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Hervé Bride : « Au Racing, on est passé à côté de tout »

Ceux qui remplissent aujourd’hui les kop de la Meinau ont souvent vibré avec l’oreille accolée à un poste de radio. Et à l’autre bout, il y avait Hervé Bride. C’était avant l’omniprésence de la télévision. Rencontre avec ce journaliste d’un autre temps, toujours amoureux du Racing.

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Hervé Bride et le Racing : 40 ans d’amour (document remis)

Pour tout footeux ayant connu les années 90, Hervé Bride est un pilier de ces moments de magie qu’étaient les multiplex radiophoniques. Il n’y avait pas encore d’offre foot télévisée pléthorique et le samedi soir concentrait la très grande majorité des matchs de D1 et de D2. Pour tout suivre, il n’y avait rien de mieux que la radio.

Parmi les voix mythiques de cette époque, Hervé Bride tient une place à part pour les supporters du Racing, puisqu’il a couvert de très nombreux matchs de notre club. Journaliste radio au profil atypique (il a démarré comme prof de sciences éco), Hervé Bride c’est 40 ans de radio à lui tout seul.

Nous avons eu la chance de pouvoir discuter longtemps avec lui. C’est l’occasion de parcourir une vie qui tourne essentiellement autour du sport en général, et du football en particulier, avec une tendresse particulière pour notre Racing. Merci à Hervé Bride pour sa disponibilité et le discours sans langue de bois !

Fièvre Bleue : Vous êtes né à Grenoble en 1947. Quand êtes vous arrivé en Alsace ?

Hervé Bride : C’était en 1951. J’étais tout gamin, j’avais 4 ans. J’ai fait mes études à Colmar jusqu’au bac et je suis ensuite parti à la fac à Strasbourg. J’ai été professeur de sciences et techniques économiques, avant d’abandonner le métier d’enseignant pour créer ma propre radio locale, à Colmar en 1983 : Radio 100. Je n’ai pas suivi d’école de journalisme et je suis totalement autodidacte !

Radio 100 était votre premier contact avec la radio ?

Entre 1974 et 1976, j’avais déjà eu une petite expérience sur Europe 1. En 1986, j’ai été repéré par Didier Beaune de RMC et j’ai saisi l’opportunité d’une expérience nationale : à Paris, puis à Monaco. Après, je suis parti comme chef des sports à Sud Radio, à Toulouse. Finalement en 1991, Eugène Saccomano – mon père spirituel – m’a récupéré pour Europe 1. Et depuis j’y suis toujours !

« La Meinau, c’est chez moi »

À l’époque de Radio 100, vous commentiez déjà les matchs du Racing ?

Oui. Il faut savoir qu’une radio locale qui suivait comme ça une équipe pro, il n’y en avait pas beaucoup. On avait des partenaires, notamment le journal L’Alsace, et du coup le Racing m’emmenait dans ses bagages. Sur Colmar on était très écoutés : parfois 30 à 40 000 auditeurs, ce qui était énorme à l’époque. Les multiplex n’existaient pas encore, ils ne sont arrivés qu’à la fin des années 80.

Depuis quand vous intéressez-vous au Racing ?

Je suis le Racing depuis les années 70. J’ai fait mon premier match pour le journal L’Alsace, ça devait être en 1974. À partir de là j’ai suivi le Racing et j’ai notamment vécu l’épopée du Titre. Puis à Radio 100 entre 1983 et 1986, je commentais les matches en intégralité : trois saisons pleines ! Ensuite, j’ai couvert le Racing sur Europe 1 de 1991 aux années 2000. J’ai calculé : j’ai dû commenter 500 ou 600 matches du Racing depuis 1983 ! Le stade de la Meinau, c’est chez moi.

Avez-vous noué des liens au Racing au fil des années ? Avec les présidents par exemple ?

Avec les présidents (pas tous), de très bons liens en général. J’ai de très bons souvenirs de Jacky Kientz, entre 90 et 92. Je pense que ça a été le président le plus crédible qu’on ait eu. C’est dommage qu’il ait eu ses problèmes judiciaires et qu’il ait laissé sa place contraint et forcé. Je crois que le Racing y a beaucoup perdu le jour où Jacky a quitté le club sur cette mésaventure. Je peux citer aussi Roland Weller, un grand président. Il y a mis tout son cœur et disait : « J’y mets mon pantalon et si je dois y mettre mon caleçon et la petite culotte de ma femme je le ferai aussi ; parce que j’aime le Racing !»

Et les entraîneurs ?

