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Jardiner en ville : la sève monte à Strasbourg

Retour du printemps, augmentation du coût de la vie et/ou convictions écolos (r)amènent les urbains au jardinage. Cultiver ses plantes aromatiques, ses géraniums ou ses tomates en pleine terre ou sur son balcon strasbourgeois, c’est possible. Oui, mais où et comment ? Rue89 Strasbourg a biné pour vous.

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Pousses de plants de tomates et romarin sur un balcon strasbourgeois (Photo MM/Rue89 Strasbourg)

Un jour, ça vous prend. Marre des légumes sans goût et hors de prix, envie de plus d’autonomie alimentaire ou de verdure chez soi, soif de retrouver un lien avec la terre, etc. Les raisons de se lancer dans le jardinage en ville sont multiples. Mais pas facile quand on est néophyte de trouver des réponses à ses questions nombreuses. La première de toutes : puis-je faire pousser quelque chose…

Balcon, pied d’immeuble, espace public

Sur le balcon, bien sûr. Mais aussi sur le bord d’une fenêtre ensoleillée, sur une terrasse ou dans une cour intérieure. La majorité des plantes nécessite entre 4 et 6 heures d’ensoleillement minimum par jour. Attention donc à l’exposition des plus petits espaces. Les balcons ne peuvent supporter qu’environ 300 kilos par mètre carré. Bien vérifier le poids des plus grandes jardinières donc, voire choisir des contenants légers. Sur les terrasses et dans les cours, il est possible de cultiver des plantes ou des légumes en pots, mais également de se lancer dans un potager en carré (un livre pour vous guider).

« Jardin en mouvement », maille Brigitte à Hautepierre (Photo MM/Rue89 Strasbourg)

On peut aussi jardiner au pied de son immeuble, même si c’est plutôt envisageable en périphérie qu’en centre-ville. Plusieurs options : soit l’on est propriétaire et il n’y-a-plus qu’à, soit l’on est copropriétaire ou locataire et là, il est important de discuter avec son bailleur et ses voisins. Le jardinage en pied d’immeuble peut se faire seul ou à plusieurs. A Hautepierre dans la maille Brigitte par exemple, une initiative individuelle : un habitant s’est mis d’accord avec ses copropriétaires et le service des espaces verts de la ville de Strasbourg pour créer un « jardin en mouvement », selon les principes de Gilles Clément (photo ci-dessus), espace de nature libre à la place d’une pelouse qui servait de canisite aux chiens du quartier. Certains bailleurs sociaux permettent également de s’approprier un espace sous ses fenêtres, mais à des fins nourricières (culture de légumes).

Le jardin partagé, ensuite, est la forme de jardinage en ville qui prend aujourd’hui de l’ampleur. Il en existe une dizaine à Strasbourg. Les deux jardins de la Krutenau, au centre-ville, sont situés place Sainte-Madeleine et place du Jeu-de-Paume. Ils sont gérés par des membres de l’Ahbak (association des habitants des quartiers Bourse-Esplanade-Krutenau). Ils en existent également dans le quartier gare, gérés par l’association JPQG (notre article), de Neudorf (le Lombric Hardi, le long des rails du tram dans l’îlot Lombardie), rue des Lentilles monté par l’association de la Petite France, au parc des Poteries à Cronenbourg, rue Saint-Fridolin à Kœnigshoffen et dans les mailles Jacqueline (photo ci-dessous) et Eléonore à Hautepierre, baptisé « jardin de nos rêves ». Un dernier est situé au Port du Rhin, le « jardin pour petits et grands ». Quatre projets, à Hautepierre et Neudorf, sont en cours d’examen.

Joëlle Quintin, éco-conseillère, devant le jardin partagé de la maille Jacqueline à Hautepierre (Photo MM/Rue89 Strasbourg)

Le jardin de la maille Jacqueline est le plus ancien à Strasbourg. Longtemps en gestation, il a finalement vraiment décollé en 2009 (presque en même temps que celui de la place Sainte-Madeleine). Entouré d’une clôture basse, il n’est théoriquement accessible qu’aux 44 jardiniers amateurs du quartier qui en possèdent une clé. Joëlle Quintin, qui en est l’initiatrice et œuvre dans le cadre d’Eco-conseil, décrit le fonctionnement du lieu :

« Ici, tout le monde s’est mis d’accord pour la mise en place de parcelles individuelles. Il y a une charte de jardinage bio, sans pesticides, rédigée par la Ville, auquel chacun doit adhérer. Ensuite, les jardiniers cultivent ce qu’ils veulent, souvent des herbes aromatiques, coriandre, menthe, persil… Certains s’y connaissent bien, d’autres moins. Je suis là pour les aider, parler du paillage de la terre [ne pas laisser la terre à nu permet de maintenir l’humidité et d’éviter la prolifération des mauvaises herbes], de la récupération des graines d’une année sur l’autre, etc. »

Jardin potager de l’école maternelle Jacqueline de Hautepierre – il en existe dans de nombreuses écoles de la ville (Photo MM/Rue89 Strasbourg)

Autre possibilité pour jardiner, les potagers urbains collectifs (PUC). L’objectif est nourricier exclusivement – contrairement aux jardins familiaux qui sont souvent pour moitié des jardins d’agrément, lire plus loin – et c’est pour le moment la collectivité qui en est l’initiatrice. Il en existe un premier à la Cité de l’Ill où 14 habitants cultivent aujourd’hui une parcelle de 1000 mètres carrés mise à disposition par la mairie (lire le reportage des étudiants du CUEJ sur cette « Ile aux jardins »). Un autre est « en cours d’appropriation » à l’Elsau. Un troisième devrait voir le jour à l’Esplanade, en plein cœur du parc de la Citadelle. « Le groupe de jardiniers a été constitué par le centre social du quartier », précise Françoise Buffet, adjointe au maire en charge de l’environnement, sensible aux questions de « ville nourricière » et d’autonomie alimentaire.

