Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Journal de rase campagne (5) : ils veulent « faire rayonner » Strasbourg

J-6 semaines avant le premier tour des élections municipales à Strasbourg. Un second sondage place à nouveau Roland Ries (PS) en tête le 30 mars, mais l’écart se réduit entre les scores du maire sortant et celui de Fabienne Keller (UMP). Les deux principaux candidats ont dévoilé un premier volet de leur programme, l’un sur l’emploi, l’autre sur un quartier d’affaires derrière la gare. Objectif commun : « faire rayonner Strasbourg » pour attirer de nouvelles activités.

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Le maire sortant Roland Ries présente le 1er volet de son programme devant les Docks Malraux – mardi 4 février (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

1 – Chacun sa méthode pour booster « l’attractivité économique »

Chaussez vos lunettes de soleil, les deux candidats qui passeraient la barre du second tour des élections municipales à Strasbourg veulent tous deux « faire rayonner » la ville et la rendre plus « prospère ». Néanmoins, à chacun sa méthode… Entourés de quelques élus, Roland Ries (PS) a présenté à la presse mardi 4 février la première de ses 4 plaquettes dévoilant son programme 2014-2020. Thématique n°1 : l’emploi. La mise en scène prévoyait une séance photo sur la passerelle Chagall (voir ci-dessus), avec à l’arrière Les Docks (entrepôts Seegmuller) sur la presqu’île Malraux, en cours de reconstruction. Là, l’espace de co-working Le Shadok, symbole de cette « ville numérique », capable de « faire éclore de nouveaux emplois » et « secteur clé pour préparer la ville du futur », sera opérationnel début 2015.

La présentation de ce volet économique du programme se poursuivait par une visite d’entreprise expérimentant le dispositif « REVE », pour « rapprochement des entreprises et des voisins pour l’emploi ». L’idée : mettre en contact les habitants des quartiers du Neuhof et du Port-du-Rhin avec les entreprises de la zone portuaire. L’équipe Ries envisage l’extension du dispositif à d’autres quartiers. A ce « circuit court » de l’embauche, le maire sortant prévoit d’accoler un « circuit court » de l’approvisionnement, avec un « small business act » (en anglais, ça fait plus sérieux ?) facilitant les démarches administratives des PME strasbourgeoises souhaitant répondre aux appels d’offres des marchés publics.

Autres axes de développement, dans la continuité de ce qui a été engagé depuis 2008 : le tourisme, avec le plan lumière et le réaménagement des places, l’opération Strasbourg mon amour qui prend de l’ampleur cette saison, les grands travaux du PEX et du PMC (« création directe de plus de 1800 emplois », si l’on en croit la plaquette de campagne), la « dimension économique » des partenariats internationaux et jumelages, etc.

Fabienne Keller présente son projet de quartier d’affaires dans la gare basse – jeudi 6 février (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

« Image et notoriété », « rayonnement » et « attractivité », c’est aussi ce après quoi court Fabienne Keller (UMP). Après les thèmes de l’Europe et de l’étique en politique, abordés en meeting aux côtés de Wolfgang Schaüble, ministre allemand des finances d’Angela Merkel, et de Bruno Le Maire, la candidate a présenté jeudi son projet de quartier d’affaires Strasbourg Convergences. Séance photo obligatoire là aussi, cette fois au 10ème étage du parking Wodli, avec vue sur la gare basse et les remparts. Le « nouveau quartier de vie et d’attractivité » présenté « se substitue clairement au projet de quartier d’affaires international du Wacken », dans les cartons de Roland Ries depuis la mi-mandat.

Sur 20 hectares aujourd’hui largement occupés par la SNCF, l’ancienne maire de Strasbourg et « amoureuse des gares », voudrait favoriser la construction de 250 000 mètres carrés, majoritairement de bureaux, au cœur du « Pentagone européen » (euh…). Fabienne Keller veut faire du site un « bassin d’emplois » à l’accessibilité « unique », où l’architecture contemporaine sera la « vitrine d’une ville rhénane attractive et en renouveau, à l’image du secteur Malraux ».

