En 1950, la Bibliothèque nationale universitaire de Strasbourg (voir aussi la page Wikipédia) avait déjà fait l’objet d’un réaménagement pour augmenter sa capacité de rangement. Sur une même superficie, le nombre d’étagères avait alors doublé. L’accumulation des magasins fragilisait lourdement la structure porteuse sur la totalité des huit étages du bâtiment et présentait un risque d’écroulement en cas d’incendie. C’est avant tout cette « tenue au feu des planchers », évaluée par les pompiers à moins d’un quart d’heure (gulp !), qu’il a fallu revoir. Cette nécessité sécuritaire a été l’occasion de rénover de fond en comble l’édifice, construit par August Hartel et Skjold Neckelmann, les mêmes architectes qui ont signé l’ancienne Diète d’Alsace-Lorraine, aujourd’hui le TNS.
Nicolas Michelin, architecte bien en cour
L’Agence Nicolas Michelin et Associés (ANMA) a remporté en juin 2006 le concours auquel se sont présentés 67 candidats. Nicolas Michelin est un architecte en vogue. Il a été nommé au Grand Prix d’Urbanisme en 2005, 2007, 2008 et 2009 et l’Etat lui a confié la construction du très controversé ministère de la Défense à Paris Balard. Pour faire bonne mesure, Nicolas Michelin a été fait chevalier de la Légion d’Honneur le 1er janvier 2013.
L’Agence Nicolas Michelin et Associés n’est pas seule à s’occuper du chantier. La BNU étant classée monument historique depuis 2004, l’intervention de l’ANMA est flanquée de celle de Christophe Bottineau, architecte en chef des Monuments historiques. Cela concerne principalement les façades et les toitures.
L’objectif des maîtres d’œuvre est d’allier modernité et respect du passé. Si bien que le projet de Nicolas Michelin, s’il modernise fondamentalement l’intérieur de la BNU, lui redonne sa structure originelle. L’architecte donne les grandes lignes de son projet dans un entretien avec Christophe Didier, rédacteur en chef de la Revue de la BNU (n°1 de 2010) :
« Je tourne le dos au bâtiment des années cinquante, dont les restructurations avaient occulté en grande partie la force du plan central d’origine. En dégageant la coupole, je redonne à l’intérieur une partie de son lustre d’antan et rétablis en même temps sa logique structurelle. »
Le public a déjà pu se faire une idée du nouvel intérieur grâce aux images réalisées par les architectes. Pour ceux qui les auraient manquées, le sujet d’Alsace20 ci-dessous (vidéo diffusée en janvier 2012) offre une bonne séance de rattrapage.
Le travail de l’armature de la coupole rend la restauration plus complexe
La façade de la BNU restera telle qu’elle a toujours été. Les maîtres d’œuvres ont simplement aménagé un accès pour les personnes handicapées à gauche de l’escalier d’entrée. L’accès pour les personnes en fauteuil se fera donc dorénavant du côté de la place de la République et non plus par l’avenue Victor Schoelcher. Les murs ont également bénéficié d’un petit ravalement de façade et les statues ont été électrifiées pour les préserver des « attaques » de pigeons.
A l’intérieur, deux magasins de stockage, renommés « magasins historiques », ont été conservés dans l’aile est de l’édifice. Ces deux pièces des 4ème et 5ème étages conservent le plancher d’origine et les étagères Lipman installées dans les années 1890. La verrière de la coupole fait actuellement l’objet de discussions. Ses carreaux de verre avaient été remplacés, dans les années 1950, par du plastique. Dans le nouveau projet, les architectes ont décidé de revenir au verre.
Mais le principal problème concerne l’armature. Faite de tiges de bois recouvertes par du bronze, la structure de la coupole a évolué de quelques millimètres au fil du temps. Résultat : les emplacements accueillant les carreaux ne sont plus réguliers. Pour respecter les délais, la structure déformée – qui oblige à fabriquer chaque carreau à des dimensions bien précises – sera peut-être remplacée par une nouvelle.
