Début décembre, une carte des futurs trains de nuit européens n’indiquait pas la gare de Strasbourg. Puis, la Deutsche Bahn et les Chemins de fer fédéraux autrichiens nous ont confirmé une étape strasbourgeoise sur le tracé Paris – Vienne. Si l’eurodéputée écologiste Karima Delli se félicite de ce retour du ferroviaire nocturne sur le réseau européen, elle reste critique vis-à-vis du retard français sur le développement du train de nuit. L’élue Europe Ecologie Les Verts, présidente de la commission transports et tourisme au Parlement européen plaide pour une meilleure desserte de Strasbourg en trains de nuit.
Rue89 Strasbourg : Quel a été votre sentiment suite aux annonces des sociétés ferroviaires autrichiennes, allemandes, suisses et françaises concernant les nouvelles lignes internationales de train de nuit ?
Karima Delli : C’est une victoire. Cela fait des années que je me bats pour le retour des trains de nuit. C’est une mobilisation citoyenne, mais aussi une lutte pour le climat. Au niveau du CO2 émis par kilomètre, l’avion est 45 fois plus polluant que le train (sur des distances nationales, ndlr).
Une « année européenne du train »
Pour les trajets domestiques, les associations comme Objectif train de nuit militent pour ce mode de transport qui permet des économies de 70 à 90 % d’énergie par rapport à l’avion. Le train de nuit est donc moins polluant, mais sa particularité est qu’il peut remplacer l’avion sur des trajets longs, de 600 à 1 800 km. Ces nouvelles lignes donnent donc une vraie chance aux alternatives écologiques.
Que fait l’Union Européenne pour soutenir le train de nuit ?
Le 12 novembre 2020, les représentants du Parlement et de la Commission européenne se sont mis d’accord pour faire de 2021 l’année européenne du train. Il y aura des campagnes de mobilisation. Ainsi, je vais faire un tour de France pour rappeler qu’on était pionnier il y a quarante ans. En 1980, 150 gares françaises étaient desservies par au moins un train de nuit. Aujourd’hui, on les compte sur les doigts de la main (sept, ndlr).
« Encourager les investissements »
Cette décision autour de l’année européenne du train a pour but de promouvoir le transport ferroviaire dans tout le territoire. Le train de nuit fera alors partie d’une volonté d’investissement européen, c’est une victoire.
Quel est le montant de l’investissement européen dans le train de nuit ?
Pour l’instant, nous sommes dans les négociations du plan de relance. Il est certain que le train fera partie des investissements. L’Europe va donc lancer une campagne, pour sensibiliser l’opinion sur les bienfaits du ferroviaire au niveau du climat et de l’emploi.
L’Union Européenne a très bien compris qu’elle doit intervenir. Elle a enfin saisi que le train de nuit, c’est l’avenir. Elle doit donc harmoniser les outils au niveau européen et encourager les investissements dans ce secteur.
Quelle doit être la place de Strasbourg dans ce réseau des trains de nuit européens ?
Strasbourg est une ville européenne et transfrontalière de premier ordre, elle mérite une desserte ferroviaire à la hauteur de ce qu’elle représente au niveau territorial. Je pense que Strasbourg doit pouvoir desservir le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest de l’Europe, en train de nuit. On pourrait partir de Strasbourg vers Barcelone, Hambourg, Munich ou Bratislava, ce serait une véritable victoire.
« On dirait que le gouvernement n’a pas de vision »
Avez-vous le sentiment que le gouvernement français s’engage assez pour relancer le train de nuit ?
Dans son entretien télévisé du 14 juillet, Macron a dit qu’il souhaitait redévelopper le fret et le train de nuit. Moi je dis banco. Cette annonce répond aussi à une demande de la Convention Citoyenne pour le climat, et le Président s’est engagé. Mais je regrette que les choses n’aillent pas plus vite. La ligne nocturne Paris – Nice a fermé en 2016, la ligne Paris – Berlin aussi, puis Paris – Moscou en 2019… Aujourd’hui, il faut donc réinvestir massivement. Le collectif Oui au train de nuit estime qu’on pourrait ouvrir 15 lignes nationales et 15 lignes internationales pour 1,5 milliard d’euros en 2030.
Le principal enjeu, c’est la rénovation du matériel roulant. Les Autrichiens sont les leaders dans ce domaine. On pourrait aussi faire un premier plan de rénovation du matériel roulant de nuit, avec des entreprises françaises comme Alstom et Bombardier. Qu’est-ce qu’on attend pour lancer ces entreprises sur ces chantiers ? Je ne sais pas, on dirait que le gouvernement français n’a pas de vision. Je regrette que la France ne soit pas à l’initiative de ce projet de nouvelles lignes européennes. Strasbourg ne peut pas être oubliée des grands axes européens.
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