Deux tourne-disques dans une cave
Ce strasbourgeois d’origine allemande découvre le « scratch » en écoutant Jam de Michael Jackson – il se demande comment ce son est créé. En 1995, il trouve dans sa cave deux platines vinyles, pas du tout faites pour scratcher. Imaginez vous le tourne disque avec le cache en bois portant le nom d’une vieille marque allemande comme Telefunk.
Une semaine plus tard, un ami lui offre une table de mixage qu’il n’utilisait plus, en pensant qu’elle est cassée. Nelson comprend finalement qu’elle fonctionne, trouve le bon câble, et démarre sa carrière de DJ, en scratchant sur des vinyles de son père. Quelques semaines plus tard il tombe sur une émission allemande sur la chaine VIVA, où quelques DJs sont invités et le déclic a eu lieu ici. Il a compris à ce moment là que les DJs utilisaient « le bouton du milieu » pour scratcher.
Il faut quand même rappeler qu’à l’époque, Internet était quasi inexistant. Alors pour continuer son apprentissage du DJing, il s’achète la cassette (VHS à l’époque) du championnat du monde de DJing : DMC (Disko Mix Club) 1997. Et dans cette cassette, il découvre un jeune canadien de 15 ans connu sur sous le blaze de A-Track. Aujourd’hui on le connait pour être producteur et DJ de Kanye West. A-Track gagne les championnats du monde à l’âge de 15 ans.
A partir de ce moment là DJ Nelson a su que c’était ça qu’il voulait faire de sa vie, et qu’il voulait continuer dans cette voie. Pour lui au début il n’est pas question d’entrainement mais de « kiffe ». Il se compare volontiers à un skateur qui aurait envie de rentrer des tricks.
Il s’inspire de beaucoup de DJs et suit les compétitions qui se déroulent dans le monde entier comme les ITF (aujourd’hui les IDA – International DJ Association), les DMC bien sûr…. DJ Nelson découvre des DJs d’exceptions comme Beat Junkies, The X-Ecutioners, et bien d’autres…
« Il y a tellement eu de bon gars qui nous ont défoncés, qui nous ont impressionnés, qu’on a imité…. «
L’observation, la passion, la patience, et le talent, je pense que c’est tout ça qui a créé le DJ Nelson d’aujourd’hui.
Il participe à sa première compétition en 2003. Seul DJ à ne pas être au courant que le Bateau Ivre (une ancienne boite de nuit sur une péniche) organise un contest de DJ. Il se dit qu’il va y aller pour voir ce que c’est, sauf que le patron de la boite de nuit décide finalement de reporter la soirée 2 semaines plus tard parce qu’il n’y a pas assez de monde…
« Nelson tu veux encore t’inscrire ? »
Il s’inscrit. Il travaillera sa routine pendant deux semaines, et gagnera sa première battle. A partir de ce moment là il enchaine les compétitions, gagnera le TKO (Turntable Knock Out), organisé par C2C. à Nantes, ou encore le Who’s the King organisé par DJ Fong Fong à Grenoble.
Après avoir gagné son second TKO, il se dit qu’il est temps de se lancer dans les DMC, il se met une grosse pression, qui le fera gagner en 2008 la coupe de France, puis le championnat de France, pour arriver en finale, contre l’Angleterre, qu’il perdra, pour se retrouver donc en seconde place. Il recommence le même parcours hormis la coupe de France en 2009, pour finir à nouveau second contre l’Angleterre au championnat du monde.
A partir de ce moment là, DJ Nelson se dit qu’il serait peut être temps de se poser pendant un an, pour prendre du recul sur la compétition, préparer de nouvelles routines, et revenir plus fort. Le calcul était bon puisqu’en 2011, il gagne le championnat de France à nouveau, et devient champion du monde à Londres le 6 octobre 2011 en finale contre le Japon.
« Yo Nelson, you scratch like a rapper »
Si je devais définir DJ Nelson par une routine, c’est bien celle qui lui a permis de gagner au DMC contre l’américain Fascinate en demi finale, qu’on appelle « Break Ya Neck ».
Il s’inspire d’abord de Eklips (beatboxeur connu pour ses imitations de rappeurs avec qui il a d’ailleurs collaboré sur différents projets), qui travaille en beatbox ce son de Busta Rhymes – Break Ya Neck. Puis après un séjour à San Francisco, et une session scratch chez DJ Q-Bert quelques mois avant la compétition, il aura une sorte de révélation après ces mots que Q-Bert prononce : « Yo Nelson you scratch like a rapper ».
Il travaillera alors ses scratchs comme le flow du rappeur, et sortira une routine dont en parle encore aujourd’hui.
