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La galère des démarches administratives pour les Strasbourgeois aux emplois multiples

Pour les Strasbourgeois qui cumulent différents emplois ou statuts, les démarches pour se faire indemniser relèvent d’un vrai parcours du combattant.

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Hélène (le prénom a été changé) est musicienne. Mais pas seulement. Elle est aussi professeure dans deux écoles de musiques, salariée d’une association, animatrice d’ateliers d’éveil musical, professeure de chorale… Hélène fait partie des « slashers », ces personnes qui cumulent différents emplois. Durant l’année, cette Strasbourgeoise travaille pour six ou sept employeurs différents, avec des contrats variables. Mais depuis le confinement la jeune femme peine à se faire indemniser.

« Je ne coche aucune case »

Avant la pandémie de coronavirus, Hélène arrivait à un salaire oscillant en moyenne entre « 1500 et 1600 euros par mois ». Mais en avril dernier, elle a touché 800 euros. Cette somme provient uniquement des deux écoles de musique dont elle est salariée et qui lui permettent d’être au chômage partiel. La musicienne est toujours dans l’attente d’une réponse pour la mise en activité partielle concernant son travail pour une association.

Pour le reste, c’est-à-dire des « petits contrats, très ponctuels », comme l’encadrement de chorales en milieu scolaire, Hélène tente depuis plus d’un mois de se faire indemniser. 

« 40 caractères pour expliquer ma situation »

« Je ne coche aucune case », regrette Hélène. Ni auto-entrepreneur, ni indépendante, ni intermittente du spectacle, mais uniquement salariée, Hélène ne rentre dans aucun des critères pour recevoir une aide de l’État, destinée à ces statuts spécifiques. Elle s’est donc inscrite à Pôle emploi. Une autre bataille commence alors, celle de « la paperasse, du casse-tête, de la galère. »

Hélène a dû signaler sa situation sur le site de Pôle Emploi : « J’avais à peine 40 caractères pour expliquer ma situation… », souffle la Strasbourgeoise. Vient ensuite l’étape des pièces justificatives : « J’ai dû envoyer entre 20 et 25 documents, plus mes fiches de paye et les contrats de travail depuis août à janvier ». Hélène avait une quarantaine de fiches de paye… Pendant plus d’une heure et demie, avec des problèmes de connexion internet, elle a dû prendre en photo plus de 60 documents, et les joindre « un à un » sur la plateforme en ligne… car il n’est pas possible de les joindre tous en même temps.

Pour Pôle emploi, Hèlène a dû prendre en photo plus de 60 documents avant de les joindre un par un sur la plateforme en ligne dédiée. (document remis)

Imprimer plus de 60 documents

Une fois tous les documents envoyés, « on continuait de me demander des fiches de paie déjà fournies ou pour des mois non-travaillés, on me demandait des contrats que je n’ai pas, puisque que certains employeurs, comme l’Eurométropole de Strasbourg, ne font pas de contrats pour les vacataires…. », renchérit Hélène.

Après avoir envoyé des mails à son conseiller Pôle emploi, ce dernier lui a finalement proposé de lui envoyer les pièces manquantes par mail. Hélène s’exécute et envoie une dizaine de mails, avec pièces jointes. Tous ses messages lui sont revenus car les fichiers étaient « trop lourds ». Hélène renvoi donc un à un, les fichiers par mail. Mais cela ne fonctionne pas mieux. Même un seul fichier PDF était trop lourd…

Finalement, Hélène a dû photocopier et imprimer la soixantaine de documents et les déposer directement dans la boîte aux lettres de Pôle emploi le 18 mai. À ce jour, Hélène reste « sans nouvelle ». Elle espère pouvoir être indemnisée rapidement pour continuer à s’occuper de ses enfants et payer son loyer de 879 euros par mois.

Pour être indemnisée, Hélène a photocopié et imprimé une soixantaine de fiches de paie et de justificatifs avant de les déposer dans la boîte aux lettres de Pôle Emploi. (document remis)

« Je ne rentrais pas dans les clous »

Juliette, elle, cumule deux statuts. Elle est indépendante pour ses différents travaux en tant qu’artiste, auteure ou illustratrice. Pour son travail de professeure d’arts plastiques en périscolaire pour la Ville de Strasbourg et de Schiltigheim, Juliette est inscrite comme auto-entrepreneure et dans l’école des arts de Schiltigheim. Ce double-statut l’a empêché d’accéder à certaines aides ou indemnisations, comme le fond de solidarité destiné aux indépendants, car Juliette ne « rentrait pas dans les clous ». 

En effet, afin de percevoir cette aide pour le mois d’avril, Juliette devait justifier avoir « subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % en avril 2020 par rapport à avril 2019« . Or, l’artiste reçoit des paiements « très souvent en différés ». Pour le mois de mars-avril, elle a perçu plusieurs sommes pour des projets qu’elle avait effectués trois mois plus tôt… Mais avec l’absence de nouvelles commandes pendant le confinement, Juliette aurait bien eu besoin de cette aide aux indépendants.

