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Le Conseil unique d’Alsace et nous

Depuis des semaines, le Conseil unique d’Alsace ou collectivité territoriale d’Alsace – mettons-nous d’accord sur #CUA (au pif) – est l’une de nos préoccupations principales à la rédaction de Rue89 Strasbourg. A deux jours du référendum, il était temps de clarifier nos positions personnelles et d’évoquer nos interrogations, partagées par certains de nos « coworkers » de La Plage Digitale, vivier de petites entreprises web strasbourgeoises.

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Support de la campagne du « non » socialiste au référendum du 7 avril 2013 (Document remis)

Cuisine de La Plage Digitale où Rue89 Strasbourg a ses bureaux, il y a une petite semaine. Autour de la machine à café, mon collègue Pierre France entame une envolée lyrique sur le thème des départements « qui ne veulent plus rien dire », « valables sous la révolution française, quand il fallait une journée de cheval » pour relier Lauterbourg à Sélestat…

Un échange s’engage avec Damien Senger, militant MJS (mouvement des jeunes socialistes) et responsable d’une petite entreprise de communication installée à La Plage depuis quelques mois, à qui a été confiée la campagne du Non de la fédé’ PS du Bas-Rhin. Ce dernier doute de l’efficacité du dispositif tel qu’imaginé par l’UMP et évoque l’acte III de la décentralisation. Pour lui, « la fusion, c’est bien, mais telle qu’imaginée par la droite, c’est remplacer trois usines à gaz par une autre usine à gaz ». J’embraie sur le monolithe institutionnel futur qui m’effraie, sur mes doutes quant à la capacité du Conseil unique à enrayer l’étalement urbain, à supprimer les baronnies locales, etc. Rapidement, la conversation s’engage avec les autres coworkers.

« Le département doit disparaître ! »

Ces débats ont lieu en ce moment dans d’autres cafétérias, sur les terrasses et dans les familles… Car malgré les nombreux articles sur le projet de collectivité territoriale unique, sur les positions des différents partis politiques, sur la campagne du référendum de dimanche, ou sur ce que pourrait apporter ce Conseil unique d’Alsace dans l’avenir, le saut dans l’inconnu que constitue ce vote transcende les clivages traditionnels, par nature plus figés. Les discussions sont riches, en voici quelques extraits.

Pierre s’est emparé du dossier le premier à la rédaction. Pour autant, son avis ne s’est solidifié que depuis quelques jours :

« Quand on s’aperçoit que la communauté urbaine de Strasbourg représente la moitié des habitants du Bas-Rhin (450 000 sur un peu plus d’un million), qu’elle a vocation à englober plus de compétences, on voit bien que les échelles stratégiques sont l’intercommunalité et la région, et que le département, pris en sandwich entre les deux, doit disparaître.

En décembre, j’étais plutôt opposé au conseil unique. Je trouvais que trop de compromis avaient été accordés aux élus du Haut-Rhin et que ces concessions étaient de nature à saper le principe même d’une fusion. Et puis j’ai cheminé vers un vote blanc, en me disant que la priorité, c’était la réforme institutionnelle. Pour finalement conclure que, malgré les gages donnés à des élus locaux à courte vue, ce Conseil unique supprimerait un échelon administratif et que c’était là l’essentiel. »

« Moins de fonctionnaires et des économies »

Supprimer un échelon ? Oui, mais pour quoi faire ? A La Plage Digitale, cette simplification du fameux « mille-feuilles institutionnel » fait presque l’unanimité, même si les objectifs sont tout aussi opaques que les compétences dévolues à chaque couche du dit mille-feuilles. Yann Klis, développeur web, va voter oui, « bien sûr » :

« Pour une fois que quelque chose se passe, mieux vaut aller dans cette direction que rester où l’on est. Je pense qu’il sera plus simple à terme de gérer une seule collectivité plutôt que trois, que cela voudra dire moins de fonctionnaires et des économies. Je suis aussi favorable à un état moins jacobin [ndlr : moins centralisateur au sens où tout se déciderait à Paris], comme ce qui se passe en Suisse ou en Allemagne. Cela nous permettra d’être plus efficace économiquement. »

« Combiner cette réforme avec des fusions de communes et une loi sur le non-cumul »

L’efficacité est le leitmotiv numéro un des coworkers de La Plage. Comme Isabel Mota, jeune communicante et blogueuse, peu importe quelles sont les compétences des différentes collectivités tant qu’on les met en commun pour réaliser « des synergies ». Stéphane Becker, entrepreneur dans le secteur de la modélisation 3D, veut « écrémer le process » institutionnel et votera donc « oui » dimanche. Il s’explique :

« Je n’attends rien de magique après le référendum. En tant que chef d’entreprise, je sais juste qu’une comptabilité vaut mieux que trois, mais aussi que ce Conseil d’Alsace sera surtout ce qu’en feront les hommes politiques qui le dirigeront. Quand l’Etat a créé les intercommunalités, soit disant pour simplifier les choses, ça a ajouté un nouvel échelon, de nouvelles taxes, de nouveaux mecs à rémunérer… Donc wait and see.