Break Ya Neck
La version « clean » :
La version live au DMC en 2011 en demi final au championnat du monde :
« I’m just building bridges for monkeys »
Il y a quelques mois DJ Nelson & Gaston, artiste à multiples casquettes : beatmaker, saxophoniste, membre de La Fanfare en Pétard… décident de sortir un vinyle intitulé « Building Bridges for Monkeys » aussi connu sous le nom BBFM. Il se sont rencontrés à la Pyramide, aujourd’hui le Mood Club, alors que Gaston était venu pour jouer du saxophone à 16 ans, et que DJ Nelson était venu pour faire un set DJ.
BBFM est un breakbeat, où on retrouve sur une face 6 instrumentales, et sur l’autre des scratchs skit (des sons avec lesquels on peut scratcher). Dj Nelson le décrit comme un outil pour scratcher, sampler, complètement libres de droits :
« Dans le monde du djing, j’avais vraiment envie de donner des sons. J’ai toujours acheté des breakbeats, je dois avoir une caisse avec plus de 200 breakbeats à la maison »
Ils ont fait ça à deux avec Gaston, et travaillent dessus depuis quelques années déjà. Gaston l’a également aidé à structurer ses routines lors des championnats, et lui a même filer quelques unes de ses instrumentales. L’objectif de ce vinyle est qu’il soit utilisé par le plus de gens possible, qu’ils créent quelque chose avec. Et même si on est pas un DJ spécialisé dans le scratch, on y retrouve des « bêtes d’instrus » selon Nelson.
Pourtant, DJ Nelson n’est qu’un DJ
Et pourtant, DJ Nelson n’est qu’un DJ. Je vous parais dure dans mes propos ? Pourtant c’est une réalité. Malgré son parcours impressionnant, DJ Nelson n’est qu’un DJ. Aujourd’hui en France, le DJ n’est encore que cet individu qui passe du son, même pas un artiste. Sauf que DJ Nelson comme beaucoup d’autres DJs, est un performeur. Quand il monte sur scène pour un show, sa table n’est pas dans un coin à droite, mais au centre de la scène. Il n’a besoin d’aucun MC (maître de cérémonie), ou tout autre individu sur scène, pour ambiancer son show. Il se suffit à lui même.
Le DJ devrait être considéré comme un artiste à part entière. Et ça le monde entier l’a compris sauf nous en France…
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Il n’y a pas longtemps je suis allée voir DJ Nelson mixer lors d’une soirée. Je n’ai pas pu voir une partie de sa routine parce que cinq mecs sur scène étaient là pour chauffer le public, devant ses platines. On avait l’impression que ces MCs était bien plus important à son show, que ne l’était DJ Nelson lui même.
Je ne pense pas que ça parte d’une mauvaise intention mais je pense que nous n’avons pas la même perception du show et de la performance à Strasbourg, en France et ailleurs. On n’a pas toujours besoin d’un « maître de cérémonie » pour nous dire quand danser, quand balancer le bras, et crier…
DJ Nelson a par exemple collaboré avec Fredro Starr membre du groupe ONYX. Il a signé des scratchs sur son album produit par The Audible Doctor. Et que pense Fredro Starr de DJ Nelson ?
@NelsonScratch u the best DJ
— Fredro Starr (@Fredro_Starr) March 3, 2014
Fredro Starr a posté ça après que Nelson ai posté sur le web cette vidéo, qui date des dernières TKO où il est arrivé second, mais premier selon le public.
Pourquoi un rappeur connu, et reconnu « ose » dire ça de DJ Nelson, alors qu’ici à Strasbourg et en France, on considèrerait ça comme être lèche-cul / groupie / fan / personne non respectable parce qu’elle aime bien ce qui est bon musicalement et qu’elle ose le dire ?
Et pourquoi pas DJ Nelson Ambassadeur d’Alsace ?
À quel moment va-t-donner aux DJs une vraie place dans les shows ? Voir juste dans la reconnaissance en elle-même du job, parce que si vous mettez que vous êtes DJ sur vos fiches de paie pour Pôle Emploi afin d’obtenir l’intermittence du spectacle vous avez tout faux…
Est-ce que le club des Ambassadeurs d’Alsace a déjà pensé à proposer à DJ Nelson d’en être ? On parle souvent d’Abd El Malik, mais il n’habite plus ici, et ne représente pas vraiment l’Alsace en France. DJ Nelson, lui oui, mais DJ Nelson n’est qu’un DJ. Dommage.
Pourquoi la Laiterie, dont une partie de ses missions consiste à promouvoir la scène locale, n’a proposé qu’une seule et unique fois à DJ Nelson de faire la première partie d’un concert (c’était pour Birdy Nam Nam) ?
Pleins de questions, auxquels j’ai vraiment du mal à répondre, connaissant le talent de DJ Nelson, et sa popularité ici et ailleurs…
Bref, je suis admirative du travail de DJ Nelson, de ce qu’il produit. Je le soutiens dans sa carrière. Il le mérite. Il ira très loin grâce à son talent, mais surtout grâce à son acharnement dans le travail. Oui « Last Night DJ Nelson saved my life ».
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