Et puis il y a le jardin familial. Il en existe quelques 4800 à Strasbourg, l’une des villes les mieux dotées de France en la matière, sur 165 hectares de terres cultivées, répartis dans la majorité des quartiers de la ville. Les demandes sont à faire auprès du service des espaces verts (toutes les infos disponibles sur le site Strasbourg.eu).

Le renouvellement des jardiniers est très faible, de l’ordre de 10% par an et la demande reste forte. Il faut donc patienter entre 2 et 4 ans pour obtenir un jardin, et pas forcément en bas de chez soi. Là, les services municipaux font de la pédagogie en faveur du « zéro pesticide » depuis plusieurs années déjà, mais « c’est un travail très long, glisse Louis Tissier, chef du service des espaces verts et de nature de la ville de Strasbourg. Les jardiniers, souvent âgés, ont leurs habitudes, il faut convaincre… »

Restent les interstices. Ces minuscules bouts de nature en ville, ces pieds d’arbres qu’apprivoisent les adhérents d’Envie de quartier, rue du Faubourg-de-Pierre, ces espaces entre les pavés où faire pousser des herbes folles comme l’entreprennent les initiateurs des semis liberté, ces légumes en pot bientôt mis à disposition un peu partout par les Incroyables comestibles Strasbourg.

Fleurs, légumes, aromates…

Une fois le lieu défini, reste à cultiver. Quoi ? Des fleurs pardi, mais aussi des légumes, même en pot (un livre pour vous guider), et bien sûr des aromates. On peut acheter des plantes ou fleurs chez les fleuristes ou pépiniéristes (quelques adresses ci-dessous), à rempoter dans un contenant plus grand l’année suivante, en y ajoutant du terreau (à ne pas confondre avec la terre végétale !) ou en enrichissant le « substrat » avec du compost. On trouve ce dernier dans son composteur de quartier, mais aussi à l’usine de compostage du Rohrschollen, où il est conditionné et vendu par un prestataire de la communauté urbaine de Strasbourg (quelques infos ici).

Botanic, 1 route d’Oberhausbergen à Cronenbourg, 03 88 10 86 20.
Fleurs Roth, 52 rue Jeanne-d’Arc à la Robertsau, 03 88 31 16 67.
Floralia-Heuber, 174 route de Mittelhausbergen à Cronenbourg, 03 88 27 87 90. Rempotage gratuit tout le mois de mai, plantes en pots mais pas de graines ou matériel de jardinage.
Sonnendrucker, 222 route des Romains à Kœnigshoffen, 03 88 30 01 47.

L’enseigne Botanic a signé une « charte pour la promotion de solutions sans pesticide au jardin » (Photo MM/Rue89 Strasbourg)

Denrée rare pour le jardinier urbain : la terre

Plutôt que d’acheter des plantes ou plants déjà bien développés (ci-dessus), l’on peut aussi planter soi-même des graines, ce qu’on appelle faire des « semis ». Pour cela, il faut d’abord de la terre. Trouver de la terre végétale n’est pas forcément évident. L’on ne peut pas se fournir dans les plates-bandes de la place de la République (sic) ni même en forêt. Si un vol important est constaté, le jardinier en devenir est passible d’une amende de 38 à 1500€. De plus, la terre en ville peut être polluée, notamment dans les friches industrielles (au port du Rhin par exemple).

Pour se procurer de la terre légalement, plusieurs options : les jardineries et magasins de bricolage (Botanic à Cronenbourg, Leroy Merlin à Hautepierre, Mr Bricolage rue du 22-Novembre pour l’outillage, etc.), chez des maraîchers ou jardiniers amateurs d’accord pour en donner, chez des entrepreneurs du BTP ou des particuliers qui construisent sur leur terrain et cherche à s’en débarrasser. Le bouche-à-oreille et les réseaux sont essentiels dans cette quête.

L’offre sur Internet est conséquente elle aussi, notamment sur Le Bon Coin. Conseil de Louis Tissier du service des espaces verts : « S’il y a des mauvaises herbes dans la terre, c’est qu’elle est de bonne qualité ». Il peut aussi être intéressant de proposer à son voisin qui possède un jardin et ne s’en occupe pas de l’entretenir à sa place en échange de quelques légumes. Un site national répertorie d’ailleurs ce type d’échanges : Savez-vous planter chez nous.

Trouver des graines est plus facile. Elles sont en vente dès les premiers rayons de soleil dans les jardineries, sur les sites spécialisés comme Kokopelli ou le Biau germe, mais également dans les supérettes de quartier, à la Coop, au Super U ou ailleurs. Le matériel est aussi très accessible. Les pots et outils sont disponibles dans les grandes enseignes, mais on peut également les chiner dans des brocantes ou se les échanger entre voisins. Il est possible aussi de se confectionner des contenants (en faisant attention au drainage de l’eau, quitte à percer des trous au fond) avec des sacs (pour les pommes de terre par exemple), des planches de bois, des passoires, des seaux…

Reste à se renseigner un minimum pour démarrer et progresser : seul le Centre d’initiation à la nature et à l’environnement de Bussierre à la Robertsau accueille les particuliers. Là, les animateurs jardin proposent deux formules : soit des cours pratiques de jardinage les mercredis après-midi à partir de 14h30, soit des ateliers plus théoriques sur le compost et le jardinage naturel. Contact : 03 88 35 89 56 (réservation préalable). On peut également se plonger dans une littérature florissante (une proposition de bibliographie sur le jardinage naturel – PDF). A vos binettes !


#jardinage

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