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À Strasbourg, hommage à Dominique Bernard : « On fait ce qu’on peut mais on est démunis »

Dans la soirée du lundi 15 octobre, plus de 200 personnes ont rendu hommage à leur collègue Dominique Bernard, assassiné dans son lycée à Arras. Dans la foule, les enseignants oscillent entre tristesse et colère, volonté de défendre les valeurs républicaines et de dénoncer le manque de moyens pour simplement faire leur métier.

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Peu après 18h30, place Broglie, lors de l’hommage à Dominique Bernard et à Samuel Paty.

Une foule, l’air à la fois grave et perdu. 200 personnes se sont rassemblées place Broglie dans la soirée du lundi 15 octobre pour rendre hommage à Dominique Bernard. Trois jours plus tôt, l’enseignant a été assassiné dans son lycée à Arras par Mohammed Mogouchkov. Le jeune homme de 20 ans, ancien élève de l’établissement, a été interpellé après avoir blessé au couteau trois autres membres du personnel. Vers 18h30, la co-secrétaire académique du syndicat Snes-FSU Strasbourg prend la parole au mégaphone. Séverine Charret lance un court discours précédant une minute de silence :

« L’école doit rester un lieu permettant à tous les élèves de s’instruire, de se former, de développer leurs propres réflexions, à l’abri des pressions, de s’émanciper donc. Car c’est ainsi qu’ils et elles pourront devenir des citoyens conscients et éclairés, capables de comprendre et d’agir sur le monde qui les entoure. Pour cela, les personnels et les élèves doivent se sentir protégés. L’école doit être dotée de tous les moyens nécessaires pour accomplir ses missions et lutter contre toutes les formes de fanatisme et se prémunir de tout amalgame qui viserait l’ensemble des personnes de confession musulmane. Face à ce drame, l’intersyndicale du Bas-Rhin appelle chacun et chacune à s’abstenir de toute instrumentalisation et à respecter notre deuil. Nous appelons chacun à une minute de silence, en hommage à notre collègue Dominique Bernard et en souvenir de Samuel Paty. »

Au mégaphone, Séverine Charret, co-secrétaire académique du syndicat Snes-fsu.Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On sait que ça peut arriver »

Meurtri par l’assassinat d’un collègue, le corps enseignant oscille entre colère et tristesse. Léo et Alexis, 21 et 22 ans, étudiants en deuxième année de master en enseignement, expriment une motivation sans faille. « Ce drame montre aussi l’importance de notre mission », estime Léo. Alexis, aussi futur professeur de physique-chimie, enchaîne : « Suite à ce drame, c’est important d’expliquer la laïcité, qu’elle n’est pas une interdiction des religions mais le fait de les mettre sur un pied d’égalité pour que personne ne soit jugé en fonction de son appartenance religieuse. »

Léo, à gauche, et Alexis, futurs professeurs de physique-chimie. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Professeure des écoles depuis 34 ans, Laurence Delayen se dit d’abord « combattante », « prête à rester debout, sans tomber dans les extrêmes, face à une guerre menée par des fanatiques qui attaquent la République, l’école et ses valeurs. » Ce matin, l’institutrice de l’école Jacques Reuss n’a pas eu à rassurer ses élèves de maternelle : « Les petits n’en ont pas parlé. S’ils l’avaient fait, il aurait fallu les rassurer, en leur disant qu’ils ne craignent rien à l’école. »

Interrogée sur son sentiment lors de ce retour en classe dramatique, Laurence Delayen dit qu’elle n’a pas peur. Puis au fil de sa réponse se dessine une inquiétude : « Dominique Bernard n’est pas le premier à mourir dans ses fonctions, constate l’enseignante, on sait que ça peut arriver ». L’institutrice finit par se dire « perdue », « abasourdie » et « groggy ».

Pendant la minute de silence. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On fait ce qu’on peut, mais on est démuni »

Enseignante en histoire-géographie au collège Twinger, Clotilde a apprécié le moment d’échanges entre collègues entre 8h et 9h30, une consigne du ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal : « C’était rassurant de se retrouver après avoir passé un week-end à cogiter pour mettre les mots sur des sentiments de colère et de tristesse et une forme de découragement. » Puis il a fallu reprendre les cours. Professeure principale d’une classe de 4e, Clotilde a d’abord abordé les faits liés à l’attentat avant de demander aux élèves d’exprimer leurs sentiments à l’écrit. « Ce sont des témoignages de tristesse, de peine, et beaucoup d’incompréhension. Il faudra revenir dessus, à froid. Et en une heure, je n’ai pas pu recueillir les paroles de tous les élèves. »

« On fait ce qu’on peut, mais on est démunis », continue l’enseignante en établissement situé en zone REP. Elle décrit les problématiques quotidiennes d’un collège sous-dimensionné, où deux familles d’élèves dorment dehors. Puis Clotilde déplore « des classes avec plus d’élèves, des emplois du temps toujours plus chargés et aucun budget pour une sortie scolaire ».Elle le sait pour avoir vécu un burn-out en septembre 2020 : « Quand on a envie de bien faire, on le fait au détriment de sa santé. »

Clotilde, enseignante en histoire-géo au collège Twinger. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Il est 19h30. La place Broglie est quasi-vide. Avant de rejoindre un petit groupe de collègues, Clotilde exprime une attente portée par plusieurs enseignants interviewés : « Qu’il y ait enfin une vraie écoute de nos revendications et que l’on nous donne les moyens de faire notre métier. »


#Éducation nationale

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