Pour y arriver, il faut passer la porte Blanche, puis rouler sous l’autoroute A35, et avaler, à vélo, en bus ou en auto (rarement à pied), la route des Romains aux deux-tiers. Après la station-service, la poste ou l’église Saint-Joseph à droite, la voie de chemin de fer de part et d’autre, et le petit centre commercial à gauche, alors que se dresse, presque au milieu de la route, l’étonnante petite bâtisse qui fait l’angle avec la rue Jean-Mantelin (toujours à gauche), c’est à droite que l’on bifurque après le feu, entrant dans le « quartier romain » (ou quartier des Romains) par celui « des empereurs ».
Maisons cossues aux « empereurs », barres HLM aux « poètes »
Car le quartier des Romains présente deux sous-ensembles : le secteur des empereurs romains au sud, avec les rues Constantin, du César-Julien, Valérien, Gallien, Trajan, Marc-Aurèle ou des Antonins, et le secteur des auteurs, poètes et orateurs latins au nord et à l’ouest : Tite-Live, Sénèque, Cicéron, Virgile, Tacite, Suétone ou Ovide.
Cette distinction est importante, car les deux ensembles urbains sont, quoique voisins et tous les deux à forte dominante résidentielle, complètement différents : les « empereurs » sont bordés de maisons mono-, bi- ou tri-familles des années 1930 à 1970, cossues et bien entretenues (un descriptif architectural très fourni sur ArchiWiki), tandis que les « poètes et orateurs » desservent les barres d’immeubles de la cité du Hohberg, construite entre 1962 et 1970.
Petit retour en arrière : là où s’étend aujourd’hui Kœnigshoffen, quartier de Strasbourg compris entre l’A35 à l’Est, la commune d’Eckbolsheim et de quartier des Poteries à l’ouest, la Montagne Verte au sud et l’A351 au nord (avec au-delà, Cronenbourg et Hautepierre), existait au temps des Romains une voie est-ouest menant à Saverne (ou Tres Tabernae). Cette voie, actuelle route des Romains, devient la « voie impériale 4 » sous l’empire allemand, puis la RN4. Tout autour, une première agglomération, un « faubourg civil » ou vicus canabarum, voit le jour, avec une nécropole, un port sur la Bruche et, sur la colline du Hohberg, un tumulus funéraire.
Rasé au Moyen Age, reconstruit après l’arrivée du chemin de fer
Au VIème siècle, le quartier accueille une cour mérovingienne, d’où le nom de « Kœnigshoffen », dans le secteur de Saint-Gall. Au Moyen-Age, la communauté villageoise vit d’artisanat (poterie, tuilerie), d’agriculture et d’élevage. Pendant la Guerre de Cent ans, le faubourg est rasé et sa population déplacée dans la nouvelle enceinte du faubourg National (1475).
En 1841, la première gare de Strasbourg construite à Kœnigshoffen est inaugurée, ce qui marque le renouveau du faubourg. Grâce au chemin de fer, se développe progressivement une activité industrielle et brassicole, dont il ne reste à Kœnigshoffen que des villas, des parcs et des habitations ouvrières…
Des logements pour les ouvriers et contremaîtres
Pour abriter les ouvriers et contremaîtres à l’ère industrielle, la rue des Brasseurs et la rue des Malteurs, deux petites rues parallèles à la route des Romains, sont aménagées de 1890 à 1895 et bordées de petites maisons de plain-pied, avec leurs jardinets orientés au sud. De même, la petite rue des Chartreux, où vivaient les ouvriers de la filature Dreyfus-Werth, installée dans le moulin de la chartreuse voisin, est ouverte en 1854. On distingue ces trois ruelles sur le plan cadastral de 1896 (voir plus haut).
Mais ce n’est qu’à partir de 1932-1933, qu’une cité-jardin est édifiée, à la suite de ces ruelles champêtres du XIXème. On y pénètre par la rue du César-Julien (ci-dessous), du nom de l’empereur qui remporta la bataille dite d’Argentoratum contre les Alamans au sud d’Oberhausbergen, en 357. Il est connu pour avoir renié le christianisme et tenté de restaurer le paganisme dans l’empire, d’où son surnom de Julien l’Apostat.
Les « Romains », quartier édifié sur le plateau fertile
Tandis qu’à gauche, le quartier des empereurs (ci-dessous) est édifié sur l’ancien lieu dit Henkels Breit ou « parcelle des étalons » (1830), à mi-hauteur de la rue s’ouvre la place des Romains, étendue d’herbe un peu austère, dont le dessin date des années 1906-1907, sur le lieu-dit Hohberg ou « tertre-haut ». Ce secteur, au nord de la route des Romains, est situé sur un plateau fertile aux terres de lœss, limons et sédiments, longtemps cultivé, par opposition au sud de la route, plus humide et herbeux (Mulbach, Schnokelhoch…).
À l’autre bout de la place des Romains (le carré d’herbe dans le coin en bas à gauche de la photo ci-dessous), la ville de Strasbourg construit en 1965 le groupe scolaire du Hohberg, bientôt rénové, puis le collège Twinger, du nom de Jacques Twinger de Königshoven (1346-1420), chroniqueur strasbourgeois et chanoine du Chapitre de Saint-Thomas.
La cité de 1047 logements, rénovée récemment
Plus loin, alors que la rue César-Julien devient rue Cicéron, le bâti change de structure et la population se fait plus jeune et plus modeste. La cité du Hohberg, construite en pleins champs dans les années 1960, est désormais enserrée par des bâtiments publics ou de service (l’église Saint-Jean-Bosco, le centre socio-culturel Camille-Claus, du nom d’un peintre dont l’atelier se situait à Kœnigshoffen, le pôle logistique des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, le lycée Marcel-Rudloff…) et par les immeubles du quartier des Poteries.
Le grand ensemble de plus de 1000 logements, initialement baptisé « Cité du Voisinage », a récemment été rénové par le bailleur social qui en a la charge, Habitation Moderne. Des immeubles sont en construction dans certaines des dents creuses du quartier.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : tous les articles de la rubrique « Au bout de la rue, la ville »
Sur Rue89 Strasbourg : tous les articles sur Kœnigshoffen
Chargement des commentaires…