Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

À Kolbsheim, le GCO tient sa Zone à défendre

Des opposants au projet de Grand Contournement Ouest (GCO) de Strasbourg se sont installés de manière durable sur un point du tracé. Il s’agit de la première occupation illimitée contre ce projet d’autoroute payante, les prémisses d’une zone à défendre (Zad) avant les travaux.

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Depuis le samedi 5 août, le tracé des Grand contournement ouest (GCO – voir tous nos articles) de Strasbourg connaît sa première occupation pérenne et illimitée. Il y a avait déjà eu des occupations temporaires de quelques nuits ou d’un week-end. Mais cette fois-ci, il n’y a pas de date de fin. Enfin si… « Lorsque le projet sera annulé », lancent en cœur les quelques occupants sur place, en reprenant la réponse qu’aurait formulée aux gendarmes le maire de Kolbsheim, Dany Karcher.

Le lieu choisi n’est pas une surprise. À côté du moulin de Kolbsheim, les deux week-end d’occupation par le collectif « des Bishnoï » (une figure indienne pacifique) se sont tenus à cet emplacement. Avec la forêt du Krittwald, près de Vendenheim au nord, ce lieu est l’un des rares espaces naturels le long des 24 kilomètres de la future autoroute payante. Le reste du parcours est surtout composé de champs agricoles.

Sur un futur remblais

Cet espace à la limite avec Ernolsheim-Bruche est aussi en contrebas par rapport au Kochersberg. Un relief qui obligera la construction d’un remblais d’une quinzaine de mètres.

Le Grand contournement ouest (GCO) doit passer à côté de du moulin de Kolbsheim, au milieu d’une forêt. Les opposants sont installés sur la zone à gauche, le long du chemin (capture d’écran, vidéo de présentation par Vinci)

Le lieu est appelé par ses nouveaux habitants « zone à défendre (Zad) du Moulin ». La question de s’opposer sur le terrain est un sujet de débat récurrent parmi les opposants.

Une demi-douzaine d’occupants

Nous nous y rendons sans prévenir qui que ce soit. Cinq personnes sont sur place. Elle sont rejointes en cours d’après-midi par une sixième. Ils habitent Kolbsheim ou Strasbourg. Le terrain en question est une parcelle privée, celle du châtelain du château de Kolbsheim qui a donné son autorisation. Cinq tentes et une roulotte en bois sont disposées autour d’une table en bois, des chaises et les cendres d’un feu de camp.

L’accueil est cordial. Yoam, l’un des participants, s’occupe des présentations :

« Nous ne sommes d’aucun collectif ou groupe, juste là en tant que citoyens prêts à s’opposer physiquement mais pacifiquement. Même si d’ailleurs on pense qu’il faudra faire preuve d’inventivité dans notre action et pas juste rester face-à-face. »

Les prochains travaux préparatoires, des sondages géotechniques et archéologiques, doivent reprendre en septembre. Mais le groupe commence déjà à scruter ce qu’il se passe dans les environs. Car il y aurait déjà un peu d’agitation en août poursuit Éloïse, une autre occupante :

« Il y a déjà eu de l’action. Il y a par exemple des ponts de chantiers déjà déposés à côté du pont historique qui n’est pas assez solide pour les engins, sans que l’on n’ait vu d’autorisation. On a aussi entendu parler d’un arrêté préfectoral en cours d’élaboration qui doit bloquer la route fin août alors que les travaux sont seulement sensés reprendre en septembre. Ou encore des repérages. »

Le remblais doit aller à hauteur du toît de la maison, indestructible car classée (photo JFG / Rue89 Strasbourgp.

Visites fréquentes des gendarmes

Les cinq individus ont déjà eu la visite des gendarmes. La première était une prise d’identité « classique », mais la suivante les a quelque peu surpris relate Éloïse :

« Ils étaient cachés dans la forêt. On a dû jouer à cache-cache avec eux. J’en ai rigolé tellement la situation était absurde. »

Mais l’anecdote n’a pas fait rire son père :

« Cette manière de faire m’a énervé. D’habitude les gendarmes sont corrects, mais là ce n’est pas normal. Ils ne pouvaient plus partir en courant quand on les a vus et étaient gênés. Ils ont juste dit bonsoir et sont partis. »

Ces opposants ont décidé de filmer les gendarmes (ce qui est autorisé dans l’exercice de leurs fonctions) en raison des contrôles fréquents et pour éviter que les situations s’enveniment. Étonnés par la fréquence des contrôles, voire les demandes incongrues (« Ils ont demandé nos numéros de portable ! »), ils relèvent le matricule des agents.

