Voilà peut-être un peu plus d’un an que j’ai aperçu pour la première fois le tag. Je ne sais plus exactement quand et où. Evidemment, mon cerveau, après l’avoir remarqué, s’est sans doute empressé de l’oublier. Car on ne peut pas dire que le tag «IDFIX », sous l’expression d’un entêtement abruti par l’atrophie du langage « sms-kikoo-lol », brille par l’ingéniosité de sa calligraphie. Sur FlickR, un photographe lui a même décerné le titre de « worst tag artist in Strasbourg ».
Mais sans doute l’ai-je croisé une ou deux fois encore en ressentant moins de l’aversion qu’une envie de réfléchir à son sens. Car je ne suis pas réticent du tout à l’art urbain. Les œuvres de Banksy, par exemple, sont celles d’un génie, intelligentes, provocatrices parfois mais toujours poétiques.
Face à ces « IDFIX », j’ai aussi cru comprendre un message provocateur à l’adresse des personnes trop réactionnaires. L’évolution des pensées, et pour ainsi dire la pensée évolutive, est bien meilleure et bénéfique que la complaisance dans des idées asthéniques. En somme, j’y voyais une exhortation à abandonner les idées fixes qui éperonnent de temps en temps notre cerveau alangui.
Sauf que le message ne passe plus au-delà d’une certaine bienséance. Concrètement, revoir le tag sur un véhicule d’entreprise a ruiné toute la sympathie que je pouvais généreusement accorder à quelqu’un qui m’a permis, un certain moment, de réfléchir. Après avoir rencontré de nouveau le tag sur les wagons de fret au port du Rhin, le coup suprême m’a été asséné lorsque j’ai vu que la porte d’entrée de mon immeuble en avait été « gratifiée ».
L’auteur du tag, si l’on ne peut pas dire vandale (voir le statut juridique du street art en France) a franchi une limite qui l’inscrit dans une toute autre démarche.
Il ne s’agit plus d’essaimer quelques réflexions succinctes. En dégradant n’importe quel bien public ou privé, le taggueur est entré dans une course à la popularité. Il tague les murs comme les chiens pissent contre les arbres. Tout est bon pour marquer son territoire. Le tag, ou le « blaze » selon le glossaire des graffeurs, est alors une sorte d’autographe minimal imposé à la vue de tous. IDFIX, dans son tag le plus riche, se dit être un « serpent » (photo Flickr). Peut-être sa queue frétille-t-elle à chaque nouvelle signature…
Et malheureusement, la popularité se fait sentir. Sur Webstagram, il est possible de suivre le hashtag « #IDFIX ». Leur profusion fut même à l’origine d’un « challenge ». L’objectif : partager le plus de photos des réalisations sauvages. La « chasse aux trésors » de l’instagrameuse @mélaniie67 lui a permis de remporter haut la main le défi (voir le montage photo). Mais ce genre de pratique n’a pas bonne presse dans le monde des graffeurs professionnels. Dans un précédent article (voir l’article de Rue89 Strasbourg), un vétéran dénonçait :
« Ce genre de tags décrédibilise le graff. Les gens retiennent ces tags, qui souvent dégradent l’espace public avec peu de recherche artistique, et ne pensent pas aux dizaines de fresques qu’ils ont vu et appréciées ».
La quête de renommée est malheureusement nourrie par une émulation bête et méchante. IDFIX a trouvé des rivaux : OLAFF, VOMITO, EKLER entres autres… Et la chasse au territoire ne concerne plus que les murs longeant les chemins de fer, elle se mène au centre ville.
Et bientôt quoi ? Verrons-nous des tags immondes sur les façades de bâtiments historiques, ou à l’intérieur de nos immeubles ? Pourvu que les tagueurs ne se soient pas lancés dans une course sans limite. Car la rivalité de « gangs » peut aller loin dans l’art de salir les villes. Sao Paulo est l’exemple par excellence. Les pixaçãos sont partout. (voir cette vidéo).
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