Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Je prescris des génériques et je persiste

Le gouvernement a décidé de passer à la vitesse supérieure avec les médicaments génériques, largement boudés par les Français. Pour moi, la substitution va pourtant de soi. Et non, mes revenus ne dépendent pas des indications sur l’ordonnance…

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.


La part de médicaments génériques est de 40% en France (Photo Gatis Gribusts / FlickR / CC)

Vous avez peut-être été chez votre pharmacien ces derniers jours avec une ordonnance de votre médecin. Les choses ont changé depuis quelques semaines quant à la délivrance des médicaments originaux dits  » princeps » et des copies dites  » génériques ». Les pharmaciens ont négocié avec la caisse nationale d’assurance maladie un nouvel accord dit : tiers payant contre générique.

En quoi cela consiste-t-il?

Prenons un exemple: votre médecin vous a prescrit 4 médicaments différents dont 1 médicament princeps, s’il n’a pas précisé par une mention manuscrite que celui-ci est non substituable, le pharmacien va vous délivrer un générique. Si vous exigez le médicament princeps sans mention manuscrite, le pharmacien se verra dans l’obligation de vous faire payer immédiatement ce médicament. Vous ne pourrez plus bénéficier du tiers-payant pour celui-là. Il vous remettra une feuille de soins papier, que vous devrez envoyer à la Sécu ou à votre mutuelle pour vous faire rembourser.

On comprend bien le but de cet accord: il s’agit d’inciter fortement le patient à accepter les génériques. On l’attaque au porte monnaie. Le pharmacien a également un intérêt dans l’histoire : « génériquer » lui permet d’augmenter la marge qu’il fait sur les génériques, qui est d’autant plus grande qu’il vend de boîtes. Le médecin et le patient sont exclus de cet accord, et n’y ont aucun intérêt, si ce n’est celui du citoyen conscient des difficultés de la Sécurité sociale. La France est en effet à la traîne quant à la proportion de médicaments génériqués: moins de 40%, contre 90% en Allemagne par exemple.

Je peux être de mauvais poil quand on me cherche

Que ce passe-t-il dans les cabinets médicaux : je peux vous parler du mien en tout cas. Je suis, faut-il le préciser, favorable de manière générale aux médicaments génériques. Les laboratoires ont pu faire de gros bénéfices sur les princeps pendant au moins 10 ans en général après la mise sur le marché d’une nouvelle molécule. La Sécu les a largement payés, place à la recherche de nouvelles molécules, que les laboratoires pharmaceutiques s’attachent à trouver de nouveaux « princeps » pour faire de nouveaux bénéfices, et diminuons les coûts !

J’avoue être de mauvais poil quand un patient me demande une mention « non substituable » sans raison valable. Il y a peu de cas où cela est justifié : les médicaments traitant l’épilepsie par exemple sont difficilement substituables. Il existe un risque lors du changement par un générique que le patient absorbe la molécule différemment et donc qu’il y ait une crise.

Les consultations peuvent être rock and roll quand le patient est habitué à son traitement.

Robert 70 ans, par exemple a eu un triple pontage il y a 20 ans , il prend depuis le même médicament princeps qui lui a été prescrit à l’époque. J’ai essayé de lui modifier son ordonnance directement en prescrivant les génériques, il a été d’accord pour tout sauf pour cet ancien traitement. Je n’ai pas insisté , il a besoin de cette sécurité psychologique.

André, 38 ans, ne prend qu’un seul médicament pour son hypertension, il râle comme un putois, trépigne et veut son princeps ! Discussion un peu tendue , je lui explique que son médicament est génériqué de longue date, bien connu. Il accepte d’essayer pour voir… après avoir constaté une différence de 38€ sur une boite de 3 mois. Pas sûr qu’il ne me redemande pas le princeps. Wait and see dans 3 mois.

Marie, 88 ans, a un traitement compliqué, 8 médicaments différents, pour sa tension, son cœur (elle souffre d’angine de poitrine), son diabete, son arthrose. Elle a du mal à s’y retrouver, sa vue baisse et sa tête n’est plus ce qu’elle était… Pour Marie, vu le nombre de génériques différents et sa difficulté à préparer son traitement (16 comprimés) , j’ai décidé de lui envoyer une infirmière une fois par semaine pour lui préparer sa boîte de pilules. Génériques ou pas, une pro s’y retrouvera.

Chacun son boulot, chacun sa part

Je ne supporte pas quand un pharmacien m’appelle pour me demander de rajouter après coup la mention « non substituable » sur une ordonnance. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ! Qu’il se débrouille avec le patient pour qu’il accepte le générique à la place du princeps prescrit. Bref, si je ne mets pas sur l’ordonnance de mention lors de la prescription, c’est qu’il n’y pas d’obstacle à la délivrance d’un générique.

Je me demande pourquoi je fais tout ça, je ne suis pas comme les pharmaciens, intéressée financièrement par la substitution, et quelques fois ça me barbe carrément. Puis je me dis que c’est le bon moment. Pour expliquer, éduquer si besoin. Un de mes patients m’a même dit que j’allais  » toucher » de la Sécu , il m’a un peu énervée (beaucoup en fait) , et j’ai perdu cinq minutes à lui expliquer que je ne « touchais » rien, quelque soit ma part de prescriptions en génériques.

J’espère que les Français toujours râleurs (dont je fais partie bien sûr) s’adapteront à cette nouvelle donne, et qu’au delà de leurs habitudes, ils comprendront l’intérêt des génériques pour eux et pour les comptes de l’assurance maladie. Pour cela, le dialogue médecin-malade et malade-pharmacien est incontournable.


#Santé

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

Aucun mot-clé à afficher

Partager
Plus d'options
Quitter la version mobile