Dès 1h du matin, depuis le 1er juillet 2013, les enseignes lumineuses et les bureaux doivent être éteints. Un arrêté du ministère du développement durable précise ces dispositions afin d’une part de limiter l’impact de la civilisation sur la vie nocturne sauvage et d’autre part, d’économiser de précieux mégawatts inutilement consommés. Mais malgré l’arrêté, malgré la sensibilisation permanente contre le gâchis de l’énergie et malgré les frais engendrés par l’électricité utilisée en pure perte, une étude montre qu’à Strasbourg, étendre la lampe ne fait toujours pas partie des gestes évidents.
C’est une étude du cabinet B&L évolution, spécialisé dans le développement durable, qui met en lumière (c’était facile) cette réalité : seuls 5 bâtiments publics gérés par la CUS sur 19 étudiés du 8 au 12 janvier 2014 respectent l’ensemble des dispositions de l’arrêté de juillet. Quant aux vitrines des commerces de la Ville, les taux d’éclairages après 1h du matin dépassent les 40% dans les rues des Hallebardes et du Dôme.
De son côté, l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturne (ANPCEN), considère que Strasbourg a fait des progrès. Selon l’association, 90% des vitrines de Strasbourg sont éteintes la nuit mais elle constate des « exceptions incompréhensibles » au centre-ville et surtout place Kléber. L’ANPCEN pense également qu’une « majorité » de bâtiments publics sont en conformité aux dispositions de l’arrêté, avec des exceptions notables comme… la préfecture, « totalement illuminée ».
Thomas Basch, ingénieur chargé de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) à B&L évolution, explique les écarts de mesures entre les deux études par un périmètre examiné différent, l’ANPCEN est allée plus loin et a intégré plus de rues à son étude. En outre, elle est mieux apte à repérer les évolutions. Néanmoins, les taux d’éclairage importants de B&L évolution indiquent que des progrès sont encore à réaliser, surtout au centre-ville.
B&L évolution rappelle que la majorité des problèmes lumineux proviennent d’une simple inadvertance pour les bureaux et les intérieurs. Quant aux commerces, l’éclairage représentent de 30 à 50% de leur facture d’électricité. En outre, la pollution lumineuse agit sur la biodiversité et la santé en déréglant les rythmes biologiques des animaux et des hommes. Des troubles du sommeil ont été décelés et des recherches sont au cours sur un lien entre les risques de cancer et l’éclairage nocturne.
Le Plan Lumière, en contradiction avec l’arrêté
Le Plan Lumière est une politique d’éclairage dont l’objectif est de mettre en valeur les bâtiments historiques. Initié en décembre 2012, les Ponts Couverts, la place du Château, le Palais des Rohan et son secteur ont successivement été inclus dans ce dispositif. La Cathédrale devrait s’ajouter à la liste d’ici l’été 2015.
Cependant, le Plan Lumière prévoit des éclairages supplémentaires, ce qui semble entrer en contradiction avec l’esprit de l’arrêté ministériel de juillet qui, prudent, prévoit des exceptions dans « les zones touristiques à forte affluence ». Le dernier point sur les 7 objectifs de la Ville pour mettre en œuvre ce Plan Lumière concerne la réduction des coûts et la réduction de l’impact sur la flore et la faune. L’emploi d’ampoules LED est évoqué, mais si elles consomment effectivement moins que les thermiques, le fait qu’elles restent allumées toute la nuit est en contradiction avec les objectifs d’économies affichés par l’arrêté ministériel.
Earth Hour : le symbolique à la portée de tous, l’efficacité un peu moins
Strasbourg a aussi participé à l’opération « Earth Hour » qui s’est déroulé le 29 mars. Cet événement encourage l’extinction de toutes les lumières possibles pendant une heure afin de sensibiliser le grand public à la sur-illumination des villes et à la surconsommation d’énergie électrique. Pour l’occasion, Strasbourg a décidé d’aller plus loin et les illuminations de 11 sites ont été éteintes pendant toute la nuit. Le Palais du Rhin, la Bibliothèque Nationale Universitaire et l’Opéra du Rhin, pour n’en citer que quelques uns, font partie des bâtiments qui ont participé à l’opération. Cependant, ces bâtiments sont également sur la liste de l’étude de B&L évolution, comme ne respectant pas l’arrêté. Ainsi, 700 kilowatts-heures (kWh) ont pu être économisés le seul 29 mars, qu’en serait-il si ces bâtiments n’avaient pas participé à « Earth Hour » mais simplement conformé aux dispositions ministérielles toute l’année ?
Bonne nouvelle, la pollution lumineuse est considérée comme la plus facile à contrer. Certains citoyens, rassemblés sous les noms de « Clan du Néon » ou des « Pêcheurs d’énergie », réalisent des expéditions nocturnes et éteignent les enseignes en actionnant une manette sur la devanture des magasins. Selon Thomas Basch, bien que ces groupes s’inscrivent dans la légalité, ils sont limités dans leur efficacité. La campagne de communication autour de l’arrêté devrait se faire à plus grande échelle afin que les commerçants éteignent les enseignes de leur propre chef.
Sur l’Apple Store, il est possible de télécharger l’application « Dark Sky Meter » de DDQ, qui permet de mesurer la qualité de la nuit et de dessiner une carte de la pollution nocturne mondiale. N’oubliez donc pas de l’utiliser la prochaine fois que vous serez devant l’Apple Store de la place de l’Aubette dont les éclairages et les appareils électriques en vente fonctionnent en permanence.
(Édité par Pierre France)
Aller plus loin
Sur DeveloppementDurable.gouv.fr : la présentation de l’arrêté relatif à l’éclairage des bâtiments non résidentiels
Sur DNA.fr : Avec le plan lumière, la Grande Île s’illumine
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