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Noé Debré, créateur de la série Parlement : « Pour comprendre l’Europe, il faut s’y intéresser ! »

Avec « Parlement », la série qu’il a créée et co-écrite, diffusée à partir du 9 avril sur le site de France Télévisions, le scénariste Strasbourgeois Noé Debré propose une plongée de 10×26 minutes dans l’univers du Parlement européen. La fiction humoristique raconte les aventures de Samy, un jeune assistant parlementaire fraîchement débarqué dans l’institution.

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Rue89 Strasbourg : Comment vous est venue l’idée de cette série ?

Noé Debré : « J’ai grandi à Strasbourg, tout près du Parlement européen. Et quand j’ai débarqué à Paris, je me suis rendu compte de combien les institutions européennes étaient lointaines et mystérieuses pour beaucoup de monde. C’était en 2005 au moment où le traité établissant une Constitution pour l’Europe a été soumis au référendum… J’ai donc toujours eu l’intuition que le Parlement européen était un lieu de fiction intéressant, un endroit romanesque…

Votre intérêt pour l’Europe trouve donc ses racines dans vos origines alsaciennes

En tout cas, c’est mon hypothèse ! En grandissant en Alsace, on reçoit une éducation européenne singulière, on fait l’expérience de l’Europe, on la vit au quotidien, ne serait-ce qu’en pouvant se rendre en Allemagne en traversant une frontière qui n’existe pas. Ce territoire-là, son meilleur qualificatif, c’est « européen ». 

Créateur de la série « Parlement », Noé Debré a grandi non loin du Parlement européen à Strasbourg. (Photo : Simon Birman)

Mettre l’Europe à l’écran dans une fiction, n’est-ce pas un pari risqué ? 

Si ! Mais artistiquement, cela n’a que des avantages. C’est un territoire largement non exploré en fiction. J’aurais été bien en peine d’imaginer une série policière : dès qu’on allume la télé, il y a en a une qui passe ! Alors que ce qui est intéressant avec le Parlement européen, c’est qu’où que l’on aille, quoi que l’on filme, c’est nouveau en termes de représentation. 

« Pour s’inspirer, on s’est fait accrédités par des copains »

Comment avez-vous travaillé pour écrire « Parlement » ? 

Nous étions quatre co-auteurs [avec Maxime Calligaro, Pierre Dorac et Daran Johnson, ndlr] – dont deux travaillent dans les institutions européennes. Nous avons convenu de sessions d’écriture une fois par mois, tantôt à Bruxelles, tantôt à Strasbourg. Pendant les plénières à Strasbourg, c’était génial, on se faisait accréditer par des copains pour entrer, on se trouvait une salle vide pour travailler. Puis on mangeait à la cantine avec des assistants, on prenait un café avec des fonctionnaires, et le tout nourrissait la série ! 

Ce furent vos premiers pas au Parlement européen ? 

Non, la première fois que je suis allé au Parlement à Strasbourg, c’était pendant une sortie de classe en primaire ! Et j’en ai enchaînées quelques unes du genre par la suite ! Le bâtiment est tellement plus beau à Strasbourg qu’à Bruxelles, et plus monumental. Visuellement, il est plus saisissant. 

Aurait-il été possible de faire cette série sans y intégrer l’interminable « bataille du siège » entre Bruxelles et Strasbourg ? 

Difficilement, parce que cette fracture est tellement saillante… Cette situation est marrante ! Dramatiquement, c’est génial car on ne pouvait pas rêver mieux pour une série que le final se joue dans un autre décor, encore plus spectaculaire, le bâtiment de Strasbourg !

« Parlement », est-elle une série politique, comique ou initiatique ?

« Politique », c’est toujours un mot ambigu quand on parle de fiction. « Parlement » est une fiction sur le monde de la politique, pas une fiction politique. C’est la même différence qui existe entre écrire une lettre d’amour et un roman d’amour… Cette série n’a pas un message ou un objet politique, mais elle raconte un monde bien particulier. 

Cette série est-elle alors en quelque sorte une lettre d’amour à l’Europe ?

Je suis prudent là-dessus… Parler de lettre d’amour à l’Europe, c’est mièvre et ça me met mal à l’aise. Ce sera aux spectateurs d’en juger ! 