J’aurais pu avoir de bonnes relations avec Gilbert Gress. J’ai essayé de m’approcher de lui, j’avais passé une journée avec lui à Neuchâtel quand il était au Xamax, il avait été très gentil, mais quand on s’est revu quelques temps après il m’a tout juste dit bonjour. Je ne sais pas pourquoi parce que mon papier lui avait plu m’avait-il dit. Mais bon, c’est Gilbert Gress, un personnage compliqué, même s’il a sans doute été un très bon entraîneur. Sinon, il y a Jacky Duguépéroux, avec qui ce n’est pas facile non plus, mais avec lequel j’ai toujours eu de très bonnes relations, même si on s’est engueulé quelques fois.

Le Racing, c’est le merdier en permanence

Hormis quelques saisons d’exception, le RCS a toujours eu des résultats décevants. À votre avis, pourquoi ça ne marche pas au Racing ?

On est passé à côté de tout au Racing. Et encore aujourd’hui il passe à côté de tout. Il faut se poser des questions. Dans les années 2000, un tournant a été raté : c’est lorsqu’au dernier moment on soufflé la présidence à Alain Afflelou. S’il était venu, il aurait ramené avec lui tout un réseau. Et puis l’homme avait beaucoup de charisme, de personnalité et aurait mis le Racing dans le grand bain. Mais quand M. Ginestet, funeste nom pour moi au Racing, est arrivé, il a plombé complètement le truc et a monté une cabale épouvantable contre Afflelou. Je pense qu’à ce moment-là on a raté quelque chose d’important. Mais on a manqué un tournant crucial aussi lorsqu’on a viré Gress, sous la présidence d’André Bord. On a raté plein de trucs à Strasbourg.

Que vous inspire la situation actuelle du club ?

Comment expliquer qu’un club comme Strasbourg, avec un tel public et le plus gros budget du National, ne soit pas foutu de mettre des raclées à tout le monde et de caracoler en tête pour remonter en Ligue 2 ? Ce n’est pas possible ! Mon copain Marco me fait de la peine parce qu’il a les moyens de bien faire. Toutefois, on peut se poser des questions… Pourquoi a-t-il échoué à Monaco ? Pourquoi échoue-t-il au Racing ? C’est un garçon adorable et il est intelligent, mais il lui manque quelque chose.

Mais au-delà de Marc Keller, le problème ne provient-il pas plutôt des gens qui l’entourent ? On a l’impression que ce sont toujours les mêmes personnes qui gravitent autour et au sein du club…

Le problème du Racing, c’est son environnement. Personnellement, je mettrais bien un grand coup de pied dans cette fourmilière. À Strasbourg, tout le monde veut toujours être calife à la place du calife. Du coup, c’est le merdier au club en permanence ! Quant au microcosme… Ça se retrouve au Pont des Vosges autour d’une bonne table et de quelques bons verres de pinot gris ou bien au bar du Sofitel. Je sais comment ça se passe, à l’époque je les voyais à 5-6 se réunir pour monter je ne sais quelle petite cabale. Des putschs, il y en a eu au Racing !

Avez-vous enquêté à ce sujet au-delà de votre rôle de commentateur ?

Pendant les années 90, j’étais responsable de la rédaction de Sport Alsace Foot et je pénétrais régulièrement les coulisses. Je ne disais pas tout parce qu’autrement j’aurais fait exploser la boutique. J’aurais peut-être dû d’ailleurs. La grande histoire du Racing c’est une série de petites histoires qui ont plombé le club dans les grandes largeurs. Que Marc Keller aille se chercher un grand repreneur, il en connaît du monde Marco !

S’il a un carnet d’adresses, pourquoi Marc Keller ne s’en sert-il pas ?

Je commente Guingamp depuis 2011, je me suis éloigné et donc je ne sais pas exactement. J’en ai parlé un peu avec un grand ami de Marc, Pierre Ménès, et Pierrot me disait : « J’ai envie de dire à Marco ce que je pense de lui car il rate tout ce qu’il entreprend, même si c’est un pote merveilleux ». Je dirais la même chose. Marc, je l’ai vu en culottes courtes arriver aux SR Colmar, je l’ai vu grandir et je ne peux qu’être désolé que ça ne marche pas.

« Je mourrai sans avoir revu ce que le Racing devrait être »

On vous sent vraiment attaché au Racing. Jusqu’au point de vous en revendiquer supporter ?