Les compromis politiques pour arriver à ce référendum ? Ils m’ennuient, mais l’existence des départements m’ennuie encore plus. Pour encore plus d’efficacité, il faudrait combiner cette réforme avec des fusions de communes et une loi sur le non-cumul des mandats, notamment dans la durée. Cette seule réforme ne va pas régler tous les problèmes. »

« Peur des coupes budgétaires pour les associations »

D’autres ont plus de mal à se faire une opinion, telle L. qui évolue dans le milieu associatif et ne tient pas à prendre position publiquement. Elle note :

« Je suis encore partagée, mais je vais aller voter. Les arguments sur la mutualisation des compétences et la rationalisation des politiques portent. Mais cela permettra-t-il vraiment de faire des économies ? Et puis cela va chambouler la vie de nombreux fonctionnaires… Ce qui me fait peur aussi, ce sont les coupes budgétaires dans les domaines culturel et associatif. Si demain un dossier est retoqué par le Conseil unique, la structure ne pourra plus se retourner vers une autre collectivité. Je ne peux pas non plus adhérer à l’argumentaire facile autour des suppressions de postes de fonctionnaires. C’est vraiment trop simpliste. »

D’autres arguments, essentiellement pro-CUA, sont évoqués par les coworkers, et notamment celui d’un plus grand poids souhaitable de l’Alsace (et de Strasbourg) dans la bataille du siège du Parlement européen, une volonté d’être « les premiers à créer quelque chose de nouveau en France et qui sera imité peut-être par les Bretons ou les Savoyards », le souhait de voir réduit le nombre d’élus locaux, etc.

Réticente aux expérimentations locales

Autant de points de vue que je ne partage pas, hostile que je suis à toute concurrence entre territoires et plutôt jacobine dans l’âme (égalité, fraternité, tout ça…). Jusqu’à présent, j’ai défendu la voix du non en interne. Mes arguments : un changement institutionnel ne constitue pas une politique, les éléments inscrits dans le document mis au point par la Majorité alsacienne, sur lequel devra s’appuyer le Parlement pour inscrire cette fusion alsacienne dans la loi, me semblent contre-productifs (double siège, conférences départementales, etc.) et je suis réticente aux expérimentations qu’appellent de leurs vœux certains régionalistes, notamment en matière de droit du travail. Je dis oui à un double présidence exécutif-délibératif, mais cette disposition pourrait ne pas figurer dans le loi spécifique…

Oui à un vrai pilote régional en matière d’aménagement du territoire…

Et puis, comme mon collègue Pierre l’a fait avant moi, je chemine. L’angle d’attaque UMP, « économies et efficacité », me semblant insuffisant, ce sont donc certains éléments développés par les partisans de l’Autre oui (socialiste) et du Oui naturellement (écolo) qui sont de nature à me faire réfléchir. Et notamment, permettre aux intercommunalités d’être chapeautées par un vrai pilote régional en matière de développement urbain ou commercial, de protection de l’environnement, d’articulation des politiques sociales, de formation et d’emploi. Proposer aux associations et aux entreprises non plus des « guichets » où réclamer des subventions, mais des soutiens en fonction d’orientations politiques assumées…

Comme d’autres, mon choix définitif se fera dimanche, dans l’isoloir. Dimanche, ce jour que certains jugent « historique » pour l’Alsace, nous seront fidèles au poste, à votre service, pour vous délivrer les résultats dans la soirée. Aux alentours de 20 heures, l’on connaîtra le résultat du vote haut-rhinois et surtout les chiffres de la participation dans ce département qui pourrait moins se mobiliser. Vers 22 heures, les résultats strasbourgeois devraient à leur tour être connus. Si le dernier sondage donne le oui largement gagnant, rappelons que pour être un succès, le référendum du 7 avril doit rassembler 25% des inscrits sur les listes électorales en faveur du « oui ». Le suspense est à son comble…

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