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Sous couvert de journalisme, la Police nationale propose d’écrire sa communication

Fin juillet, la Police nationale du Bas-Rhin a lancé un appel sur Twitter, dans le but d’enrôler des citoyens bénévoles pour un « projet journalistique ». À travers une publication imprimée tous les quatre mois, il s’agit de « créer une interaction citoyenne », en bref, de communiquer sur la Police et ses différents services. Bien loin du journalisme, cette opération de communication brouille les différences entre les deux genres.

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C’est une initiative locale inédite en France. Ils sont déjà quelques uns, jeunes citoyens comme Yanis ou Cyril, à avoir répondu à l’appel de la Police nationale du Bas-Rhin et à avoir pu passer une demi-journée à l’Hôtel de Police de Strasbourg. Au programme : découverte du milieu policier ou d’un service en particulier. Les observateurs prennent des notes, posent des questions avant de retranscrire leurs impressions.

Ce « projet journalistique » est ouvert à tous les citoyens bénévoles « de 15 à 99 ans », sauf… aux journalistes.

La police lance son « journal » participatif

Les comptes-rendus de ces rencontres seront publiées sous la forme d’un « journal », dont le premier numéro est en préparation. La publication devrait paraître sur le web et en format papier, trois fois par an. La première parution aura lieu en septembre, avec une distribution gratuite par la Police, accompagnée des participants.

Dans une interview pour France Bleu Alsace, le chargé de communication à la direction départementale de la sécurité publique Joël Irion déclarait vouloir réaliser des portraits de policiers « atypiques », ou bien discuter de thèmes qui lui « tien[nent] particulièrement à cœur », comme les incivilités. Le policier-communicant semble déborder d’idées de sujets mais chacun peut venir avec sa proposition.

Le but affiché est de faire découvrir le milieu policier aux Strasbourgeois, créer de l’interaction, du débat et rapprocher forces de l’ordre et citoyens à travers une publication légère et ludique. Mais lorsque nous avons demandé plus de précisions sur le projet, il n’était plus possible d’avoir une réponse officielle. Pas très communiquant tout ça…

Information ou communication : brouillage des genres

Quand on découvre les modalités de la parution, on se rend compte qu’il s’agit en fait des standards de la communication, et non du journalisme. Officiellement, les personnes en désaccord avec la Police et les débats sont « bienvenus », mais les articles seront co-écrits. Assez logiquement, il n’est pas question que la Police diffuse des informations qui nuisent à son image. Difficile dès lors de parler de « projet journalistique ». La charte d’éthique professionnelle des journalistes, stipule que le journalisme « ne peut se confondre avec la communication ».

Toujours selon cette charte, les journalistes répondent au « droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste ». Une institution qui élabore une stratégie pour se donner une image particulière ne correspond pas pleinement à ces critères.

Envie d’écrire du bien sur la police ? (photo FS / Flickr / cc)

« Je ne vais pas vous faire de concurrence »

La police n’est pas la première institution à jouer sur les mots et les quelques similitudes entre les deux métiers. Au début de l’été, « La République en Marche » a également annoncé sa volonté de constituer un « média », pour produire ses propres « reportages » sur les sujets de son choix. Une communication de parti qui n’a rien de nouveau, mais un vocabulaire utilisé qui brouille les repères et introduit de la confusion, à l’heure où tous types de contenus se mélangent sur Internet.

Davantage similaires à l’initiative de la Police, les journaux municipaux obéissent à la même logique. Les revenus dégagés en travaillant pour ces publications ne permettent pas, par exemple, de prétendre à une carte de presse.

Joël Irion semble d’ailleurs conscient de ce décalage entre les objectifs des médias traditionnels et institutionnels. Toujours sur France Bleu, il déclarait avec ironie : « Je vous rassure, je ne vais pas vous faire de concurrence ».

Plutôt que « journaliste d’un jour », peut-être aurait-on pu parler de « communiquant d’un jour ». Quelques personnes ont d’ailleurs interpellé la Police sur ce point sur Twitter. Là encore, elle reconnait la différence, mais l’intitulé n’a pas été modifié. Le terme « journaliste » serait plus compréhensible pour le citoyen lambda, un raccourci qui a pour effet de d’entretenir la confusion :

@PoliceNat67 : une stratégie de communication remarquée

La police du Bas-Rhin n’en est pas à son premier coup de com’. À plusieurs reprises, ses agents se sont déguisés en pickpockets pour sensibiliser les touristes à ce sujet. Son  compte Twitter, très actif, @PoliceNat67, se distingue par ses live-tweet d’opérations ou son ton décalé et humoristique. Ses 11,000 followers en font le troisième compte de la Police nationale le plus suivi en France (après @PoliceNationale et @PoliceNat44).


#communication

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