg après celles de Colmar et Mulhouse. L’association alsacienne a été créée mi-avril 2021.

Pour cette représentation, 450 élèves ont commencé à travailler dès le 12 janvier, date de la première réunion de lancement au lycée Aristide Briand à Strasbourg. L’objectif est de créer un spectacle avec une douzaine d’établissements scolaires professionnels et techniques de la ville de Strasbourg et de son agglomération pour les impliquer dans la création du spectacle. 

Utilisant ses pinceaux, Aylin finalise minutieusement le maquillage de l’une des danseuses du spectacle, qui elle aussi est une élève au conservatoire conservatoire de Strasbourg. « Participer à ce projet m’a permis d’apprendre et de découvrir le métier sur le terrain, c’est ainsi qu’on voit vraiment l’envers du décor. Étant ici, je découvre également le monde du travail et surtout celui du spectacle », indique Aylin avec des yeux qui brillent d’ambition. 

Les élèves du lycée Jean Geiler dans l’atelier coiffure lors des préparations à la représentation générale du spectacle « Cabaret » le 31 mai. Photo : AE/ Rue89 Strasbourg / cc

« Se mettre dans la peau du personnage »

Sur les chaises d’à côté, on trouve les autres danseuses du spectacle. Elles font toutes partie de la classe de danse Jazz du conservatoire de Strasbourg, tout comme les musiciens de l’orchestre, sous la direction du chef Patrick Souillot, et de la chorégraphe Virginie Gass. 

Quelques mètres plus loin, on trouve l’atelier de coiffure. Assuré par les élèves du lycée Oberlin et Jean Geiler, toutes les mains s’activent pour finaliser les coiffures des comédiens. Sarah Baumert, élève de première bac professionnel au lycée Jean Geiler, n’hésite pas à montrer sa joie de participer à ce projet : « C’est impressionnant de voir ce qui se passe derrière les rideaux. On se rend bien compte du travail qu’il faut pour juste un personnage, ou une coiffure, et toutes les personnes qu’il faut pour incarner ça ». Avec la préparation de ce spectacle, Sarah Baumert a rencontré quelques difficultés face à la complexité de certaines coiffures : « Il faut se mettre dans la peau du personnage pour voir comment il va interagir, comment il sera représenté et comment il se déplacera sur scène afin de lui assurer le meilleur confort », ajoute-t-elle.

« Cette expérience a renforcé mon envie de devenir perruquier posticheur et coiffeuse professionnelle dans le monde du spectacle » Sarah Baumert, élève du lycée Jean Geiler à Strasbourg. Photo : AE / Rue89 Strasbourg / cc

Pour se préparer, tous les élèves ont pu regarder d’autres mises en scène de leur spectacle. En effet, l’histoire de « Cabaret » est tirée de la pièce de théâtre « I am a Camera », de John Van Drutenou. Les jeunes apprentis ont aussi été invités à regarder le film de Bob Fosse sorti en 1972. Le but était de les inspirer, puisqu’ils participeraient à une nouvelle présentation originale du même scénario.

Dans les coulisses, plusieurs silhouettes s’agitent dans l’obscurité du vestiaire. Des bruits de cintres et de chaussures se font entendre. Ici, à différents moments du spectacle, les comédiens vont changer leurs costumes. Certains ont été prêtés par les ateliers de l’Opéra National du Rhin (ONR). Au milieu de quelques ventilateurs et de nombreux accessoires qui seront utilisés au fur et à mesure lors du spectacle, la tension commence à monter. Le spectacle début dans moins moins de 15 minutes. Les musiciens de l’orchestre font les dernières répétitions. En avançant vers un grand espace qui ressemble à un hangar, quelques voix chantent crescendo. Ce sont les 40 choristes amateurs qui échauffent leurs voix. Ils ont été choisi lors d’un casting organisé en septembre 2021, où 250 personnes ont tenté leur chance.

Les choristes amateurs entrain de faire un échauffement de voix avant le début du spectacle « Cabaret » le 1er juin au Zénith Europe Strasbourg. Photo : AE / Rue89 Strasbourg / cc

“Willkommen, Bienvenue, Welcome!”

Tout le monde se dépêche pour que le spectacle démarre à l’heure. Près de 1500 spectateurs remplissent la salle. « Allez, on envoie les musiciens, c’est parti », annonce le régisseur. Les lumières s’éteignent et les musiciens se dirigent vers la scène sous les applaudissements du public. Aylin et Sarah gagnent leurs places dans la salle, avec leurs petites valises à la main. « Willkommen, Bienvenue, Welcome ! » C’est par ces mots que le maître de cérémonie invite le public dans l’univers démesuré, cosmopolite et libre du légendaire Berlin Kit Kat Club.

« Cette aventure m’a donné envie de devenir scénographe »

Lors de la répétition générale du spectacle, le 31 mai, Corentin Muller s’active autour de la régie. L’étudiant prépare le diplôme national des métiers de l’art et du design (NMAD) au lycée Le Corbusier à Illkirch. Son ambition : devenir scénographe. Après la réalisation d’un projet scolaire, son intérêt pour la production d’un spectacle l’a poussé à s’investir dans la préparation de « Cabaret ». « Cette aventure m’a donné envie de devenir scénographe, se félicite le jeune de 20 ans, je pense que j’ai trouvé ma voie. Avoir un projet concret c’est fantastique. Vivre cette expérience depuis sa conception jusqu’à sa réalisation est quelque chose de très émouvant et j’en suis très fier. » Pour l’avenir, il souhaite se spécialiser dans le spectacle vivant : opéra, théâtre et ballet dans un premier temps, pour ensuite se diversifier vers d’autres domaines de la scénographie. 

Corentin Muller vise une carrière de scénographe dans le milieu du spectacle vivant suite à l’expérience avec la Fabrique Opéra Alsace. Photo : AE / Rue89 Strasbourg / cc

Un premier spectacle mais peut-être pas le dernier

« La Fabrique Opéra Alsace » vient de réaliser son premier spectacle. Mais l’association cherche à faire de cette initiative un événement récurrent, qui se renouvelle et engage encore d’autres établissements professionnels et techniques alsaciens. Philippe Arlaud, metteur en scène et porteur du projet « Cabaret, estime avoir la responsabilité de « transmettre mon expérience afin d’assurer la relève chez les jeunes ». Il continue également de faire de la médiation culturelle dans les lycées et tente de stabiliser les finances de l’association :

« Fabrique Opéra Alsace plus Zénith égale absurdité. Plus jamais on jouera dans une grande salle comme celle-ci, parce que ce n’est ni rentable ni intéressant pour le public qui se trouve au dixième rang. Et puis quel intérêt du spectacle du 10eme rang pour apprécier le spectacle ? »

Carmen, le nouveau spectacle de la saison 2023-2024

« Cabaret » reprendra dans plusieurs salles en Alsace et dans le Grand-Est. À cela s’ajoute plus de 200 heures de médiation culturelle dans les différents lycées professionnels et techniques de ces territoires pour la saison 2022-2023. Mais il faudra une nouvelle vision pour le spectacle, comme l’assure Philippe Arlaud, parce qu’il faut « repenser le modèle économique, surtout après la crise sanitaire ».

Le travail de préparation de l’opéra comique « Carmen » du compositeur Georges Bizet a déjà commencé avec des élèves du lycée le Corbusier à Illkirch. Une production adéquate, selon le metteur en scène, qui souhaite « élargir le nombre d’établissements participants, notamment avec la Haute École des arts du Rhin (HEAR) ou encore le lycée Jean Rostand à Strasbourg. »


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