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Face à la crise de l’hôpital public, la direction déploie une opération de charme

Pour contrer l’image d’un service public dégradé, la direction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) se dédouble et met en avant ses « projets d’avenir ».

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Que ce soit le service des urgences saturé, les images de France 2 des véhicules de secours en attente sur le parking, des soignants agressés par des patients violents, ou encore des régulateurs d’appels au Samu67 en grève… De tout cela, il n’a pas été question vendredi 22 septembre, lorsque la direction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) a présenté sa stratégie face à la presse.

Titrée « Un tandem médico-administratif renforcé : une stratégie hospitalière d’avenir », la rencontre devait surtout présenter cette direction bicéphale en place depuis le mois de juillet, après le départ de Michaël Gally, nommé préfet de la Nièvre. Céline Dugast, aux HUS depuis 2016 est directrice générale par intérim et dirige les hôpitaux strasbourgeois avec le professeur Emmanuel Andrès, président de la Commission médicale d’établissement (CME). Accompagnés de Frédéric Charles, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) pour le Bas-Rhin, les co-directeurs voulaient être positifs, donner une image d’espoir et de bonne entente entre soignants, direction administrative et État.

Conférence de presse de « rentrée » des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, avec (de gauche à droite) Frédéric Charles, délégué territorial pour le Bas-Rhin de l’Agence régionale de Santé, Céline Dugast, directrice générale par intérim, et le professeur Emmanuel Andrès, président de la Commission médicale d’établissement. (Photo MdC / Rue89 Strasbourg).

« Nos urgences n’ont pas fermé un seul jour cet été ! »

Pas facile pourtant de faire passer ce message, tellement il semble déconnecté de la réalité vécue par les soignants et des nombreux reportages et articles parus dans la presse locale depuis plusieurs mois. Après avoir vanté ses efforts pour « une meilleure lisibilité des parcours pour les patients » ou « la modernisation d’accès aux soins » et la mise en avant des « pôles d’excellence des HUS » et de « la proximité avec les patients », la nouvelle direction assure disposer « d’un dialogue fréquent avec les partenaires sociaux » quand la question du manque de personnel est évoquée.

Une infirmière fait sa tournée du matin au service de gériatrie de l’Hôpital d’Hautepierre, un service relativement épargné par les fermetures de lit. (Photo MdC / Rue89 Strasbourg / cc).

Céline Dugast explique également que plusieurs dispositifs ont été mis en place, comme une maison médicale de garde au Nouvel hôpital civil (NHC) ainsi qu’un « bed manager » (un gestionnaire de lits) dont la mission est de « faciliter le parcours du patient ». Autrement dit : trouver un lit dans un service de l’hôpital pour tous les patients des urgences qui n’ont plus besoin d’une attention constante. Un travail actuellement fait, au quotidien, par les soignants des urgences eux-mêmes qui voient en moyenne passer 191 patients chaque jour.

Même réponse ou presque du côté de l’ARS. Frédéric Charles, délégué territorial pour le Bas-Rhin, reconnaît « une tension qui s’exprime aux urgences », mais assure, presque fier : « Le Bas-Rhin n’a jamais fermé un service d’urgences cet été ! » Pourtant, le 24 août, les urgentistes du NHC eux, ont bien parlé de fermeture temporaire. Frédéric Charles explique que les urgences « sont plus complexes que cela et que l’on fait bouger les lignes du secteur de la santé sur la médecine libérale et sur le parcours hospitalier. » Comprendre : « Il faut se réorganiser ». L’ARS comme les HUS vantent notamment le futur Service d’accès aux Soins (SAS), « prochainement mis en place », qui devrait permettre, selon la direction et l’Agence de santé, « de réguler davantage l’arrivée des patients aux urgences ». Un point de vue totalement contredit pourtant par les agents régulateurs du Samu 67 qui craignent au contraire une surcharge de travail et davantage d’appels à gérer.

Frédéric Charles, délégué territorial du Bas-Rhin pour l’ARS Grand Est. Photo : MdC / Rue89 Strasbourg / cc

« Nous ne fermons pas de lits »

Interrogé sur la fermeture des lits (5 775 lits en 2000 dans le Bas-Rhin, contre 4 152 en 2020, soit une baisse de -28%, selon les données de la Statistique annuelle des établissements de santé), Frédéric Charles assure : « Mais nous ne fermons pas de lits ! »

Pourtant, les soignants le dénoncent depuis des années : des lits ferment aux HUS. Et Rue89 Strasbourg l’avait démontré en révélant le contenu du Contrat d’avenir en 2022. Ce contrat signé entre l’ARS et les HUS oblige notamment les Hôpitaux universitaires de Strasbourg à augmenter leur activité, tout en fermant des lits et en réduisant le nombre de postes.

Service de gériatrie de l’hôpital de Hautepierre, 12e étage. Ici, 28 patients sont accueillis depuis décembre 2022 dont quatre lits rajoutés « pour soulager nos collègues des urgences ». (Photo MdC / Rue89 Strasbourg / cc) Photo : Maud de Carpentier / Rue89 Strasbourg

« Le vrai problème, c’est le recrutement »

S’il y avait un seul souci reconnu par la direction des HUS, ce serait le recrutement. Là-dessus, tout le monde semble s’accorder. « Il nous manque 70 infirmiers, même si nous en avons déjà recruté 140 en cette rentrée, » tente de positiver Céline Dugast.

Les HUS organisent pourtant des portes ouvertes, des stages, des immersions, un recrutement à la sortie des écoles d’infirmières… Mais rien n’y fait. « Il y a une vraie crise de vocation » analyse une praticienne hospitalière en gériatrie, Delphine Gallo-Imperiale. Envie de changer de métier ? Pas de souci, répond Céline Dugast, qui parle volontiers « d’accompagner des trajectoires individualisées » des 11 380 professionnels des HUS, premier employeur de la région Grand Est.

Les Hôpitaux universitaires de Strasbourg sont le premier employeur de la région Grand Est avec plus de 11 000 professionnels. (Photo MdC / Rue89 Strasbourg / cc) Photo : Maud de Carpentier / Rue89 Strasbourg

À l’issue de sa présentation, Céline Dugast conclut en admettant timidement, que non, « on ne peut pas faire de miracle » et qu’elle n’a « pas toutes les réponses mais nous voulons les construire. » Autre message partagé par l’ARS, une reconnaissance envers les soignants : « Je tiens à leur dire merci » a glissé à plusieurs reprises le délégué territorial de l’ARS, et « on sait que c’est difficile », confie Céline Dugast. « On tente de les accompagner au mieux ».


#Hôpitaux universitaires de Strasbourg

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