High-Rise est donc un récit de science-fiction à rebours, puisque situé dans les années 70. Ses personnages logent dans une gigantesque tour, sorte de parabole d’une société harmonieuse bien que scindée. Les pauvres vivent près du sol, les riches s’éclatent dans les nuages. Et très vite, nantis et prolos vont bien sûr se confondre dans le chaos.
Une conjonction de talents
Le film est adapté d’un grand roman écrit par J.G Ballard en 1975, publié en France sous le titre I.G.H et lié au triptyque de La trilogie de béton, au même titre que le fameux Crash (sulfureusement adapté au cinéma dans les années 90).
Le projet était depuis longtemps lié au nom de Jeremy Thomas, producteur à l’ancienne, caractériel et jusqu’au-boutiste, engagé plusieurs décennies aux côtés de grands réalisateurs comme David Cronenberg, Terry Gilliam ou Bernardo Bertolucci, qu’il a accompagnés dans leurs plus grands succès comme dans leurs heures les plus sombres.
Et Thomas offre à présent les clés du paradis à Wheatley, jeune cinéaste britannique, petite bête de festival totalement inconnue du grand public. La carrière de Ben Wheatley semble ainsi suivre un chemin idéal. Il débute par des œuvres modestes, très personnelles, fait montre de son talent dans l’horreur, dans l’humour, dans l’expérimentation. Et se voit enfin confier l’adaptation d’une grande œuvre littéraire.
L’affirmation d’un cinéaste
Force est de constater qu’il compose admirablement avec les éléments qui lui sont offerts. Le casting fastueux, du nouveau prodige Tom Hiddleston au vieux briscard Jeremy Irons, est brillamment dirigé. L’univers dans lequel évoluent les personnages est dépeint avec une belle précision.
Le réalisateur s’écarte très peu de sa tour de béton. Il rechigne à filmer ce qui se trouve au-delà de l’environnement immédiat des personnages. Il retranscrit, sans la moindre fausse note, le ton et le parfum des années 70. Les robes à fleurs, les clopes et le formica définissent la psyché des personnages, suggèrent un libertarisme qui sera rapidement broyé dans cette reproduction de lutte des classes.
Mais ce qui parait remarquable, c’est que Wheatley ne profite pas de l’ampleur du projet pour se réinventer, pour faire table rase de ses vieilles obsessions. High-Rise s’inscrit précisément dans la continuité de ses œuvres précédentes.
Le matériau est signé Ballard, est porté par le producteur Jeremy Thomas, mais les personnages appartiennent au cinéaste britannique. Comme la famille de son petit film culte Kill List, comme les promeneurs en caravane de la farce Touristes, ils semblent porter un masque, évoluer à couvert, planqués sous le vernis des institutions et des carcans imposés par la société. Il suffit d’une étincelle pour faire naitre la bestialité, pour révéler des monstres dépouillés d’empathie.
Ben Wheatley, réalisateur indépendant parmi les indépendants, passe rapidement d’un projet à l’autre tout en creusant un même sillon. Et il prend une place de choix dans l’histoire du cinéma : celle de nouveau maître d’un jouissif chaos.
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