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Le Labyrinthe du Silence, quand l’écriture de l’histoire prend l’allure d’une fiction

Le premier long métrage de Giulio Ricciardelli ressemble presque à une fiction tant les révélations qu’il contient sont inattendues, choquantes et surprenantes. Jusqu’en 1958, soit 13 années après la victoire des alliés, la population allemande vit dans le tabou total des camps de concentration. Ce film relate la façon dont un jeune procureur découvre progressivement l’horreur qu’on lui a cachée, et décide d’initier le procès que l’Allemagne n’a pas encore eu le courage de se faire.

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Plonger dans le passé pour affronter la vérité du présent (Photo Universal International Pictures Germany)

L’histoire du Labyrinthe Du Silence est basée sur des faits réels, mais elle semble complètement improbable. Nous avons du mal à concevoir que tant de victimes, déportées, gazées, puis systématiquement incinérées dans des fours crématoires, se soient évanouies sans laisser aucune trace dans la conscience d’un peuple tout entier.

Comment l’Allemagne d’après guerre a-t-elle pu cultiver une telle « schizophrénie » d’elle-même à propos du meurtre d’un si grand nombre de personnes provenant de milieux très différents : des communistes, des juifs, des tziganes et des homosexuels ?

Lever le voile sur les tabous, les mensonges et les non-dits enfouis dans des dossiers (Photo Universal International Pictures Germany)

À l’heure de la reconstruction de l’Allemagne perdante et dévastée par la seconde guerre mondiale, les ex-nazis représentent encore une importante partie de la population. Ils sont des anciens membres actifs du parti ayant œuvré à l’extermination systématique de millions d’hommes, de femmes et d’enfants. Ceux qui savaient mais qui ont laissé faire, travaillent consciencieusement à faire comme s’il ne s’était rien passé ; quant à la nouvelle génération, elle vit dans l’ignorance totale des faits.

On a du mal à croire que le « secret » ou plutôt le déni, ait pu fonctionner encore de si longues années après la guerre alors que le monde entier est déjà largement renseigné sur le bilan du conflit le plus meurtrier de l’Histoire. Mais la normalisation de l’Allemagne, fautive et coupable de sa participation passive aux plus terribles crimes jamais perpétrés contre l’humanité, semble passer par le pire des silences.

La bande-annonce

Des « soldats » qui ne faisaient que leur devoir

Il y a bien eu des morts, mais nul n’évoque le crime, ou encore moins un programme d’extermination massive. Dans l’inconscient collectif, les nazis étaient des soldats en guerre, qui ne faisaient que « leur devoir ». La plus grande machine à anéantir la dignité humaine jamais inventée est l’œuvre de ces hommes revenus à leur place pour être juristes, profs, garagistes ou technocrates.

L’impératif catégorique est celui d’une vie qui doit absolument reprendre son cours. Personne n’est prêt à endosser la moindre responsabilité, ni la moindre culpabilité, en plus de l’échec cuisant de la guerre. Ce ne serait que servir la propagande des vainqueurs.

La vérité peut-elle s’imposer de force à une population qui refuse de savoir? (Photo Universal International Pictures Germany)

Le travail du procureur qui cherchait notamment à confondre l’affreux Dr Mengele sera titanesque. C’est la confrontation au silence et la violence du refus à reconnaître la douleur des victimes, que ce récit très surprenant met en scène.

Écrire l’histoire des victimes pour ne pas les tuer une seconde fois

Le film est un peu aride, linéaire et pas très passionnant du point de vue de sa forme. Si certains abusent du flash back et des images à sensations en se servant notamment de l’horreur des camps, on peut déplorer ici la linéarité parfaite du récit, construit sur le mode de la narration au premier degré. Mais il en résulte une grande sobriété et une focale qui garde sa mise au point sur l’essentiel : la population fait tout pour se maintenir dans les non-dits, seule la justice peut renverser ce rapport de force.

Elle doit obliger  toute la nation allemande à supporter de se retourner objectivement sur son passé, pour punir les criminels qu’elle a elle-même fabriqués.

Confronter des assassins déjà complètement ré-insérés dans la vie « normale » (Photo Universal International Pictures Germany)

Même si le scénario manque  un peu d’inventivité et de surprise, la réalité qu’il nous dévoile est édifiante et notre étonnement face à son déroulement ne tarit pas. On ressort avec le sentiment étrange d’avoir participé de l’oubli parce qu’on ignorait jusqu’à ce jour combien d’obstacles ont dû être franchis pour que l’horreur de ces massacres devienne publique.

L’idée d’assumer tant de barbarie et de cruauté pour l’Allemagne qui était considérée comme le pays le plus cultivé de toute l’Europe à l’heure des faits, est une étape historique de première importance pour le peuple de Goethe et de Schiller.

Un film à la hauteur d’un procès symbolique et historique

Au procès qui eut enfin lieu à Francfort en 1963, seuls 19 nazis responsables actifs de la solution finale furent jugés, dont 17 condamnés. À cette même époque, Mengele et d’autres collaborateurs coulent encore des jours tranquilles en Argentine ou au Brésil. Aucun des accusés montés à la barre et rendu coupable de meurtre, n’exprima de regret ou de remord… Mais une page d’histoire est écrite, elle changera désormais le cours de l’évolution de toute l’Europe.

Une enquête passionnante de dimension historique (Photo Universal International Pictures Germany)

C’est le courage et la ténacité de ceux qui ont œuvré  pour que la vérité soit faite, qui sont au cœur de ce film-dossier magnifique. Mais ce sont les enjeux inhérents à tout dévoilement des fautes d’une nation qui tiennent le premier rôle de cette enquête historique dont l’importance fut capitale.

 À voir à Strasbourg aux cinémas UGC Ciné-Cité et au Star.


#Allemagne

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