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Les jardins familiaux du Hochweg envahis par la fourmi Tapinoma magnum

Les jardins familiaux de Hochweg, dans le quartier Cronenbourg, sont devenus pénibles pour leurs locataires, qui se font mordre par une espèce de fourmi invasive, la Tapinoma magnum. La Ville de Strasbourg est pour l’instant sans solution.

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Au sol, ça grouille. Sur les murets, ça grouille. Sur les arbres, ça grouille … Dans les jardins du Hochweg à Cronenbourg, à peine le pied posé au sol, des dizaines de petites fourmis grimpent dessus. Cette fourmi, c’est la Tapinoma magnum. La 75e espèce de fourmis recensée en Alsace en 2023. Originaire des régions méditerranéennes, cette fourmi de petite taille aime les climats chauds et les terres arides.

« C’est une espèce de fourmi très réactive, qui peut parfois mordre », indique Christophe Brua, président de la Société alsacienne d’entomologie. « Je ne vais même plus dans les jardins, s’exclame Giovanna, locataire d’une parcelle des jardins du Hochweg, Elles sont partout, elles vous grimpent dessus, elles mordent, elles pincent ! »

Les Tapinoma magnum se baladent par millions dans les jardins familiaux de Hochweg Photo : Adélie Trimbour / Rue89 Strasbourg / cc

« N’étant plus dans son habitat naturel, cette espèce prend le pas sur les autres fourmis car elle n’a pas de prédateur naturel dans la région », explique Christophe Brua. Envahissante, la Tapinoma magnum crée de « super colonies » pouvant s’étendre sur plusieurs dizaines d’hectares. « Elles s’attaquent à tout », détaille Giovanna, exaspérée. « Elles tuent les autres espèces, elles détruisent les potagers, mangent nos fruits… C’est infernal. »

Les fourmis prennent d’assaut les figuiers… Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc
… qui finissent par pourrir de l’intérieur Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

« Il y a deux ans, les fourmis ont commencé à arriver et après, ça s’est emballé. En un an, leur présence a été exponentielle. Aujourd’hui, les 37 parcelles des jardins sont infestées, l’envergure de la colonie est incroyable », affirme Giovanna, dépitée qui craint qu’elles « finissent par sortir des jardins et, lorsqu’elles seront arrivées dans les habitations autour, ce sera une véritable catastrophe ».

Une espèce très difficile à combattre

« C’est une espèce très résistante et lorsqu’on essaie de l’éradiquer, les autres espèces de fourmis peuvent en souffrir également », rapporte Christophe Brua qui rappelle que « dans un écosystème à faible biodiversité, plus on tente de l’éradiquer, ce qui détruit les autres espèces et la végétation alentour, plus on crée un environnement adéquat à son développement ».

Giovanna, après de nombreuses tentatives, a fini par abandonner :

« J’ai essayé toutes sortes de produits. J’ai commencé par les poudres anti-fourmi qu’on peut trouver sur le marché, sans succès. Ensuite, j’ai répandu un mélange de sel et de sucre, le sucre attire la fourmi et le sel la tue. Mais toujours aucune amélioration. J’ai également tenté de déverser de l’eau bouillante dans les fourmilières pour atteindre la reine, mais ça n’a pas fonctionné non plus. Elles sont tenaces… »

Les fourmis se baladent sur la poudre anti-fourmi installée par un voisin de parcelle de Giovanna et son époux Photo : AT / Rue89 Strasbourg / cc

Selon Christophe Brua, pour en venir à bout, « il faut procéder à une action réfléchie et ciblée ». Première étape : définir la zone dans laquelle la Tapinoma magnum est présente. Ensuite, trouver la fourmilière et faire entrer un insecticide. « Le spinosad peut être très efficace contre ces fourmis », affirme l’entomologiste qui détaille :

« Le meilleur moyen, c’est de mettre un piège près de la fourmilière. Un appât sucré, dans lequel on mélange le spinosad. Les fourmis ouvrières vont venir le collecter et le ramener dans la fourmilière, la détruisant de l’intérieur. »

Mais le spinosad, un neurotoxique, n’est pas sans conséquence pour le reste de l’environnement.

Sentiment d’abandon des locataires

Depuis l’été 2022 au moins, les locataires des jardins familiaux essaient d’alerter la Ville de Strasbourg à propos de cette invasion. « J’ai tenté plusieurs fois d’avoir la responsable des jardins familiaux au téléphone », précise Giovanna, « mais sans succès. J’ai écrit un mail en juillet, qui est toujours sans réponse. »

Un silence incompréhensible pour la jardinière du dimanche, qui relève :

« On est en colère parce qu’à la moindre haie mal taillée ou pelouse non tondue, on reçoit un rappel à l’ordre de la Ville par courrier dans la foulée. Et pour un problème aussi handicapant, il ne se passe rien, tout le monde s’en fout. Je ne comprends pas pourquoi il n’y a aucune réaction de la Ville. On nous laisse nous débrouiller seuls mais on est complètement dépassés. »

La Ville de Strasbourg affirme que la responsable des jardins s’est rendue sur place dès le lendemain de l’alerte. Le 27 mai, Henry Callot, entomologiste co-auteur de la Liste de référence des fourmis d’Alsace et expert auprès des Musées de Strasbourg, était aux jardins du Hochweg pour constater la présence de la fourmi Tapinoma magnum pour la Ville mais Giovanna, comme ses voisins de parcelle, n’en savait rien.

Une réaction trop lente de la Ville de Strasbourg

À en croire Christophe Brua, qui a l’habitude de travailler avec la Ville sur ces problèmes, cette inaction n’a rien d’étonnant :

« Il y a toujours eu une lenteur et un manque de réactivité de la Ville de Strasbourg sur ces questions. Déjà avec le moustique tigre, les premières alertes datent d’une dizaine d’années et ce n’est que depuis un an ou deux que des opérations d’envergure sont menées. »

Pourtant, d’après lui, le meilleur moyen de lutter contre ces espèces invasives, c’est « d’être le plus réactif possible à l’apparition des premiers foyers ».

Contacté par Rue89 Strasbourg, le service des Espaces Verts et de la Nature (SEVN) de la Ville de Strasbourg a répondu par écrit avoir contacté la plateforme « Espèces exotiques envahissantes du Grand-Est » pour « solliciter de l’aide » mais en vain :

« La plateforme nous a informé que Tapinoma magnum n’est pas identifiée comme une espèce exotique envahissante prioritaire en région Grand Est et que, par conséquent, elle ne peut intervenir. La collectivité continue de chercher des solutions pour endiguer la propagation de l’espèce. »

Désemparés, Giovanna et son mari pensent de plus en plus à laisser leur jardin :

« C’est trop de travail et beaucoup trop d’inconvénients. Jardiner, c’est censé être un plaisir mais là, on ne peut plus rien faire… Ce n’est pas faute d’avoir essayé de faire bouger les choses. »

Selon elle, deux de leurs voisins ont déjà rendu leur jardin depuis le début de l’invasion.


#environnement

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