Il y a quelques semaines sortait sur nos écrans un documentaire passionnant sur les Stooges et leur leader, l’iguane, la légende du rock n’roll, Iggy Pop. Le film marquait une incursion (rare) du cinéaste Jim Jarmusch dans le documentaire. Il s’agissait également du second film du cinéaste, après Paterson, à être distribué en France en l’espace de quelques mois. Cette rétrospective des cinémas Star s’inscrit donc dans une actualité, qu’elle vient nourrir en illustrant les leitmotivs et les aspirations du réalisateur.
L’indolence du anti-héros
On pourra pinailler sur les maigres ratés de cette intégrale. Quelques court-métrages sont sans doute manquants. Mais il convient plus logiquement de s’attacher au large spectre d’œuvres permettant de saisir la sensibilité et l’identité de l’artiste. Du film d’étudiant Permanent Vacation au récent Paterson, Jarmusch s’est employé à explorer une forme de solitude associée au voyage et à la déambulation. Ses personnages, du Johnny Depp égaré dans l’Ouest sauvage de Dead Man au Bill Murray visitant son passé dans Broken Flowers, sont des anti-héros indolents. Parfois, comme dans Night on earth, la solitude tourne à la confrontation à l’arrière d’un taxi. Et souvent, les personnages cultivent, comme dans Coffee and Cigarettes, des amitiés débonnaires.
Le cinéma de Jim Jarmusch impose de se laisser porter, d’accepter d’accompagner dans leurs déambulations des personnages étranges et décalés. Formulation cliché, adage éculé, mais chez le cinéaste, tout voyage serait définitivement supérieur à la destination. Son travail consiste ainsi à laisser surgir une forme de grâce, quelque part entre le départ et l’arrivée.
La musique et les musiciens
L’autre caractéristique du cinéma de Jarmusch pourrait sans doute être son appropriation d’univers musicaux.
Il y a les artistes, bien sûr, et il y a les amitiés. Qu’il signe en 2017 un grand documentaire sur les Stooges n’a rien d’innocent. Les musiciens parcourent son œuvre, à l’image de Tom Waits ou de Jack White. Ils sont des personnages-nés, des gueules, des voix qui intègrent admirablement son univers. Et cet univers est par ailleurs nourri d’une certaine distance musicale qui confine au génie.
Un film de Jim Jarmusch pourrait se définir de par l’audace et l’éclectisme de sa bande-son. Le cinéaste ose les chants africains sur le périple east coast d’un père dans Broken Flowers. Il associe les improvisations de Neil Young au Far Ouest et le Wu Tang Clan à la quête d’un samouraï moderne. Ces choix, souvent improbables sur le papier, deviennent des évidences à l’écran.
Jarmusch, cinéaste reconnu, attendu et primé dans les grands festivals, construit sa carrière à l’envie, avec la même nonchalance que ses personnages. La rétrospective permettra de plonger dans sa filmographie, par l’une ou l’autre extrémité, pour un film des années 80 ou un documentaire récent, pour, peut-être, ressortir convaincu de l’incroyable cohérence de cette oeuvre.
Chargement des commentaires…