Une modification totale de l’édifice
Pierre Louis, conservateur général en charge de la mission BNU Nouvelle, présente le chantier comme une modification totale de l’édifice :
« L’intérieur est bouleversé. Grâce à l’escalier central, le bâtiment sera lumineux. Dans l’ancien bâtiment, on se sentait à l’étroit, on ne savait pas se repérer. Maintenant l’usager ne sera plus perdu puisqu’il sera toujours guidé par un axe central. »
Un premier hall avec escalier mènera les lecteurs au niveau 1. Là, le public pourra se rendre à droite dans une salle d’actualité, avec journaux et périodiques. C’est également à ce niveau que sera aménagée la cafétéria, une des grandes nouveautés de la prochaine BNU. Le reste de l’étage sera occupé par une salle d’exposition de 500 m² et d’un auditorium de 146 places, dont 4 pour personnes handicapées.
C’est au niveau supérieur que l’escalier central, accessible avec la carte d’abonnement, prendra sa base. Il desservira les quatre autres étages plus hauts.
Les différentes salles auront leur propre décoration pour varier les ambiances. Entre autres, une salle du patrimoine, avec livres précieux en vitrines, tiendra lieu au 5ème étage. Une salle de lecture, au 6ème étage, donnera juste sous le dôme. Des tables de travail seront fixées à même les rambardes. Du haut du 6ème étage, le lecteur pourra donc voir ce qui se passe à près de 30 mètres au-dessous de lui.
Wifi à tous les étages…
L’agencement de la nouvelle BNU offrira plus de « lisibilité spatiale ». C’est le premier avantage avancé par le conservateur. La petite révolution sera cependant tout autre : le public pourra consulter librement un nombre important de livres (200 000 volumes en libre accès) qui ne seront plus stockés dans les magasins et n’aura plus à attendre la célèbre « demi-heure » entre la commande des documents et leur retrait. Les lecteurs apprécieront également l’internet sans fil (wifi) gratuit et accessible dans l’auditorium par un code délivré avec la carte d’abonnement.
La question d’une ouverture le dimanche est actuellement en discussion entre les différents personnels de la bibliothèque. Dans le cas où cette proposition aboutirait, la BNU deviendrait la seule bibliothèque ouverte le dimanche à Strasbourg.
… mais seulement une dizaine d’ordinateurs
La BNU étend sa surface de 30 000 m² et sa collection de documents sur place passera de 56 à 81 kilomètres de rayonnage. Mais conjointement, il n’y aura que 160 places de travail supplémentaires, portant leur nombre total à 660. A titre de comparaison, la bibliothèque universitaire Blaise Pascal offre 816 places assises, la médiathèque André Malraux 1 000 places assises.
Concernant l’accès à un ordinateur, la BNU, avec une dizaine de postes informatiques, ne pourra pas non plus rivaliser avec la centaine de postes que propose la médiathèque Malraux.
Si la salle d’exposition permettra de faire vivre l’édifice, la BNU restera surtout un lieu de conservation et d’emprunt, non un lieu où tout le monde pourra venir travailler sur place.
Rendez-vous repoussé en septembre 2014
Le chantier a pris du retard. Les discussions concernant le remplacement ou non de la structure du dôme empêche la poursuite des travaux sous celui-ci. Par ailleurs, la pose de l’équipement servant à améliorer l’acoustique de l’édifice rencontre quelques difficultés. Par endroits, le béton n’est pas assez lisse pour accueillir les plaques isolantes et doit être poncé. De fait, alors que la réouverture au public était envisagée en janvier 2014, elle ne sera sans doute pas effective avant septembre 2014. D’ici-là, les documents de la BNU restent empruntables. L’autre option, possible à partir du 15 septembre 2013, sera de consulter les documents en ligne via Numistral. La Bibliothèque nationale de France (BnF) et la BNU de Strasbourg ont signé, le 6 février dernier, un partenariat afin de développer cette bibliothèque virtuelle qui compilera un stock de départ de 600 000 pages.
Y aller
Pendant la durée des travaux, les salles Joffre et Fischart assurent les services habituels (prêts, consultations…). Ouvertes les lundis de 14h à 19h, du mardi au samedi de 9h à 19h.
- BNU Joffre, 5 rue Joffre à Strasbourg. tram B, C, E, F : arrêt République. bus 10 : arrêt Lamey / bus 6, 15A, 72 : arrêt République
- BNU Fischart, 9 rue Fischart à Strasbourg. tram C, E, F : arrêt Université. bus 10 : arrêt place Brandt-Université / bus 15A : arrêt Golbery
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