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« Le périscolaire, on n’en vit pas »

Ils sont artistes et animent des ateliers éducatifs, étudiants en quête d’un complément de revenu,  ou essayent de faire de l’animation périscolaire leur métier. Qui sont ces personnes qui remplacent les professeurs après l’école et qui sont en grève ce lundi ? Rencontre avec des passionnés très mal payés.

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Nicolas travaille depuis 6 ans dans l’animation périscolaire de deux écoles élémentaires à Illkirch-Graffenstaden, au sud de Strasbourg, mais aussi pour des associations et des centres de loisirs. Il jongle entre l’accueil périscolaire, les colonies de vacances, les centres de loisirs et les formations BAFA… Il alterne CDD, contrats de vacataire et périodes de chômage :

« Nous vivons un vrai paradoxe. Nous sommes payés pour permettre aux enfants de développer leurs projets de vie, mais avec nos salaires, nous ne pouvons pas réaliser les nôtres. »

Il postule pour des missions d’animation à chaque rentrée, à chaque période de congés scolaires. Malgré tout, il peine à gagner 15 000 euros par an :

« Je me suis déjà retrouvé à faire des semaines de 50 heures, à cause des va-et-vient permanents, pour au final ne travailler que quelques heures effectives, et finir avec 317€ à la fin du mois. »

« Je rentre chez moi et je ne fais rien »

La principale difficulté d’un emploi dans l’animation périscolaire, c’est les horaires. Il faut aller travailler une heure le matin de 7h30 à 8h30, puis revenir à 11h30 pour la pause méridienne jusqu’à 14h, et enfin être là à 15h30 pour accueillir les enfants à la sortie des classes jusqu’à 18h.

« Le matin, je rentre chez moi après le premier accueil et je ne fais rien. Parfois je dors ou je bouquine, mais je n’ai pas le temps de faire autre chose. L’après-midi, je vais boire un café chez ma mère, j’ai de la chance, elle n’habite pas loin de là où je travaille. »

Nicolas, 30 ans, vit en colocation et est en train de passer le BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), un diplôme nécessaire dans l’animation pour pouvoir enfin accéder à des postes stables. Il a eu la plus grande difficulté pour trouver des financements. Ses employeurs n’avaient pas assez de moyens pour lui payer cette formation et lui, un salaire trop faible pour économiser plus de 4 000 euros :

« Pour ceux qui veulent faire carrière dans l’animation, c’est la course au BPJEPS. Je vais enfin pouvoir le passer en VAE (validation des acquis de l’expérience). J’ai persévéré car j’aime mon boulot. Je n’aurais jamais empilé des cartons pour le double de mon salaire. »

Vianney lors de la tournée Arachnima (photo LL / Rue89 Strasbourg)

En 6 ans, Nicolas n’a eu aucune proposition de CDI ou de formation. Aujourd’hui, il espère obtenir un poste de coordinateur d’activités périscolaires.

« L’animation apporte beaucoup de satisfaction personnelle »

C’est la deuxième rentrée pour Vianney. Cette année il s’est vu proposer un CDI à temps partiel à la Maison des jeux. En plus de cet emploi, il est animateur périscolaire à l’école Finkwiller tous les lundis, mardis, jeudis, et vendredis sur la pause méridienne. Les mercredis, c’est à l’école Louis Pasteur qu’on le retrouve, de 11h à 18h30. Au final, il parvient à cumuler une trentaine d’heures par semaine, une performance dans ce secteur :

« J’ai la chance d’avoir trouvé un appartement pas cher, à côté de la maison d’arrêt de l’Elsau. Je paie seulement 350€ par mois, eau et chauffage compris, et comme j’ai un faible revenu je perçois des allocations. J’arrive à gagner à peu près un SMIC par mois en cumulant mes deux emplois et une prime d’activité. »

Pour lui, l’animation c’était d’abord un job d’été. Il a animé des colonies de vacances de 18 à 23 ans. Après un Master Patrimoine touristique et culturel, il ne trouvait pas de travail, alors il a décidé de s’installer à Strasbourg et de travailler dans l’animation avant de partir pour un grand voyage. Ce n’est pas dans sa branche mais il considère cet emploi comme provisoire et enrichissant :

