Nixon est le cinquième album de Lambchop, sorti dans les bacs en 2000 et assurément LE chef d’œuvre du groupe de Kurt Wagner. Car cette charge poétique contre l’ex-président américain englué dans le scandale du Watergate condense en dix titres l’excellence des précédents opus publiés par cette bande à part de Nashville, Tennessee – quatre disques depuis 1994 dont un premier essai, Jack’s Tulips, qui a su se rendre essentiel et incontournable dès sa naissance.
Nixon captive et enchante, tout en douceur vénéneuse, en ballades chaleureuses, en ivresse ascendante et vertigineuse. À l’image du destin de ce chef d’État qui ne marqua l’Histoire qu’à travers le prisme du déshonneur et de la manipulation. Exit popularité et réélection que rappelle pourtant aussi Lambchop dans l’un des titres les plus enjoués de son album :
Alors pourquoi replonger aujourd’hui, avec une tournée frappée du sceau de Nixon, dans la nostalgie d’une époque bénie pour Lambchop qui n’a plus sorti d’album depuis 2012 (Mr. M) et fut marqué un an plus tard par la mort brutale de son ancien bassiste Marc Trovillion ? Peut-être, justement, pour continuer de vivre et se nourrir de nouvelles expériences, d’autant que l’excellent label indépendant américain Merge Records (qui signe également Arcade Fire et The Buzzcocks) offre à l’occasion de ses 25 ans une réédition de Nixon en version Deluxe double album avec un second disque issu des célèbres White Sessions de Bernard Lenoir qui fit les belles heures des soirées de France Inter.
Un délicat et savoureux festin
Mais parler de Lambchop en ne s’arrêtant qu’à Nixon serait injuste pour l’œuvre collective du groupe. Car Wagner et les siens touchent à tout. Folk, jazz, pop, post-rock, country-rock, reggae, soul. De douces caresses effleurantes, sans précipitation ni brusquerie. C’est leur recette de l’accomplissement, appétissante, savoureuse pour un délicat festin impressionniste. L’association des mets ne tombe jamais dans la lourdeur, les digressions mélodiques s’opèrent par petites touches et furtives dégustations. On picore pour mieux apprécier.Qu’il s’agisse de joie extrême ou de chagrin inconsolable.
D’ailleurs, le Mr. M sorti en 2012 rend humblement hommage à l’ami éternel et jumeau spirituel Vic Chesnutt. L’écriture prend là des accents aux vertus thérapeutiques, pour soigner des bleus à l’âme et atténuer l’hémorragie d’un cœur meurtri à tout jamais.
Lambchop, c’est aussi la prodigieuse limpidité de How I Quit Smoking (1996), la rusticité sincère de Thriller (1997) et la douceur enchanteresse de What Another Man Spills (1998).Relevons aussi le folk-rock sophistiqué de OH Ohio (2008) et la poésie intimiste et feutrée de Damaged (2006), bouleversant recueil de ballades qui gomment toute sensation temporelle.
Car la magie de Lambchop réside dans la création d’un univers qui s’affranchit de tout pour mieux renforcer son caractère unique.
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