« Voici Lisa, on vit ensemble, on peint ensemble… Bref, on fait tout ensemble. »
Originaire de Bretagne, Rensone peint depuis ses 14 ans. Il nous raconte que le jour où il a pu s’acheter un scooter, il partit la nuit-même, pour peindre des murs en ville.
« Je ne peignais pas vraiment, je faisais un mur par mois, c’était plus un défouloir. Quand je suis allé à Rennes pour mes études, je me suis pris une claque. Je me suis rendu compte que j’étais un vrai débutant, ça a été un renouveau. »
Dès lors, il a multiplié les peintures sur mur mais aussi sur toile.
On visite alors la pièce qui leur sert d’atelier. On reconnaît très vite les toiles de Rensone grâce aux silhouettes un peu bubble-gum, aux courbes, et surtout aux personnages avec un trou à la place de la tête.
« Mes créations ont une chronologie : au départ, mes personnages avaient un visage. Mais des visages, on en voit un peu partout. Alors à un moment, je m’en suis lassé. J’ai choisi de faire une ombre pour le visage, puis un trou. Aujourd’hui, mes personnages n’ont pas de tête, mais peut-être que demain, ils en auront une. Je veux m’éclater à 100%. Je veux donner de la spontanéité. En fait lorsque je peins mes personnages, j’essaie d’utiliser les codes du graffiti : le dynamisme des lettres pour créer leur silhouette et les techniques de remplissage pour la colorisation. Je suis au milieu des deux grandes composantes du graffiti : les personnages et les lettres. »
On découvre aussi les toiles de Lisa, alias Missy. C’est beau, coloré, très intelligent, et plus que tout, c’est minutieux au possible. Un peu gênée, Missy nous raconte son évolution à elle :
« J’ai toujours baigné dans le milieu artistique et j’ai étudié le graphisme. Aujourd’hui, je suis graphiste indépendante. »
Ainsi, Missy a plus l’habitude des pinceaux et des toiles que des bombes et des murs.
« J’ai commencé les murs il y a cinq ou six ans. C’est Vincent qui m’a initiée. Le graffiti m’a toujours attirée mais je n’osais pas trop mettre les pieds dans les friches. J’ai commencé par des trucs très roses, très « girly », mais depuis, je suis revenue à un travail d’illustration que je mêle au graff. Je joue avec un côté humour noir, je fais des toiles où je balance des insultes très graphiques… Franchement, je m’éclate. »
Le geste que tu fais quand tu peins, c’est une danse
Rensone nous parle aussi de ses voyages.
« J’ai pu peindre un peu partout, à Londres, à Berlin… Quand j’ai peint à Ramallah, les gens étaient tellement heureux que j’ai vécu pleinement l’expérience humaine qu’on cherche tous quand on fait quelque chose. Ca avait du sens : peindre là où les gens ont 10 000 autres trucs à régler que de voir des graffitis. Et pour autant, ils nous donnaient plein de cadeaux. Parce qu’on avait décoré leur ville, et que personne n’avait jamais fait ça. »
Missy l’écoute avec envie.
« J’espère, pouvoir un jour peindre partout en France, en Europe, dans le monde ! Ce serait génial. »
On évoque la technique, mais c’est surtout d’art que l’on disserte.
« C’est génial de devoir gérer ses traits, éloigner la bombe, la rapprocher, freiner sur la fin pour donner plus de pigments… Tu sais, sur une toile, tu manques vite d’espace ! Le geste que tu fais quand tu peins, c’est une danse, et ça, tu ne peux vraiment le kiffer que sur un mur. »
Ainsi, au fil de la discussion, j’ai bien compris que les stéréotypes, c’était du grand n’importe quoi : les graffeurs ne sont pas forcément des êtres sans foi ni loi qui ont besoin de détériorer les lieux publics. On a affaire à des artistes qui s’éclatent et qui ont simplement besoin d’un plus grand espace pour étaler leurs couleurs.
Caroline Toussaint
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