Juliette n’a pas eu le droit aux indemnités journalières liées à la garde des enfants suite à la fermeture des écoles. « J’ai des amis qui ont le même statut et la même situation que moi, ils ont pu percevoir cette aide, assure-t-elle, mais pour nous les artistes et les auteurs, ça bloque. » Encore une fois, son double statut l’a empêché de recevoir cette aide. Pour l’instant, avec l’Urssaf, Juliette a simplement pu reporter ses charges et les étaler dans le temps, en tant qu’auto-entrepreneure.

« Je pense repasser à un seul statut »

Actuellement, Juliette touche seulement un salaire de l’école d’art pour laquelle elle donne des cours en télétravail. L’établissement lui rémunère également les heures qu’elle ne peut plus faire. Avec quelques revenus des droits d’auteur, et beaucoup de projets et cours annulés, l’artiste perçoit désormais 1000 euros par mois contre 2000 euros en général. « Sans aide c’est difficile, heureusement que j’avais un peu d’argent de côté », se rassure-t-elle. Juliette pense ainsi repasser à un seul statut, celui de salariée.

« Je ne sais pas où et quoi demander »

Maeva a 25 ans. Elle cumule quatre emplois et trois statuts différents : salariée, intermittente du spectacle et indépendante. Depuis trois ans, la jeune femme est en CDI dans un restaurant pour des extras de 4 heures par semaine. Elle est aussi intermittente du spectacle en tant que comédienne, metteure en scène et professeure de théâtre dans un espace jeune à raison d’une heure trente par semaine. Depuis juillet dernier, Maeva est également VDI (Vendeur à domicile indépendant). L’été, elle est aussi saisonnière dans un parc animalier.

En temps normal, Maeva gagne « la moitié d’un Smic », soit entre 720 et 800 euros par mois en moyenne. En mars, elle a touché entre 300 et 400 euros, et pour ce mois d’avril entre 150 et 200 euros de l’assurance chômage de Pôle Emploi, pour son CDI. Pour le reste, Maeva admet : « Je n’ai pas fait les démarches parce que je ne sais pas où demander et quoi demander ». Elle ne sait pas non plus si les différentes aides selon ses statuts sont cumulables. Pour l’instant Maeva touche uniquement la prime d’activité de la CAF, qui complète ses revenus d’activités.

En tant que VDI, Maeva a pu continuer partiellement ses activités de vente en télétravail. En tant qu’intermittente du spectacle, ses heures sont pour l’instant reportées. Cet été, Maeva a postulé pour être animatrice. Elle espère reprendre les cours de théâtre en juin, et reprendre son travail dans la restauration début juillet.

Des indemnisations qui dépendent des heures travaillées

Delphine dit avoir « deux casquettes ». Elle est à la fois enseignante et artiste. À l’université, elle occupe un poste de contractuelle d’une durée de 3 ans. Elle donne des cours en art du spectacle. En même temps, elle est comédienne et metteure en scène dans un compagnie de théâtre strasbourgeoise. Delphine cumule donc deux statuts : celui de contractuelle et celui d’intermittente du spectacle.

Actuellement, ses cours à l’université sont maintenus en télétravail. Pour la partie artistique, Delphine continue également ses missions de chargée de production en télétravail. Pour les spectacles et les représentations en tant qu’artiste ou metteuse en scène, tout est à l’arrêt. Elle, comme tous les artistes de la compagnie, sont en activité partielle.

Mais Delphine explique que son revenu dépend des heures travaillées. Ainsi, pour obtenir des allocations chômage, l’intermittent du spectacle doit justifier avoir travaillé 507 heures au cours des 319 jours précédant l’inscription pour les artistes. Or, c’est souvent entre mars et juin que les artistes ont le plus de travail, car c’est là qu’ont lieu la plupart des activités culturelles. « Ça fait forcément baisser notre indemnisation » explique-t-elle. Pour elle c’est le plus gros problème. Delphine espère donc que tout ces projets pourront simplement être décalés à plus tard dans l’année. En tant qu’intermittent du spectacle « 80% de la rémunération se fait au projet », estime Delphine.

Des activités multiples qui garantissent aussi une rentrée d’argent fixe

En attendant Delphine travaille depuis chez elle pour l’université mais passe aussi ses journées à faire les démarches pour décaler les représentations et les spectacles. L’artiste et enseignante regrette aussi que tout ce travail « invisible » ne soit pas pris en compte et ne rentre pas dans les heures travaillées au moment de l’indemnisation pour son activité partielle.

Malgré cette période difficile, Delphine sait que cette double activité lui permet de vivre de sa passion, tout en ayant une rentrée d’argent fixe : « Mon travail à l’université me permet de compenser les impacts qu’on peut avoir en tant qu’artiste », comme le fait de ne pas trouver de contrats, ou l’annulation de projets.

Pour les intermittents du spectacle comme Maeva ou Delphine, Emmanuel Macron a annoncé mercredi 6 mai une « année blanche ». Si un intermittent du spectacle n’effectue pas ses 507 heures obligatoires, il pourra quand même toucher son assurance chômage jusqu’en août 2021.


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