Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Journal de rase campagne (10) : le temps de la surenchère

J-1 semaine avant le premier tour de l’élection municipale à Strasbourg. Depuis un an, les élus sont en campagne, d’abord feutrée, à l’intérieur des appareils politiques, aujourd’hui sur le « terrain », les réseaux sociaux, en meeting ou dans les médias. C’est le temps de la surenchère.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


Armand Tenesso, Dominique Bézu et leurs colistiers refusent de choisir « entre un sénateur et une sénatrice » et appellent à « faire tomber les masques ». Sur les leurs, les visages de Fabienne Keller et de Roland Ries (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

On y est, on y va. Dans une semaine, les 110 000 inscrits sur les listes électorales sont appelés aux urnes pour le 1er tour des élections municipales à Strasbourg. Depuis plus d’un an, les états majors politiques sont sur le pont pour préparer cette élection, d’abord en interne, puis à l’extérieur, pour travailler au corps les électeurs avec force bilan et promesses.

Marathon à droite, sprint à gauche

C’est la droite qui a dégainé en premier, « descendant » très tôt sur le terrain. Avec François Loos (UDI) d’abord et son « stage » lancé en janvier 2013, Fabienne Keller (UMP) ensuite et son « Dites-moi tout » en juin qui a suivi. Le Front National a un peu traîné, obligé de se trouver une nouvelle tête de liste en cours de route. Le terrain, késako ? Les réseaux d’influence d’une part, mondes économique, associatif et religieux, les habitants d’autre part, sur les marchés ou en porte-à-porte.

Ces dernières semaines, la gauche est entrée en campagne. D’abord les écologistes, début janvier, puis le Front de gauche et enfin les socialistes, équipe sortante qui traditionnellement se positionne en fin de course, une fois que tout le monde a dévoilé son jeu (programmes et listes). Les « petites » listes sont également actives depuis début 2014, notamment celle de Tuncer Saglamer, qui a su faire parler d’elle avec son Skytran.

Action symbolique et surenchère de dernière minute

Depuis vendredi 14, c’est celle d’Armand Tenesso et Dominique Bézu (liste de « socio-professionnels ») qui tient la palme de l’action symbolique (et désespérée) pour faire entendre sa voix, avec une prestation de com’ chaotique au café Broglie, où les colistiers ont arboré un masque représentant des moitiés de visages de Roland Ries et Fabienne Keller (photo ci-dessus), tout en renversant les tables pour marquer leur opposition au match annoncé (voir ci-dessous). Surenchère supplémentaire : la liste outrepasse son propre programme pour proposer finalement, comme le Front de Gauche, la gratuité totale des transports en commun à Strasbourg.

Armand Tenesso et ses colistiers veulent « renverser la table » politique locale – au café Broglie vendredi 14 mars (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

En matière de surenchère, plus discrète celle-là, les écologistes surfent sur les pics de pollution aux particules fines enregistrés cette semaine, à la faveur d’un temps très doux, pour rappeler leurs choix en matière de mobilités. Est alors mise en valeur une mesure qui figure en p.4 de la version papier du programme EELV, celle de la gratuité d’un an d’abonnement Badgéo ou Vél’hop pour les personnes passant au « zéro voiture ». Même chose pour François Loos qui, parallèlement à la réalisation « urgente du GCO », propose désormais « un zonage dans lequel la gratuité des transports publics serait systématiquement assurée lorsque le niveau cumulé de pollution sur une période donnée serait dépassé ».

Candidats sur cartes postales

Depuis quelques jours, c’est peu dire que l’on assiste à un emballement de la campagne. Pour être visibles dans les médias, les candidats multiplient les conférences de presse, ces rendez-vous en situation pour distiller des éléments de programme dans telle maison de retraite, tel café branché, telle place de quartier. Pour se faire voir d’un maximum de Strasbourgeois, les équipes distribuent des ballons (François Loos), des biscuits ou du café (Fabienne Keller), des accroche-portes/vélos (Alaind Jund) ou se font accompagner d’un clown ou d’une fanfare (Roland Ries).

Distribution de ballons (violets) par l’équipe UDI à l’Orangerie dimanche 9 mars (Document remis)

Les écolos ont semé leurs « idées et [leurs] graines de fleurs » samedi 15 mars sur le tracé de la magistrale piétonne (Capture Facebook MM)
Lors de ces actions, les colistiers et têtes de listes s’en tiennent au code couleur décidé par l’agence de communication qui organise leur campagne, violet pour François Loos (UDI), « magenta 100 » (sic) pour Roland Ries (PS), bleu foncé pour Fabienne Keller (UMP), orange pour Tuncer Saglamer (MCS) ou vert fluo pour Alain Jund (EELV). Et bien sûr, tout le monde – au choix – fait du vélo, du footing, danse ou sert à table.

