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Le Marchébus, une fragile épicerie ambulante et bio en Alsace du Nord

Depuis un an et demi, un bus aménagé en épicerie ambulante parcoure l’Alsace du Nord avec les produits de sept agriculteurs bios du Bas-Rhin. Ils profitent de ces déplacements pour convaincre les habitants d’acheter des produits issus de l’agriculture biologique. Mais l’association peine à trouver l’équilibre économique.

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Il sillonne le nord de l’Alsace depuis le printemps 2016, chargé de produits locaux et 100 % issus de l’agriculture biologique. Ce bus de ville aménagé en épicerie ambulante veut faciliter l’accès à l’alimentation bio dans une quinzaine de communes entre Brumath, Mietesheim, Hatten et Roppenheim. Son nom ? Le Marchébus. Sa stratégie ? Aller au plus près des consommateurs, avec des prix modérés et les rencontrer. Si les sept agriculteurs à l’origine du projet sont enthousiastes, le succès économique se fait attendre.

L’aventure commence en 2013. Cette année, Daniel Starck, président de l’Association des producteurs bio d’Alsace du Nord, regroupe quelques paysans avec l’idée d’ouvrir un magasin. Ils y vendraient leurs produits en se passant des intermédiaires et feraient la promo de l’agriculture biologique. Mais comment ? Où ? Sous quel statut ?

L’agence de l’eau Rhin-Meuse lance alors une étude de faisabilité via son fond pour l’agriculture biologique se rappelle ce paysan boulanger de Seebach :

« Il en est ressorti que les gens sont prêts à acheter bio à condition que ce ne soit pas trop cher, pas trop loin de chez eux et avec des horaires qui correspondent à leurs disponibilités. C’est comme ça que l’idée d’un magasin ambulant a surgi. En 2015, on a sondé les municipalités, afin d’obtenir les autorisations. En fin d’année, on a embauché deux salariés et acheté le bus. Enfin, en mars 2016, on a fait notre première tournée. »

600 000 km dans les roues

Le samedi matin, arrêt à Roeschwoog, village de 2 000 habitants sur la route de Lauterbourg. Au volant, Angélique Feiss. Tour à tour coiffeuse, surveillante en collège, éleveuse de volaille à ses heures perdues, elle conduit maintenant le bus décoré aux couleurs vertes. Elle s’occupe aussi de la vente. Et puis elle remplit les étagères, compte la caisse, nettoie le véhicule, bricole sur son « vieux coucou ».

Sa débrouillardise lui facilite les choses :

« Je n’ai pas eu trop de difficultés pour passer mon permis poids lourd. Mon père était agriculteur donc j’ai déjà conduit pas mal de tracteurs. J’ai découvert le concept du Marchébus à Mietesheim, lors de leur tournée. J’habite Philippsbourg, à l’ouest de Niederbronn, donc c’est l’option bio la plus proche. »

De gauche à droite : Roger Boehm, adjoint au maire de Roeschwoog, Angélique Feiss, salariée de l’association, Hélène Clerc, conseillère à l’Opaba et Daniel Starck, président du Marchébus lors de la visite du magasin ambulant. (Photo Fabien Nouvène)

Arrêtons-nous un instant sur la bête. Un autobus retraité des transports en commun lyonnais acheté en 2016 : 2,50 m de large, 12 m de long, 600 000 km au compteur. Quand on pousse la porte qui sépare la cabine conducteur du magasin, magie. Des présentoirs et étagères pleins de fruits et légumes le long d’un étroit couloir. Puis, les frigos remplis de volaille et de charcuterie cèdent la place au rayon épicerie, confitures et alcool. À la caisse, des tablettes de chocolat du coin remplacent les paquets de bonbons multicolores.

Ici, tout est bio et presque entièrement produit dans le nord du Bas-Rhin, poursuit Angélique :

« Les produits exotiques ne viennent évidemment pas d’Alsace, mais ils sont certifiés bio. On se concentre surtout sur des aliments de saison, mais certains fruits, comme le citron, restent incontournables toute l’année. Les gens doivent pouvoir faire leurs courses hebdomadaires ici, sans nécessité de compléter ailleurs. »

Tout se joue le long de cet étroit couloir. (Photo : Fabien Nouvène)

Un magasin en recherche de sa rentabilité

Onze heures, les clients s’approchent du bus stationné entre la Poste et la médiathèque de Roeschwoog. Roger Boehm, adjoint au maire séduit par l’opportunité de pallier l’absence de marché dans le bourg, a sélectionné cet emplacement stratégique.

Cette place au centre du village a l’avantage d’être raccordée au réseau électrique, de proposer une trentaine de places de parking à proximité et même un petit abribus en cas de pluie les jours d’affluence. Car l’autobus sature assez vite. Cinq personnes en file indienne maximum.

Malgré ça, à l’intérieur, ambiance épicerie de quartier, plaisanteries et discussions sur la vie du village. Le magasin a ses habitués, comme Claire, une jeune mère de famille :

« C’est mon activité du samedi matin. C’est plus près et parfois moins cher qu’au Leclerc. »

Sur les étalages, l’origine locale des produits est largement mise en avant. (Photo : Fabien Nouvène)

Daniel Starck se dit fier d’avoir « créé quelque chose, fait un petit trou ». Oui mais voilà, le Marchébus perd de l’argent, 2 000 euros par semaine environ. Daniel ne comprend pas ce qui pèche. Des prix trop élevés qui feraient fuir les clients ? Les producteurs ménagent la clientèle avec des tarifs à mi-chemin entre le magasin spécialisé et la grande surface. Des frais de carburant et de stationnement trop importants ? Pas plus que la location d’un local en dur. Des emplacements et horaires pas adaptés ? Son équipe a modifié la tournée plusieurs fois, afin de toucher davantage d’acheteurs potentiels.

Pourtant l’agriculteur a fait ses comptes, la petite aventure a besoin d’un bon tiers d’habitués en plus :

« On tourne autour de 250 clients par semaine, il nous en faudrait 150 de plus pour rentrer dans nos frais. Comment on tient ? On ne paye pas nos propres factures en tant que fournisseurs. Heureusement qu’aucun des paysans associés ne dépend du bus. On a tous des débouchés ailleurs. »

Une communication à améliorer

Le salut pourrait en fait passer par une meilleure communication, à commencer par l’utilisation des canaux des mairies concernées. L’entreprise aimerait apparaître plus souvent sur les panneaux d’information ou dans les bulletins municipaux.

Quoi qu’il en soit, l’équipage du Marchébus ne compte pas baisser les bras. Associés et salariés vont participer à des événements autour des cultures sans pesticides pour se faire connaître et promouvoir ce type d’agriculture. Un audit va aussi être mené début 2018. Il devra identifier les points faibles du magasin et trouver des solutions concrètes.

Ici aussi on soutient le Stück, la monnaie locale d’Alsace. (Photo Fabien Nouvène)

Petite éclaircie dans ce ciel menaçant, l’épicerie sur roues est en finale des Trophées de l’eau. Ce concours de l’Agence de l’eau Rhin-Meuse récompense les initiatives en faveur de la protection de l’eau. Les internautes ont jusqu’au 30 novembre pour départager les neuf projets en lice. En plus de la reconnaissance des efforts accomplis, le vainqueur aura droit à une vidéo promotionnelle.

À Roeschwoog, 12h30 a sonné. Angélique remballe. Elle liquide ses dernières miches de pain au premier venu. Prochain arrêt, le dépôt où il faudra encore nettoyer le « ieux coucou. »


#agriculture biologique

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