C’est un film lumineux que signe la réalisatrice alsacienne Claudia Marschal. Bien que traitant d’une agression sexuelle par un prêtre du Sundgau sur Emmanuel, un enfant de 13 ans en 1993, La Déposition emmène ses spectateurs dans une histoire de rédemption et de réconciliation avec des messages puissants sur les bienfaits de l’écoute et de la parole. Alternant des plans filmés par Emmanuel, des images prises en Super 8 à l’époque et des séquences actuelles épurées, le film parvient à se détacher du fait-divers, sans jamais l’atténuer pour autant, tout en s’appuyant sur l’audition d’Emmanuel à la gendarmerie. Prévu dans les salles de cinéma mercredi 23 octobre, il sera diffusé en avant-première au Cosmos à Strasbourg jeudi 17 octobre à 20h dans le cadre du Festival du film de l’Est et au Bel Air à Mulhouse vendredi 18 octobre à 20h.
Rue89 Strasbourg : Comment avez-vous été en contact avec l’histoire d’Emmanuel ?
Claudia Marschal : Emmanuel est mon cousin et je l’ai toujours connu très croyant. Son rapport à la religion m’a toujours interpellée et j’ai eu l’idée de faire un film avec lui sur la place de cette foi puissante et omniprésente dans sa vie. À un moment donné, son passé a refait surface et le prêtre qui avait abusé de lui trente ans plus tôt est réapparu. Progressivement, le film a basculé vers autre chose. J’avais proposé à Emmanuel de se filmer, de tenir une sorte de journal intime, et c’est ce qu’il a fait alors qu’il s’engageait dans une quête de justice. C’est lui qui finalement a contribué à déplacer le film vers une forme de réappropriation de son histoire personnelle.
Comment avez-vous pu participer à une audition d’une victime d’agression sexuelle à la gendarmerie ?
C’est Emmanuel qui a enregistré le son de l’audition, à l’insu de l’adjudant de gendarmerie. Avec l’équipe du film, quand nous avons entendu la force de ce témoignage, nous avons rapidement eu envie d’en faire l’élément central du film.
Mais nous n’avions pas d’image, alors nous avons proposé un tournage à la gendarmerie, qui a accepté à certaines conditions. Nous avons pu tourner quelques images dont il ne reste que deux plans dans le film. L’intégralité de la déposition que l’on entend provient de l’enregistrement audio clandestin initial (l’audition originale). Par la suite et à la demande de ses supérieurs, il a fallu anonymiser l’adjudant. Ce que je trouve regrettable parce que le travail de l’adjudant dans le recueil de la parole d’une victime de violences sexuelles est exemplaire.
Un autre point fort du film, ce sont les vidéos des archives familiales. Un matériau inespéré ! D’où viennent ces images et comment avez-vous pu y avoir accès ?
Alors nous avons eu de la chance, car le maire de Courtavon à l’époque avait une caméra Super 8 et il lui arrivait de filmer les fêtes familiales qui avaient lieu dans le village, les mariages, les communions, etc. Il avait donné les bobines au père d’Emmanuel qui me les a transmises. Et ces images d’Emmanuel enfant et de sa famille sont effectivement précieuses. Avec leur grain, leurs couleurs, elles donnent à voir quelque chose de cette époque, elles ramènent des souvenirs d’enfant presque comme s’ils étaient extraits de la mémoire d’Emmanuel… Sans elles, je ne suis pas sûre qu’on aurait pu faire le film.
Et puis il y a l’histoire dans l’histoire, les retrouvailles avec le père d’Emmanuel, est-ce que c’était anticipé ?
Je dirais que l’amélioration de la relation entre Emmanuel et son père est liée à la démarche judiciaire d’Emmanuel. Progressivement, le père se met à soutenir le fils. Le moment de bascule se situe probablement dans la scène où le père écoute le témoignage de son fils auprès de l’archevêque de Strasbourg, Mgr Ravel, et qu’il comprend que son fils a décidé de se réapproprier son histoire. C’est une scène pour laquelle j’ai fait le choix d’un long plan séquence où l’on découvre un père qui enfin écoute la parole de son fils et un fils qui guette la moindre des réactions de son père.
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