Mais la particularité du scénario de La French, tient essentiellement à sa véracité, au fait qu’il raconte le drame et l’injustice que vécurent réellement Pierre Michel et sa famille. Toute une génération a entendu parler de cette guerre qui opposait la justice à la mafia marseillaise, et même ceux qui sont nés après les faits, savent ce qu’il en a couté à ce juge impétueux d’avoir pris le masque de Zorro dans un milieu aussi dangereux.
Un personnage très attachant
Pour en rajouter à l’émotion que provoque le tempérament du jeune juge, il n’en fallait pas moins que l’interprétation de Jean Dujardin, au sommet de son art depuis déjà quelques années. La French est toute entière traversée par ce rôle qui retrace la trop courte vie d’une personnalité forte et profondément sensible. L’allure virile, élégante et sportive de l’artist oscarisé, est idéale pour mettre en valeur les traits les plus intimes de cet homme de caractère, tendre mais fougueux, courageux mais impulsif.
Un mari amoureux, un père qui craque devant les progrès de ses filles, que faudrait-il de plus pour que l’identification se fasse spontanément avec ce Don Quichotte des temps modernes ? Jean Dujardin alias Pierre Michel fait battre nos cœurs et nous implique dans sa bataille à mesure que le scénario progresse. Pour en rajouter à l’intensité du personnage, Jimenez nous rappelle que le juge Michel est un joueur de poker repenti. Si à l’époque c’est le fait de miser son argent qui donnait du sens à son existence, il relance désormais son jeu en misant sa vie pour gagner la partie contre Gaëtan Zampa.
La bande-annonce
Dans le milieu de l’argent facile
En opposition à la solitude dans laquelle se dépatouille le jeune magistrat, le chef de la Mafia est d’emblée présenté au cœur de son réseau dont le maillage serré ne supporte pas la moindre distension. Soumission aveugle, jalousie des sous-fifres oppressés par l’autorité arbitraire et cruelle du chef, et fragilité de ces vies à tout moment exposées au déchaînement d’un règlement de compte. Tels sont les ressorts de cette horde de loups où la méfiance et la paranoïa règnent en maître absolu.
Comme pour justifier de son activité malfaisante et de sa mainmise sur la diffusion massive des substances illicites, le gang favorise en plus le déploiement de la débauche dans les bas fonds de Marseille. C’est aussi toute cette population perdue dans l’obscurité de la nuit qui donne sa raison d’être à la descente aux enfers collective.
Mais dans la jungle des trafiquants, la vie est toujours trop courte pour profiter des torrents d’argent facile, et le cerveau de cette pieuvre qui étend ses tentacules de partout, est le premier à en avoir conscience.
Le combat des chefs
Le film porte la tension permanente du duel au sommet qui se fait de près ou de loin entre le représentant de la justice et celui qui se pose fièrement comme hors-la loi. Même si Zampa joue les apparences d’une vie normale, tout les oppose dans leurs modes d’être. L’affrontement se fait aussi à travers le jeu des acteurs qui accentuent leurs différences par leur leur façon de s’imposer en tant que chefs.
Si le premier reste perpétuellement fuyant, son antagoniste est majestueusement cadré, il occupe tout l’espace et absorbe la lumière de l’objectif qui est braqué sur lui. Dujardin crève l’écran, même si ses postures restent convenues et semblent parfois empruntées à tous les films d’action qu’il a déjà joués ou qu’il jouera encore.
Alors que la partie semble quasiment gagnée pour le juge Michel, on réalise progressivement qu’aucune organisation du type de la French Connection ne serait possible si les forces de l’ordre n’y participaient pas également… Le succès d’un réseau aussi étendu que puissant serait impensable sans la corruption de la police, de certains magistrats et même des ministres en place !
Seul contre tous
C’est cette configuration dont il ne soupçonne pas l’envergure qui rend la bataille du juge plus effrayante encore. Le jeune magistrat encore très « croyant » en sa mission, a en réalité affaire à un ennemi d’autant plus redoutable qu’il est invisible et sournois. C’est la cruauté des lâches et la résistance des menteurs qui auront raison de sa persévérance et son courage.
C’est une terrible image de l’institution policière rongée par des intérêts personnels et d’une justice sans idéal qui nous explose en pleine figure alors que le film s’achève sur la décoration des traîtres… On sort de ce témoignage en pensant de longues heures encore à ce personnage auquel on s’est tant attaché, celui dont on connait le triste destin avant même que le scénario n’en fasse le récit.
Machiavel nous a prévenus depuis bien longtemps: seuls les menteurs réussissent, les amoureux de la vérité et de la Justice remporteront quelques batailles mais ils ne gagneront jamais la guerre.
La French est programmé à Strasbourg aux cinémas Star Saint-Exupéry et à l’UGC Ciné Cité.
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