Pourquoi avoir choisi le registre comique pour aborder un sujet si sérieux ? 

Il y a ce présupposé que quand on fait de la comédie, on se moque. Mais dans la série, on rit de leurs défauts et de leurs manquements… Michel, l’eurodéputé, et son assistant Samy n’ont pas d’hostilité particulière envers l’Europe mais n’y comprennent pas grand-chose, au moins au début…

La série raconte l’histoire de Samy, un jeune assistant parlementaire qui doit tout découvrir du fonctionnement du Parlement européen. (Crédit : France télévisions)

L’eurodéputé Michel Specklin est élu au Parlement depuis trois ans et dit qu’il ne comprend toujours rien à son fonctionnement. Vous faites passer les députés européens pour des amateurs…

Pour moi, Michel ne représente pas les eurodéputés, mais plutôt les citoyens. Il est ignorant au même titre que l’est le public. Ensemble, ils vont faire un apprentissage énorme. Les eurodéputés qui regarderont la série s’identifieront d’ailleurs certainement plutôt à un autre élu, Cornelius Jaeger, ultra compétent et qui fait tout bien comme il faut. 

Quel public visez vous justement ? La « bulle » européenne ou les profanes des institutions ? 

Parler seulement à la « bulle » aurait été un peu compliqué. La série s’adresse à tous et les gens à l’intérieur de la bulle s’y reconnaîtront peut-être. Quant aux assistants, ils vont adorer car ils ont le beau rôle dans la série : ce sont eux qui font tout ! 

Bande annonce de Parlement (Vidéo France Télévision)

De qui est inspiré Samy, l’assistant qui occupe le rôle principal ?

Un peu de l’expérience de Maxime Calligaro, l’un des auteurs qui est bel et bien assistant au Parlement européen (et auteur du livre Les Compromis, un roman noir qui se déroule au Parlement, ndlr). Mais Samy (interprété par Xavier Lacaille, ndlr), est un arlequin qui a trop confiance en lui. Il croit pouvoir passer entre les gouttes et se prend les pieds dans le tapis. Tous les personnages sont globalement des archétypes de comédie, appliqués à la bulle européenne. 

Dans quels travers fallait-il éviter de tomber ? 

Le piège évident, c’est de céder aux clichés… Les Italiens qui parlent fort, les Allemands psychorigides. On ne s’en prive pas, il y a effectivement beaucoup de blagues sur les Allemands ! Mais la série repose sur un métadiscours  : elle s’amuse du fait que les gens ont des préjugés, plutôt que des préjugés eux-mêmes.

Pour le créateur de la série, Samy (à gauche) « est un arlequelin qui a trop confiance en lui ». (Photo : France télévisions)

L’intrigue repose sur le vote d’un amendement concernant le « finning », cette pratique qui consiste à couper l’aileron des requins. N’avez-vous à aucun moment douté de votre capacité à tenir les spectateurs en haleine, du début à la fin ? 

J’ai découvert cette pratique du « finning » dans une note qui traînait sur le bureau d’une assistante au Parlement à Strasbourg. Et je me suis dit : « C’est génial, c’est très concret, tout le monde peut comprendre de quoi il s’agit ! ». À première vue, cette cause semble anecdotique et qu’elle vise à défendre les requins, elle en dit aussi long sur la mondialisation. Le « finning », ce sont aussi des pêcheurs en Espagne ou au Portugal qui vendent ces ailerons aux Chinois qui, eux, pensent qu’ils sont aphrodisiaques. Cet amendement résume la complexité du monde dans lequel on vit. Et le Parlement européen, c’est aussi une métaphore de cette complexité, une institution difficile à diriger où les problèmes sont ceux de notre époque. Il est le reflet du monde dans lequel on vit. 

Que répondez-vous à ceux qui disent que l’Europe, « c’est trop compliqué » ?

Si elle est complexe, c’est pour de bonnes raisons, et dans un sens, tant mieux ! Mais elle est aussi complètement explicable. Pour comprendre l’Europe, il faut s’y intéresser. Elle n’a rien de plus compliqué que la démocratie américaine, elle n’est pas plus retorse que ce qu’on voit dans « The West Wing » ou « House of Cards » ! »


#Parlement européen

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