Seulement voilà, comme nous l’écrivions il y a quelques semaines, cette transformation de la gare basse nécessite le déménagement des activités logistiques de la SNCF, la requalification de l’A35 (et donc la construction du GCO), la création d’un tunnel sous la gare et des liaisons vers Cronenbourg et Kœnigshoffen, là où l’horizon est aujourd’hui borné par un talus, des bunkers et une autoroute. Rêvé par les équipes de Roland Ries (2008-2014) et de… Fabienne Keller (2001-2008) depuis une bonne décennie, le projet de gare à 360° achoppe sur les contraintes techniques et budgétaires. Mais les promesses électorales n’engagent que ceux qui…

2 – Le Front de gauche publie sa liste et peaufine son positionnement local

Mardi soir, dans la salle des fêtes du centre socio-culturel de Cronenbourg, les 65 de la liste Front de gauche (formé du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et Parti communiste notamment) ont fait leur coming out. Musique, photo des colistiers dans un brouhaha général, répétant en boucle leurs slogans : « A Strasbourg, l’humaine d’aaabord ! » et « Ré-si-stance, Ré-si-stance! », poings levés, l’air combatif.

Alors que la liste de « la gauche radicale » s’est pour le moment appuyé sur des programmes et prises de positions développés au niveau national pour les municipales, la soirée de mardi a donné le coup de l’envoi de la campagne locale. Mustapha El Hamdani, conseiller municipal sortant et n°3 de la liste Front de gauche, a ainsi dévoilé « quelques points » du projet pour Strasbourg « avant le programme détaillé » annoncé pour fin février. On connaissait déjà l’engagement en faveur de la gratuité des transports en commun ou la gratuité des 1ers mètres cubes d’eau. L’idée de ponctionner 10% du budget culture (jugée « élitiste ») de la ville pour soutenir « la culture populaire », ou de geler les loyers HLM, ont été posés dans le débat.

Plusieurs militants sont intervenus, rappelant la nécessité de combattre les inégalités hommes-femmes (places en crèche, accès à l’emploi), proposant le soutien aux projets de jeunes actifs, l’aménagement de logements dans le parc public de la ville, la création de centres de santé accessibles à tous, l’aide municipale à l’accès aux établissements pour personnes âgées.

Objectif du Front de gauche : peser sur les décisions au niveau municipal en obtenant un score suffisant pour avoir des représentants élus. Pour cela, deux options : faire plus de 10% au 1er tour et se maintenir au second (dangereux pour le PS), ou faire entrer quelques colistiers sur la liste Ries – et pour cela, obtenir au moins 5% au 1er tour. Prochain « grand meeting » le 10 mars au pavillon Joséphine avec en guest star, Jean-Luc Mélenchon.

La CGT métallurgie s’est invitée au débat entre candidats organisé par le Club de la presse Strasbourg-Europe sur l’urbanisme et la cohabitation logements/industrie – lundi 3 février au Port-du-Rhin (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

3 – Les écolos se permettent un revirement stratégique sur le logement

A un rythme quasi hebdomadaire, le candidat Europe écologie – Les Verts distille son programme municipal. Crédité à nouveau cette semaine de 10% d’intention de votes, Alain Jund a pris le risque d’être accusé de retourner sa veste (ce qui n’a pas manqué d’arriver, notamment dans un communiqué cinglant de Jean-Emmanuel Robert, conseiller municipal UMP…), avec une proposition sur la résorption du nombre de logements vacants, à rebours de la politique menée par la municipalité sortante à laquelle il appartient (encore ?).

