Mais d’où vient cette tradition si ancrée du sapin de Noël ? Selon plusieurs sources, le premier sapin de Noël aurait été érigé à Sélestat en 1521, ce qui ferait de cette ville d’Alsace le berceau de cette tradition maintenant largement respectée un peu partout. Sauf que des recherches récentes, menées par Georges Bischoff ont montré que l’Oeuvre Notre-Dame a commandé 9 sapins pour les 9 paroisses de Strasbourg « pour accueillir la nouvelle année » en… 1492 ! Et pan, Sélestat !
Médiateur culturel au Musée alsacien de Strasbourg, Adrien Fernique précise les conditions de cette découverte :
« Gérard Leser et Georges Bischoff ont travaillé sur les traditions de Noël dans l’espace rhénan. Il a d’abord été question de branchages de sapins dès le XIIIe siècle. Puis en 1521 à Sélestat, la ville a voulu « garder des arbres pour la Saint-Thomas (le 21 décembre, ndlr) » en dépensant 4 schillings. Mais dans un ouvrage de 2006, il est vraiment fait mention de sapins cette fois, achetés 2 florins, dans un livre de comptes de l’an 1492 de l’Oeuvre de Notre-Dame. C’est à ce jour la première mention de l’installation de sapins à cette période de l’année. »
Une tradition de l’espace rhénan
Dans les vidéos de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ci-dessus, la mention de Sélestat est bien reprise pour situer dans l’Histoire l’origine de cette tradition. Elle est de toutes façons issue de l’espace rhénan, comme l’explique Adrien Fernique :
« La mention de 1492 était passée inaperçue mais maintenant que les historiens savent qu’ils peuvent chercher des sapins dans les livres de comptes, il n’est pas exclu que la date de la première édification d’un sapin pour la période de Noël change à nouveau. Les mentions de sapins se multiplient dans tout l’espace rhénan à partir du XVIe siècle, en Alsace à Ammerschwihr, Kaysersberg et de l’autre côté du Rhin à Fribourg. En 1576, on a la preuve qu’un linteau en pierre d’une porte à Turckheim est décoré par un sapin gravé, avec des bretzels comme décoration. »
Pourquoi un sapin à Noël ? Il s’agissait en fait d’une tradition populaire et profane, afin de célébrer la victoire du renouveau au moment le plus sombre de l’hiver. « C’est pourquoi l’Oeuvre Notre-Dame parle d’accueillir la nouvelle année », précise Adrien Fernique :
« Au XVIe siècle, l’arbre était disposé dans les lieux publics, parcs ou corporations par exemple. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle qui va faire son entrée dans les foyers. Il sera d’abord suspendu au plafond parce qu’alors, on décorait les sapins avec des denrées comestibles, des petites pommes rouges, des oblats (osties non consacrées)… Il s’agissait d’éviter les rongeurs. Ces sapins suspendus sont assez bien documentés par des témoignages et même des illustrations, comme un dessin de Benjamin Zix de 1816. »
Mais ce n’est qu’à partir de 1850 qu’on voit les sapins de Noël véritablement s’installer dans les maisons, de plein pied. Quant aux boules de Noël, il y a une controverse sur la première fabrique à l’avoir proposée :
« Goetzenbruck près de Meisenthal prétend être le berceau de la boule de Noël en verre mais en fait, il semble bien que des boules en verre aient préexisté en Thuringe. »
Repris par les Américains dans l’imagerie populaire de Noël
Ensuite, la tradition du sapin de Noël se raccroche à l’histoire des migrations des peuples germanophones. Il y a eu une première vague vers la France en 1870, après la défaire de la France face à la Prusse, les Alsaciens qui le désirent peuvent rester Français, à condition de partir. Ce que de nombreux Alsaciens font vers Nancy et Paris, en emportant leurs traditions de petits sapins de Noël avec eux.
Et c’est la caisse de résonance américaine qui donnera aux traditions de Noël l’écho que l’on connaît aujourd’hui, comme l’explique Adrien Fernique :
« La tradition du sapin traversera l’Atlantique avec les migrants allemands vers les États-Unis, avec Santa Claus et toute l’imagerie du Noël américain que l’on connaît aujourd’hui, sa récupération par Coca-Cola, etc. Ces éléments sont revenus en Europe par l’influence américaine, ce qui explique que dans bien des endroits, y compris au Sundgau par exemple, il n’y avait pas cette tradition des sapins de Noël avant 1950. »
Quant à la solidité des sapins érigés sur les places, les archives restent muettes sur cette délicate question.
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