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La justice pourrait annuler la dématérialisation des demandes de titre de séjour

La Cimade, le syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l’Homme a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en juin 2021 contre la dématérialisation des demandes de titre de séjour. Mardi 22 février, le rapporteur public les a suivi en demandant l’annulation du processus mis en place par la préfecture.

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« C’est plutôt positif, on espère que le juge va suivre », commente Me Ekaterini Sabatakakis, avocate pour le collectif composé de La Cimade, le syndicat des avocats de France (SAF) et la Ligue des droits de l’Homme. Mardi 22 février, le rapporteur public (dont l’avis est très souvent suivi) du tribunal administratif de Strasbourg vient de se prononcer en faveur de l’annulation de l’obligation par la préfecture du Bas-Rhin de passer par une plateforme en ligne pour les étrangers qui demandent un titre de séjour.

Comme Rue89 Strasbourg l’expliquait dans un article publié fin janvier, depuis juin 2017, la prise d’un rendez-vous en préfecture ne se fait plus que sur internet. Et depuis mai 2020, le dépôt des dossiers ne se fait que par le portail de l’Administration numérique pour les étrangers de France (Anef).

Ces démarches posent des problèmes aux associations, qui doivent souvent assumer seules l’accompagnement des étrangers dans leurs demandes. Le collectif a donc saisi le tribunal administratif le 31 juin 2021 pour demander l’annulation de ces obligations. L’audience a eu lieu huit mois plus tard, mardi 22 février.

Quelques personnes se sont rassemblées devant le tribunal administratif de Strasbourg à l’occasion de l’audience sur la dématérialisation. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg

Une exception pour les titres de séjour étudiant ou les « passeports talents »

Le rapporteur public retient notamment un vice de forme : la préfecture n’a pas demandé l’avis de la Commission nationale informatique et des libertés (Cnil) avant de mettre en place ce téléservice. En plus, les personnes ne peuvent pas réaliser certaines démarches obligatoires, comme la prise d’empreintes digitales, puisque les rendez-vous se font en ligne.

Il a cependant rejeté la demande des associations de condamner l’État au paiement des frais d’instance. Il a aussi souhaité que l’annulation de la décision ne prenne effet qu’au 1er juin 2022, afin d’éviter d’entraver les procédures déjà en cours.

Le rapporteur public a proposé que les téléservices soient maintenus pour les titres de séjour portant la mention « étudiant », ou les « passeports talents » (une carte de séjour pluriannuelle pour pouvoir travailler plus de trois mois en France). Le suivi de ces procédures est « déjà assuré dans les universités ou les entreprises », comme le dit Me Ekaterini Sabatakakis.

Le rapporteur ne demande pas de mesure précise

Le rapporteur public n’a, en revanche, pas donné d’avis concernant les mesures que la préfecture doit mettre en place pour accompagner davantage les travailleurs étrangers, « comme par exemple le dépôt physique d’un dossier ou encore la voie postale », s’inquiète Me Ekaterini Sabatakakis.

Me Typhaine Elsaesser, qui représente aussi le collectif des associations, a évoqué pendant l’audience un rapport du Défenseur des droits publié le 16 février 2022. Celui-ci parle de « dysfonctionnements systémiques et de graves atteintes aux droits pour les étrangers » dans les administrations françaises.

Il pointe notamment des plateformes de prise de rendez-vous en ligne saturées, faute de créneau disponible. De plus, les plateformes de « simplification des démarches en ligne » deviennent bien souvent l’unique moyen de faire une demande de titre de séjour. Pourtant, le Conseil d’État a déjà rendu un arrêté le 27 novembre 2019, soulignant que ces téléservices ne pouvaient pas légalement être l’unique moyen de faire ces démarches.

La Ligue des droits de l’Homme s’est mobilisée contre la dématérialisation. Photo : Evan Lemoine / Rue89 Strasbourg

Pour la préfecture, une alternative existe, les associations l’ignorent

La préfecture assure qu’il y a pourtant « bien une alternative : nous avons un accueil sur place, avec une prise en charge entre 8h30 et 15h30, par des titulaires et des services civiques spécialement formés ». À cela, Me Sabatakakis soulève :

« L’accès à la préfecture est interdit sans prise de rendez-vous en ligne. S’il y a un bien un service sur place et que l’information n’est pas portée à la connaissance des concernés, alors ce n’est pas un service. »

La préfecture a par ailleurs soutenu qu’il existait un service dénommé « e-meraude », dédié à l’accueil des personnes étrangères dans leur demande de titre de séjour. Mais « on ne trouve aucune trace de ce service sur le site de la préfecture du Bas-Rhin », affirme Me Ekaterini Sabatakakis.

Le jugement sera rendu fin mars 2022.


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