En proposant non plus la construction des logements neufs, « indispensable [jusqu’à présent] compte tenu du retard gigantesque pris par Strasbourg avant 2008 », mais de remettre sur le marché quelque 3000 appartements vides, l’adjoint à l’urbanisme de Roland Ries a dévoilé l’un de ses « axes prioritaires », aux antipodes de son action de bâtisseur (de « bétonneur », osent certains…), menée main dans la main avec Philippe Bies, adjoint au maire et vice-président de la CUS en charge du logement de 2008 à 2012. Les « solutions » nouvelles du candidat EELV :

« Les écologistes proposent une démarche volontaire et expérimentale qui peut être financée par une partie des moyens actuellement consacrés au logement neuf, [par les] économies réalisables sur les réseaux et infrastructures, [ou grâce à] un soutien particulier de l’État (aides fiscales diverses dont l’amortissement Duflot, le prêt à taux zéro et le soutien aux réhabilitations énergétiques, la mise en place de filières spécifiques pour les enseignements des écoles d’ingénieurs et d’architecture strasbourgeoises).

Un plan de 500 logements remis sur le marché par an est nécessaire, réalisable [via] un état des lieux précis des immeubles vacants : localisation, typologie, nature et état général, potentiel, [la mise en place d’un] dispositif test sur 100 immeubles (avec les architectes des bâtiments de France) permettant de « tirer les leçons », d’améliorer le processus et de le généraliser, une information massive des propriétaires (parallèlement à une augmentation éventuelle de la taxe d’habitation sur les logements vacants), [etc.] »

Le détail des mesures à lire sur le site de campagne d’Alain Jund, dans la rubrique actualités – l’auteur de cet « article » n’est pas indiqué. Par ailleurs, les 65 colistiers EELV devraient être connus la semaine prochaine.

4 – Douché par les sondages, François Loos ne lâche pas les rames

Il remonte un peu dans le sondage de mercredi (Ifop pour Paris Match), mais est encore loin d’incarner l’alternative à Roland Ries et Fabienne Keller, stratégie qu’il développe pourtant depuis plus d’un an. Malgré cela, François Loos, candidat UDI aux élections municipales, ne lâche pas les rames.

Il a enchaîné entre autres cette semaine une conférence de presse mardi pour dévoiler un sondage commandé par son équipe sur les attentes des Strasbourgeois (lire ci-dessous), une réunion publique au restaurant d’insertion Mozaïque mercredi en présence du président de la région Alsace Philippe Richert (UMP) – oh, tient ! – et de Jean-Christophe Lagarde, secrétaire général de l’UDI et député-maire de Drancy, et un événement public place Kléber hier samedi. Par ailleurs, le slogan de la campagne a été changé, « Strasbourg dans le bon sens » est devenu « en avant Strasbourg », et du matériel de campagne (fanions, coupe-vent, etc.) a encore été reçu. A noter en revanche que les deuxième et troisième opus du rapport de stage ne verront pas le jour, nous a-t-on glissé.

Toujours selon son entourage, François Loos « ira jusqu’au bout » et laisse planer le doute sur son alliance de second tour. Pour les proches de Fabienne Keller au contraire, l’union UMP-UDI entre le 23 et le 30 mars ne « fait aucun doute ». « Elle sera d’autant plus facile que les deux candidats n’ont pas de divergences de fond, contrairement à la gauche. » Peu de divergences idéologiques entre l’ex-UDF Fabienne Keller et l’ex-radical François Loos, peut-être. Mais entre leurs colistiers respectifs, issus d’une large palette allant de la « droite forte » au centre gauche, l’écart est parfois grand. Sans doute aussi grand qu’entre Eric Schultz, n°3 de la liste EELV et Robert Herrmann, futur président de la CUS si Roland Ries est reconduit à la mairie en mars…

5 – Dominique Bézu a enfin trouvé un nom pour sa liste

Elle s’appelle « Osons Strasbourg au centre ». « Strasbourg au centre », le nom du groupe de Fabienne Keller au conseil municipal ? C’est effectivement osé.

Avec Camille Feireisen


#Alain Jund

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