Bien-sûr. J’ai grandi à Colmar, j’ai été dirigeant aux SRC, mais si je dois choisir entre le SRC et le Racing, c’est mon Racing. J’ai grandi avec ce club, j’ai vécu dans ce club, commenté ce club, aimé ce club. J’aimerais tellement pouvoir l’aimer encore mais je crois que je mourrai sans avoir revu ce qu’il devrait être. Rien que l’époque Sauzée, Mostovoï, Leboeuf ; c’était quelque chose. Ça avait de la gueule !

À cette époque justement, dans les années 90, avez-vous connu Eric Sold ? Une grande voix du Racing…

Il était dans la cabine à côté de moi au stade, presque épaule contre épaule. On était très copains. Je l’ai bien connu, j’ai beaucoup regretté son départ rapide et inattendu en 2000. C’était un personnage, pas journaliste en plus.

En effet, il était prof de sciences naturelles…

Oui, c’était dur de le faire rentrer au stade parce qu’il n’avait pas la carte de presse, bien que légitime car il présentait Sport Show sur France 3. C’est un personnage dont le nom restera accolé à celui du Racing de façon indélébile. Ce n’était pas mon style de commentateur, mais il connaissait merveilleusement bien le Racing et était aimé du public, des auditeurs.

Avez-vous un souvenir particulier à nous raconter sur le Racing ?

Un soir, au cours des années 90, le Racing rencontre Bordeaux – il me semble – à la Meinau. Mostovoï est titulaire, mais erre comme une âme en peine toute la première mi-temps en marchant. Avant le match, je l’avais vu discuter longuement avec Roland Weller sur le bord de la pelouse. La discussion semblait animée. À la mi-temps, je descends aux toilettes et là, dans le couloir près des vestiaires, je surprends à nouveau Mostovoï et Weller en train de discuter.

Mostovoï disait à Weller (il le tutoyait, il était russe et ne parlait pas très bien français) : « Président, tu me donnes telle somme, j’ai besoin de cet argent, si tu me le donnes, on gagne le match; je t’ai demandé avant le match, tu n’as pas voulu, t’as vu la première mi-temps… ». Malheureusement, je n’entends pas la fin du dialogue et du coup je remonte en tribune. Le match recommence et je dis à l’antenne : « j’ai l’impression que Mostovoï a subitement retrouvé l’envie de jouer, il a dû se passer quelque chose… » Résultat : il marque deux buts, en donne un et le Racing gagne, avant de finir dans les bras du président.

En fait, Mostovoï avait toujours besoin d’argent car il était racketté et poursuivi par la mafia russe. Un jour, j’ai appris que c’était parce qu’il avait exfiltré une fille de la mafia. En tous cas sur le terrain, Mostovoï était génial, un des tous meilleurs qu’on ait eu en milieu de terrain. Quel joueur ! Par ailleurs, je voudrais aussi volontiers citer Ivica Osim, resté dans ma mémoire comme un énorme joueur.

« Pour la nourriture, le pire endroit, c’est Metz »

Au stade, comment étiez-vous accueilli en tant que journaliste ?

Ça dépend des stades. J’ai de très mauvais souvenirs de l’époque Claude Bez à Bordeaux où on était très mal reçus, il m’a même interdit l’entrée une fois et je n’ai pu émettre qu’à la mi-temps parce qu’il m’avait fermé la cabine à double tour. Sans raison apparente, je n’ai jamais su pourquoi, mais Bez était un personnage complètement imbuvable.

Par contre, sur la qualité de ce qu’on mange, le pire endroit c’est Metz. Un bout de pain et un bout de sauciflard, une canette de bière ou une bouteille de flotte : franchement, c’était nul. Après c’était à l’époque, ça a peut-être changé depuis. Amiens c’était pareil.

Là où on mangeait le mieux c’était Monaco, le buffet était luxueux. Après l’accueil au stade ce n’était pas particulièrement chaleureux non plus. Personnellement j’aimais bien aller à Marseille car il y a une ambiance extraordinaire dans ce stade (le nouveau je ne l’ai pas encore vu).

Actuellement je dirais que Guingamp a le meilleur buffet de France, mais je ne vais pas m’en attribuer le mérite parce que c’est moi qui gère avec le club en tant que responsable presse. On a trouvé un bon traiteur et les collègues se réjouissent déjà de manger avant de voir le match !

Et la Meinau ?

C’était bien à la Meinau ! Y avait un bon buffet.

Propos recueillis par JPdarky et Paolo

 


Le football est ma religion, le Racing ma confession. Je ne suis pas baptisé, si ce n’est à la sueur de mes premières émotions de supporter. Déjà 20 ans que ça dure et ce n’est pas prêt de s’arrêter…

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