Ces Bas-Rhinois ont l’habitude des forces de l’ordre, déjà croisées lorsqu’ils dormaient à la cabane de Kolbsheim. Ils ont aussi participé aux contre-argumentaires lors des présentations du projet dans les mairies par le concessionnaire Vinci au printemps.

« On n’a rien à cacher », déclare les occupants au moment de poser sur une photo (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Un blog en gestation

Conscients que tout le monde n’est pas inscrit sur le réseau social Facebook, les occupants vont bientôt lancer un blog d’information sur leur action.

Très informés sur le calendrier des travaux, ils estiment que le projet arrive à un point de bascule qui nécessite une mobilisation plus marquée, comme le résume Éloïse :

« Il y a eu beaucoup de monde aux marches tout l’hiver. Mais c’est la sortie du dimanche et après tout le monde rentre chez soi. Mettre une banderole devant sa maison, ce ne sera pas suffisant. Ici le maire informe sur ce qu’il de passe, nous soutient moralement et même avec de la logistique, mais c’est dommage que les autres n’en fassent pas de même. »

Comme la plupart des opposants, ils estiment que le GCO ne résoudra pas les problèmes d’accessibilité en voiture à Strasbourg, car il y aura « toujours des personnes qui souhaitent entrer le matin et sortir le soir ». Ils se sont d’ailleurs déjà fait répondre que faire sauter les bouchons « n’est pas l’objectif » du GCO, ce qui figure en effet dans dans le rapport de l’enquête publique.

Ils plaident entres autres pour un service de transports publics performants, souvenirs à l’appui :

« Quand j’allais au lycée à Strasbourg, je n’avais qu’un bus le matin et un le soir, quelle que soit l’heure de mes cours. Si je commençais tard, je poireautais, si je finissais tôt aussi. Moi je n’avais pas le choix, mais cela incite à prendre sa voiture », se rappelle Éloïse.

Ce matériel dans la forêt servirait aux futurs travaux préparatoires (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Passage de la députée

La députée de la circonscription Martin Wonner (LREM) s’est discrètement rendue sur place samedi soir. Lors de la campagne elle avait exprimé son opposition personnelle au projet, tout en affirmant que sa seule personne ne pourrait pas suffire à l’annuler. Elle plaide pour réévaluer la situation avec les différentes parties prenantes (Région, Département et Eurométropole).

La nouvelle référente bas-rhinoise du parti, Laurence Vaton, s’est déjà dite opposée au projet, mais son prédécesseur le néo-député Bruno Studer y est quant à lui favorable. La République en Marche n’a pas de position officielle sur le sujet.

Au-delà de l’opposition sur le terrain, certains opposants espèrent que le nouveau ministre de la transition énergétique Nicolas Hulot propose un moratoire. C’est l’engagement qu’il a pris sur le cas emblématique de l’aéroport contesté de Notre-Dame-des-Landes, conformément à la promesse du président Emmanuel Macron. D’autres « pauses » ont aussi été décidées pour le tunnel Lyon-Turin ou l’autoroute A45 entre Lyon et Saint-Étienne.

De manière générale, le gouvernement a mis en avant la fin de grandes infrastructures coûteuses pour privilégier l’entretien et la modernisation de celles existantes, ainsi que de prioriser les transports du quotidien. Des décisions que les opposants aimeraient voir déclinées localement. Lors d’une visite de soutien, le député européen José Bové (EELV) avait affirmé que Nicolas Hulot lui avait personnellement promis « une remise à plat ». Son cabinet avait démenti.

Côté concessionnaire, après les forages préparatoires en forêt, les travaux effectifs sont programmés à partir de l’hiver. Vinci doit également présenter un dossier sur les recréations d’espaces naturels, en compensation de ceux détruits. La mise en service de l’autoroute est prévue pour l’automne 2020.


#GCO

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