Footing à l’Orangerie pour l’équipe de Fabienne Keller (Capture Facebook MM)

Sur les réseaux sociaux, on se croirait dans une scène d’Amélie Poulain, lorsque le nain de jardin est photographié au gré de ses voyages. Exemple le plus frappant : Roland Ries dans un bar de nuit, Roland Ries à vélo, Roland Ries en train de danser, Roland Ries en porte à porte, etc.

Roland Ries en balade à vélo dimanche 9 mars (Capture Facebook MM)
Roland Ries et quelques-uns de ses colistiers place Kléber ont dansé pour la journée internationale des droits des femmes (Capture FB MM)

Les réponses que vous voulez entendre

Alors que les programmes des principaux candidats restaient plutôt sages, la surenchère se lit en coulisses, aussi bien dans certains échanges entre la population et les militants de tel ou tel camp sur le terrain, rapportés par des concurrents, que dans les réponses aux questionnaires envoyés par les associations aux candidats. Exemple, celles parvenues à l’association des Vitrines de Strasbourg, qui regroupe quelque 700 commerçants, pour qui la principale préoccupation est le stationnement.

A la demande des Vitrines pour de nouveaux parkings en silo place de Bordeaux et place de l’Etoile, Fabienne Keller répond favorablement « si les études de faisabilité techniques s’avèrent positives ». Roland Ries noie lui aussi le poisson, évoquant des « études » et une réflexion plus globale sur le secteur de l’Étoile, Alain Jund ne s’oppose pas frontalement, mais évoque des disponibilités dans d’autres parkings, notamment celui de Rivétoile, sous-exploité, tandis que Tuncer Saglamer, François Loos ou Jean-Luc Schaffhauser valident les propositions des Vitrines.

En réponse à ces questionnaires, arrivés par dizaine sur les boîtes mails des candidats, il est amusant de constater que les staffs de campagne (pour ceux qui en ont) ménagent l’interlocuteur en fonction de ce qu’ils connaissent de lui. Autre exemple frappant, celui des réponses faites au questionnaire de l’Adir, association de défense des intérêts de la Robertsau. Mais attention, les engagements non-tenus font parfois l’objet d’un rappel à l’ordre (voir le cas de Code animal pour le mandat qui s’achève)…

L’agenda des meetings est plein

Dans la dernière ligne droite, chaque soir ou presque, un parti organise sa réunion publique, autrement appelée meeting, de préférence avec sa star nationale (souvent eurodéputée) venue (presque) tout spécialement soutenir le ou la candidate investie par son parti. Fabienne Keller a eu Jean-François Copé et François Fillon, Jean-Claude Val Jean-Luc Mélenchon, François Loos ne les compte plus. Derniers en date, Jean Arthuis et Chantal Jouanno, anciens ministres UDI, Yves Jego, mardi 18 mars.

Alain Jund reçoit la ministre Cécile Duflot lundi, après Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’Europe écologie – Les Verts, il y a quelques semaines. Roland Ries a eu son quart d’heure européen avec Martin Schulz mardi 11 et sera seul en scène mercredi 19 à la salle de la Bourse, tout comme Fabienne Keller, le même soir au centre culturel Marcel-Marceau de Neudorf. Marine Le Pen était au PMC mercredi 12, tandis que Tuncer Saglamer tenait son « grand meeting show » le même jour.

Le « meeting show » de Tuncer Saglamer au centre culturel de Neudorf le 12 mars a rassemblé 400 personnes (Document remis)

Campagne négative, coup contre coup

Et puis, il y a la campagne négative. Celle qui s’attaque à l’adversaire. Le PS a sorti un tract pour dénoncer les « mensonges » de Fabienne Keller sur la bétonisation d’un quartier de Neudorf. Cette dernière a distribué une lettre aux agents (PDF) en début de semaine devant le centre administratif pour dénoncer la façon dont l’exécutif sortant aurait traité ces derniers suite à la publication du rapport de la chambre régionale des comptes.

Dans un communiqué cosigné par plusieurs maires UMP de la CUS, la candidate de droite tape par ailleurs sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités et, au passage, sur Alain Fontanel (PS), futur premier adjoint en cas de victoire de la gauche et secrétaire national du PS. Les socialistes, eux, restent sur leur ligne, définie il y a déjà près d’un an et qui martelle que « Fabienne Keller ment, elle n’a pas changé ».


#élections municipales 2014

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile