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Le vote de Laurent : Le Pen en avril, Hollande en mai

Qu’un électeur du Front national vote pour le Parti socialiste, c’est peu  commun. Un choix moins saugrenu qu’il n’y paraît. Laurent H., 40 ans, a pris une décision aussi ferme que sa logique.

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Laurent H. n’a jamais raté une élection, ancien UMP il a quitté le parti en 2010. (Photo : RD)

En 2007, Laurent H. avait voté pour Nicolas Sarkozy, il avait même pris sa carte à l’UMP et travaillé dans les cabinets des élus strasbourgeois. Depuis, il a quitté le parti, déçu du sarkozysme. Cette année il a voté pour pour la présidente du Front National (FN), Marine Le Pen, au premier tour. Au second tour, il compte mettre dans l’urne le bulletin de… François Hollande.

(Article anonymisé le 27 avril 2013). – Laurent H. travaille dans la communication. Blogueur actif de la droite strasbourgeoise.com, il votait FN pour la deuxième fois de sa vie, la première, c’était pour les régionales. Souverainiste, il avoue une sensibilité pour les questions sociales, souhaite que l’économie française soit protégée, et s’oppose au libéralisme. À une autre époque il aurait pu être gaulliste, dit-il. Depuis 2010, il a choisi le vote extrême, mais ses idées ont toujours été les mêmes. Pour lui, Marine Le Pen est la seule qui peut porter le programme de Sarkozy de 2007, il faut que la droite se recentre sur elle selon lui.

« Pour que la droite se renouvelle, il faut qu’elle subisse une grande défaite. Si on va au bout de cette logique il faudra voter Hollande au second tour, et j’espère qu’il va gagner. Voter blanc, c’est ne pas prendre de position. »

Marine Le Pen n’a toujours pas donné de consigne de vote pour le second tour, elle s’exprimera le 1er mai lors du traditionnel rassemblement frontiste sous la statue de Jeanne d’Arc à Paris. Pour le moment, le FN ne veut ni de Hollande, ni de Sarkozy, une position d’entre-deux tours habituelle du parti d’extrême droite. Marine Le Pen parie sur une victoire de François Hollande car comme l’a indiqué Louis Aliot, directeur de campagne du FN, lundi sur France Info, l’UMP « va imploser » pour ensuite « se recomposer ». Ce qu’espère Marine Le Pen, c’est que cette recomposition se fasse avec elle, voire autour d’elle. Une stratégie que Laurent H. s’est appropriée.

L’UMP était orléaniste, elle est devenue bonarpartiste

Selon son interprétation, un brin surannée, le Président sortant est responsable de cette situation :

« L’UMP était plutôt un parti orléaniste, Nicolas Sarkozy a ouvert la boîte de Pandore en se mettant en scène de manière permanente. Il a introduit un bonapartisme qui nécessite un plébiscite. La droite a maintenant besoin d’un vrai leader, et Nicolas Sarkozy ne s’est pas montré à la hauteur. Je pense que l’UMP va disparaître, il faut boire le calice jusqu’à la lie ; c’est trop tard pour un accord avec le FN. »

En tant que « souverainiste convaincu », son coup de barre à droite s’explique face à un Nicolas Sarkozy trop éloigné d’une droite traditionnelle.

« Il avait promis un souverainisme retrouvé, or il a réintégré la France dans le commandement de l’OTAN, et il s’est soumis à la politique économique européenne. Il n’a pas assez protégé l’économie et l’industrie nationale. D’autres pays comme les États-Unis ont une véritable politique protectionniste par un système de taxe et de normes, pourquoi pas nous ? »

Pour Laurent H., la guerre en Libye fut la guerre de trop. Sans preuves, il voit la main de Washington derrière le printemps arabe :

« Nicolas Sarkozy a fait preuve d’atlantisme et s’est comporté comme un copain de basket-ball avec Barack Obama. »

Déçu par ce qu’il qualifie de « promesses non tenues », il n’a pas été rattrapé non plus par la campagne de l’UMP, malgré les appels vers l’électorat frontiste de cette dernière :

« Sarkozy a ressorti ses vieilles breloques de 2007, or on lui avait laissé le temps, il n’a pas été bridé par une cohabitation avec les socialistes, il n’a pas coupé la vanne de l’immigration, et il n’a pas résolu les problèmes de sécurité. Il a perdu toute crédibilité sur ces sujets. Il expulse d’un côté 20 000 personnes par an, mais de l’autre il en accueille 180 000 [immigration légale, Ministère de l’Intérieur, ndlr]. »

Conquis par la com’ d’un FN « fréquentable »

S’il avait quelques réticences à voter pour l’ancien leader du parti d’extrême droite, voter Marine Le Pen ne lui a pas paru embarrassant :

« Les propos de Jean-Marie Le Pen étaient… d’un autre temps. Il traînait trop de casseroles. Depuis, il n’y a pas eu que du ripolinage mais un vrai changement de fond. Depuis que Marine Le Pen est arrivée, le FN s’est radicalement écarté du libéralisme, et ses propos sur l’immigration ou la sécurité sont devenus moins agressifs. »

Le nouveau visage du parti l’a séduit. Il approuve le changement de nom du Front national, il pense que cela attirera des électeurs de gauche. A vingt ans Laurent H. a voté socialiste, dimanche 6 mai il recommencera, mais pas par conviction, par stratégie.


#Election présidentielle 2012

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