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CUS et conseil général se renvoient la facture des déplacements des personnes handicapées

Mobistras est un bel outil. Trop beau peut-être puisqu’il est de plus en plus utilisé par les personnes handicapées pour se rendre aux établissements spécialisés. Des trajets domiciles – travail que la CUS ne veut plus assumer seule et que le conseil général ne veut pas financer. Les établissements se tournent vers l’État.

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Le service Mobistras, taxi à la demande pour personnes handicapées, est victime de son succès. (Photo Kevin B. / Wikimedia Commons / cc)

C’est décidé, à partir du 1er janvier 2015, les personnes handicapées qui utilisaient le service de transport à la demande de la CUS, Mobistras, pour se rendre dans les accueils de jour ou les établissements d’aide par le travail (Esat) ne pourront plus le faire. C’était quand même bien pratique : une inscription, un coup de fil et hop, les personnes incapables de prendre le bus, le vélo ou la voiture étaient transportées où elles le voulaient dans la CUS pour 1,60€. Comment feront-elles à présent ? Mystère.

En tout cas, la CUS refuse de continuer à payer Véolia Transports, délégataire du service, pour des parcours qui relèvent des trajets domicile – travail et qui doivent être pris en charge, normalement, par les établissements eux-mêmes (art. 344-10 du CASF). Pour la CUS, c’est clair, c’est au Conseil général du Bas-Rhin de payer comme l’explique Martine Castellon, vice-présidente de la CUS en charge du handicap :

« Le conseil général s’est désengagé du service lorsque le service de transport des personnes à mobilité réduite est passé du GIHP (le Groupement pour l’Insertion des Handicapés Physique, une association d’aide à l’insertion des handicapés ndlr) à Mobistras en 2011. La CUS a alors assuré seule ce service d’un budget d’1,2 million d’euros. Mais le conseil général a depuis baissé ou supprimé la dotation transport aux établissements spécialisés. Leurs usagers se sont donc reportés sur MobiStras. On a constaté une augmentation de 25 000 trajets sur une année, quand MobiStras en assure 80 000. Il en résulte une dégradation du service, puisque les véhicules sont occupés par ces trajets et ne peuvent répondre aux déplacements ponctuels, et une envolée des coûts à laquelle nous souhaitons mettre fin. »

De 600 à 2 000 inscrits en trois ans

Environ 600 personnes étaient inscrites au service assuré par le GIHP, elles sont plus de 2 000 à MobiStras. Invité par la CUS à participer au financement du service, le conseil général n’a jamais répondu. Et pour cause puisque, selon Jean-Philippe Cali, directeur de la mobilité au conseil général, les transports habituels des personnes handicapées ne font pas partie des missions du département :

« Nous n’avons jamais financé les établissements spécialisés pour le transport de leurs usagers. Nous financions le GIHP mais indûment. En fait, la CUS fait le même raisonnement que nous, avec quelques années de retard. C’est aux établissements de financer ces déplacements, donc à l’État qui apporte l’essentiel de leur dotation de fonctionnement. De notre côté, nous devons maîtriser les coûts du budget transports, 50 millions d’euros, avec une TVA qui est passée de 7 à 10% en 2014, sans parler des augmentations du carburant… »

Les établissements déjà en déficit chronique

Oui mais voilà, les établissements spécialisés, quasiment tous en déficit chronique, n’ont pas les moyens de prendre ces transports en charge. Les Esat (Établissement et service d’aide par le travail) n’ont pas de dotation transports, mais une dotation globale de fonctionnement, versée par l’État via l’Agence régionale de santé (ARS). Ainsi à l’Esat Travail et Espérance à Mundolsheim, chaque année se termine déjà par un déficit d’environ 40 000€ comme l’explique un responsable :

« Nous accueillons 110 travailleurs à temps complet, certains peuvent prendre les bus de la CTS, d’autres ont des voitures sans permis et nous avons une navette qui nous coûte environ 5 000€ par mois. C’est un sacré budget. Nous en avions deux jusqu’en 2001 mais l’ARS nous en a supprimé un. »

Jean-Claude Cuny, directeur général à l’Arahm (association régionale d’aide aux handicapés moteurs) qui gère six centres d’accueil, est confiant qu’une « solution » sera trouvée avant janvier :

« On accueille environ 500 personnes, on fait fonctionner un système de navettes pour environ 200 d’entre elles. D’autres peuvent venir par leurs propres moyens mais pour certains, j’ai besoin d’un service spécialisé comme Mobistras, voire parfois d’un véhicule médicalisé. Mais dans cette affaire, c’est nous les victimes. On hérite d’une situation après que la CUS ait unilatéralement changé les termes du contrat de MobiStras. On doit se rencontrer avec les acteurs concernés, on trouvera une solution parce qu’il est impensable de compliquer davantage la vie des travailleurs handicapés. »

Situation bloquée

Mais une première réunion à la CUS, lundi 29 septembre, n’a pas permis de débloquer la situation. Pour un responsable d’un Esat du sud de l’agglomération, il n’y a de toute façon pas 36 manières d’avancer :

« Nous existons depuis plus de 30 ans et nous n’avons rien changé à nos habitudes. C’est la CUS qui décide tout d’un coup de ne plus financer les trajets domicile – travail. Elle en a le droit puisque la loi nous oblige à l’organiser. Je ne vois pas d’autres solution que de nous tourner vers l’ARS pour une rallonge de notre dotation de fonctionnement. Elle est d’ailleurs quasiment gelée depuis des années, ce qui conduit l’ARS à reprendre nos déficits, année après années, sans qu’on sache si ce sera encore le cas demain… »

La CUS nie avoir changé les termes du contrat et affirme avoir alerté les établissements spécialisés des dérives de l’utilisation de MobiStras il y a plus d’un an. La CUS avait envoyé une lettre le 10 juillet aux établissements pour leur rappeler que les trajets domicile – travail cesseraient au premier octobre. Et rien n’a bougé. Le couperet a été repoussé de trois mois mais rien n’est réglé.

Aller plus loin

Sur DNA.fr : MobiStras prend un virage


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