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« La pièce rapportée », un vaudeville contemporain hilarant

Dans La pièce rapportée, son troisième long-métrage, Antonin Peretjatko porte un regard burlesque et férocement drôle sur les rapports sociaux en utilisant les ingrédients du vaudeville, à la sauce piquante. Rencontre

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Tout commence comme dans un conte de fée : la jolie guichetière Ava (Anaïs Demoustier) rencontre l’héritier de la famille Château-Têtard, Paul (Philippe Katerine), tout droit descendu de son fauteuil Louis XVI, pour tenter de prendre le métro alors que les taxis sont en grève. Et ils eurent beaucoup d’enfants ? Cela se complique car Paul, qui vit toujours chez Maman (Josiane Balasko) préfère jouer à Candy Crush et Ava s’ennuie… Dans ce scénario de vaudeville, Antonin Peretjatko glisse son regard burlesque et parle des rapports sociaux avec férocité.

Bande annonce

Rue89 Strasbourg : Vos deux premiers films ont été compliqués à financer, est-ce que vous avez eu plus de facilités pour ce vaudeville avec un casting en or massif : Josiane Balasko, Anaïs Demoustier et Philippe Katerine ?

Antonin Peretjatko : Non, ça n’a pas été plus facile et j’en ai été le premier surpris. On a fait le film avec le budget minimum. Avec ces trois comédiens et pour une comédie, je pensais qu’on aurait Arte ou France 2, on a eu finalement Canal+, sans qui il n’y aurait pas de film. Le film est construit autour de gags visuels et cette écriture ne rentre pas dans les grilles de lecture des sociétés de production. C’est pour ça que le cinéma français repose sur des films à dialogues et des films réalistes : avec un dialogue, on voit tout de suite si ça marche ou pas, c’est plus simple. Maintenant, l’essor des films de genre, très récent, va peut-être faciliter le financement de films différents, plus visuels, burlesques, oniriques…

Antonin Peretjatko, réalisateur de La pièce rapportée (photo Pascal Bastien).

Justement, le film est bourré de gags, qui sont étirés, développés, très bien construits. Il se passe aussi beaucoup de choses à l’arrière-plan, le spectateur est sans cesse surpris. Comment construisez-vous votre scénario ?

Les grandes lignes sont dans la nouvelle de Noëlle Renaude, « Il faut un héritier ». Après, dans chaque scène, je vais infuser ma manière de voir le monde. C’est difficile de décrire une situation burlesque, il y a donc un gros travail d’écriture pour rendre le scénario fluide à la lecture. Mes idées viennent avec l’histoire, avec les personnages, mais certaines attendaient de trouver leur place. Par exemple, la scène où Anaïs Demoustier est cachée dans une contrebasse est une adaptation d’une nouvelle de Tchekhov, Le roman d’une contrebasse, que j’avais écrite pour un film précédent mais ça ne fonctionnait pas. Ici, elle est devenue un élément central du film puisque c’est à partir de ce moment-là que les personnages vont penser que la reine-mère perd la tête.

Une contrebasse c’est si important ?

Tous les personnages en prennent pour leur grade, tout le monde est plus ou moins menteur et intéressé, est-ce que la morale vous ennuie ?

Dans la vie, non, mais dans le film, je souhaitais qu’ils aient tous plusieurs facettes : ils sont tous sympathiques à un moment, mais ils ont tous au moins un défaut. William Lebghil par exemple, qui joue Jérôme, a vraiment un capital sympathie énorme, mais finalement il est complètement pleutre. Dans la nouvelle, les personnages sont tous un peu idiots et c’est beaucoup plus méchant. Mais j’ai l’impression qu’on a moins besoin d’identification en littérature qu’au cinéma.

Personne ne s’aime vraiment non plus…

Oui, ce sont des amourettes, des rencontres, on aime par opportunité : c’est le propre du vaudeville ! Le spectateur sait qu’il va voir des mensonges, des quiproquos, des sentiments biaisés…

Dans la première scène, on découvre les Châteaux-Tétard en pleine partie de chasse. Elle pose de façon complètement burlesque le thème du film : les rapports de classe. C’est un hommage à La Règle du jeu de Renoir ?

Consciemment pas du tout ! Mais c’est vrai qu’on retrouve la même problématique que dans La pièce rapportée : les relations entre les domestiques et les maîtres.

En trois films, vous avez construit un style très personnel qui pourrait se décrire comme un mélange de nostalgie et de modernité.

C’est exactement ça. J’aime faire des films ludiques, qui n’arrêtent pas de faire des clins d’œil au spectateur. Je m’amuse avec les figures de style du cinéma classique : la fermeture de l’objectif, le flash-back, l’apparition de la star, le happy end… Les couleurs aussi, très nerveuses, évoquent plutôt le cinéma des années 60 aux années 80. Aujourd’hui, l’image à la mode est désaturée, sans contraste. Et en même temps, j’ai rempli mon film d’allusions à l’actualité. Le film a été tourné avant le Covid mais sinon, il y aurait surement eu des références à la distanciation sociale…

Anaïs Demoustier est face à Josiane Balasko.

Vous avez tourné deux films avec Vimala Pons et Vincent Macaigne. Vous les avez abandonnés pour Anaïs Demoustier et Philippe Katerine, pas si éloignés des premiers… Pourquoi ce changement ?

Je ne voulais pas qu’on pense que j’étais abonné à ces acteurs et que plus personne ne veuille tourner avec moi ! Je voulais tourner avec Philippe Katerine depuis longtemps. Il a beaucoup aimé le personnage et notamment cette phrase qui le présente en voix off : « Paul est un bon garçon, sans aucune once de méchanceté ». Face à Josiane Balasko, Anaïs Demoustier apporte un jeu plus sobre, on a beaucoup joué sur ses regards en créant des apartés avec le spectateur, comme au théâtre.

Josiane Balasko est une pièce rapportée dans votre cinéma…

Josiane Balasko ne connaissait pas mes films. Elle n’a pas fait tant de rôles burlesques depuis les Bronzés et elle a pris beaucoup de plaisir à jouer de façon outrée. Elle me disait : « Tu sais depuis les années 30, on ne joue plus comme ça ! Alors tu veux quoi ? Une tranche plus fine ou une tranche plus épaisse ? » Et au montage, on a toujours pris les tranches épaisses, elle y va à fond et ça passe ! Elle a apporté beaucoup à son personnage, qu’elle trouvait un peu trop monolithique. Par exemple, dans le scénario, elle engueulait tout le temps son fils et dans le film, elle lui passe tout. J’aime ces discussions sur les personnages, qui aboutissent à une construction plus claire pour tous, le tournage est d’autant plus efficace.


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