« L’animation est un métier très intéressant, je ne suis pas enfermé, et je suis en contact avec du public. On développe une sensibilité, un autre regard sur l’actualité car on se rend parfois au cœur des quartiers comme lors de la tournée Arachnima. On entend l’extrémisation de certains discours et en même temps ça permet de dédiaboliser ce qu’on lit dans les médias. »

Vianney doit être polyvalent. Avec les enfants, il fabrique des jeux en bois, des pions en pâte à modeler, il organise des grands jeux extérieurs. Il encadre les gestes quotidiens des enfants comme le déjeuner à la cantine. Il mène un travail d’équipe de réflexion et d’organisation de projets pédagogiques : organiser une visite à l’observatoire pour explorer le thème de l’espace par exemple.

Artiste dans le périscolaire

Marie, illustratrice, diplômée des Arts Décoratifs de Strasbourg (devenue la Haute école des arts du Rhin), fait partie des 147 intervenants qui proposent des activités culturelles et artistiques aux petits strasbourgeois inscrits à l’école élémentaire. Elle anime deux ateliers d’1h30 par semaine, cela lui permet comme à d’autres artistes d’assurer un petit complément de revenu récurrent :

« C’est une activité que j’aime pratiquer, mais qui demeure chronophage. L’atelier tombe au beau milieu de l’après-midi, donc c’est compliqué de faire autre chose. Je le fais car j’aime le contact avec les enfants et cela me permet de garder un pied dans la société. Ça me sort de mon isolement à l’atelier le reste de la semaine. »

Le périscolaire est une activité secondaire pour Marie comme pour tous les autres artistes et intervenants extérieurs. En effet, il n’est possible d’animer que quatre ateliers pour un maximum de 6h de travail hebdomadaire (à 32€ de l’heure pour les diplômés en Art, moins pour les autres).

Grille de rémunération indiqué dans l’appel à projet pour les intervenants-tes indivisuels et les animateurs-trices de la Ville de Strasbourg

Marie travaille pour la Ville de Strasbourg depuis 6 ans. Avant la réforme des rythmes scolaires, elle proposait déjà des ateliers artistiques et constate qu’à l’époque des CEL (contrat éducatif local) les conditions de travail étaient meilleures. La Ville de Strasbourg avait beaucoup moins d’enfants à gérer :

« À l’époque, il était rare qu’un intervenant s’occupe de plus de 10 enfants. La ville pouvait suivre de près les ateliers, et au besoin, financer des beaux projets comme l’impression d’un livre réalisé par des enfants en collaboration avec le musée Tomi Ungerer. »

Aujourd’hui, les moyens sont tout autres, certains animateurs manquent de place. Les ateliers se déroulent le plus souvent dans les centres sociaux culturels mais aussi dans les écoles. Les salles de classe ne sont pas toujours adaptées à une activité de peinture, par exemple, surtout lorsque le point d’eau se situe à l’autre bout du couloir.

Le job étudiant idéal

Jeanne, 20 ans, étudiante en Art du spectacle, passionnée de théâtre, s’occupe des enfants de l’école Branly quatre soirs par semaine durant 2h30. C’est sa deuxième rentrée là-bas, elle trouve son responsable plutôt arrangeant pour les horaires et adore les enfants :

« C’est un travail très léger. J’ai fait beaucoup de baby-sitting mais je n’ai pas le Brevet d’animateur. Je vois assez peu d’inconvénients à ce travail qui est plutôt facile à obtenir. D’après moi tout le monde peut le faire s’il aime les enfants, ce n’est pas monotone et ça permet de se faire un peu d’argent. »

Jeanne voit ce travail comme idéal pour une étudiante mais elle n’imagine pas faire carrière dans l’animation. Elle gagne 100 à 280€ par mois en fonction des vacances. C’est un complément puisque ses parents lui versent de l’argent pour qu’elle poursuive ses études. Cette année elle va passer le concours du Conservatoire, et si elle devait le rater, elle choisira probablement de conserver ce travail et d’en trouver un complémentaire les mercredis et les week-ends.


#accueil periscolaire

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