La salle de sport de la Maison de l’enfance de Hautepierre était pleine le 12 mars au soir. La ville avait déjà fait part en 2017 de son intention de détruire des immeubles, sans donner d’adresses précises. Cela avait suscité l’interrogation d’habitants des mailles Éléonore et Brigitte. Beaucoup attendaient ce soir des réponses. Elles sont venues du président du bailleur social Cus Habitat Philippe Bies, du vice-président de l’Eurométropole en charge de la rénovation urbaine Mathieu Cahn et l’adjoint de quartier Serge Oehler (tous trois sont membres du PS), ainsi que de la directrice du projet Aurore Belouet et de la sous-préfète Nadia Idiri. Ils le défendront le 28 mars pour l’Eurométropole devant l’Agence nationale de renouvellement urbain (Anru).
14 immeubles détruits d’ici 2029…
Ce nouveau plan de renouvellement urbain (les amateurs d’acronymes retiendront ANRU 2 ou NPNRU) ambitionne d’amener de la mixité à Hautepierre. Le but : remplacer des logements sociaux par du locatif privé et des logements accessibles à la propriété. Mathieu Cahn espère rendre possible des « parcours de logement ». L’idée est de permettre aux habitants en mesure de sortir des logements sociaux de rester à Hautepierre.
Doivent s’ajouter des bureaux, des commerces, des équipements sportifs, une maison de santé, des logements sociaux adaptés à un public senior et un « hospitel », une solution d’hébergement privée réservée aux patients de l’hôpital de Hautepierre en chirurgie ambulatoire (comme au centre-ville) près de l’entrée autoroutière sud-est reconfigurée. Sans oublier un parcours piéton qui traversera les mailles Brigitte et Éléonore, ponctué d’espaces verts, d’aires de jeux et d’un parcours sportif. De quoi faire de Hautepierre, selon l’expression consacrée, « un quartier comme un autre« .
Le plan prévoit de détruire 304 logements sociaux et d’en construire 165 (en plus du parc privé qui va s’agrandir). 663 seront réhabilités. Les démolitions s’étaleront sur 10 ans, en incluant les phases de relogement pour les habitants concernés. Les bâtiments suivants seront proposés à la démolition par l’Eurométropole : 11, 18, 49 Boulevard La Fontaine (2019-2023), 24 et 25 Place Erasme (2021-2025), 36 et 39 boulevard Victor Hugo (2024-2029), et les 38, 39, 40, 41, 42, 43, 46 Boulevard de La Fontaine (2023-2029).
… Peut-être plus ?
Entamée en 2015, la concertation avec les habitants a pris la forme de réunions, de porte-à-porte, de déambulations collectives dans le quartier… Las, des habitantes du quartier sont passées entre les mailles du filet. La rumeur gagne la salle au fur et à mesure que l’on détaille les immeubles voués à la destruction. Certaines s’indignent de ne l’apprendre que ce soir. C’est le moment pour Philippe Bies de temporiser :
« Évidemment que personne n’est d’accord pour voir son immeuble détruit, d’autant plus qu’il y a un lien affectif dans le quartier. Il y aura un accompagnement du bailleur pour trouver une nouvelle solution de logement, à Hautepierre ou ailleurs. Et la possibilité de refuser des propositions. »
Serge Oehler pour sa part, assure que l’Eurométropole assure privilégier les réhabilitations, mais rappelle que le projet n’est pas encore arrêté, et qu’il doit être validé par l’Anru :
« On essaie de limiter les démolitions au maximum. Mais peut-être que l’ANRU souhaitera que nous démolissions davantage. »
Amiante : sauver les murs
Démolition ou pas, le NPNRU inclura de nouveau des opérations de désamiantage. Dans nos colonnes, Geneviève Manka de la Confédération Nationale du Logement 67 (CNL) s’était émue de la pose de polystyrène thermique par-dessus des plaques d’amiante, notamment dans la maille Karine. Réponse de Philippe Bies :
« C’est un sujet anxiogène, donc c’est important de donner les bonnes infos. En l’occurrence c’est faux. Aucune tuile d’amiante n’est restée en façade sur la maille Karine. Tout sera désamianté sur la maille Éléonore. Et si on trouve de l’amiante, on adaptera les travaux. »
En façade donc, plus rien. Mais dans les faux plafonds, les murs, les toits ? Et comment « adapte-t-on les travaux » ?
Réponses de Jean-Bernard Dambier, directeur général de CUS Habitat et de Julien Mattei, directeur du Pôle Patrimoine et Développement. Les diagnostics amiantes et le désamiantage font l’objet d’un suivi scrupuleux des normes en vigueur. Mais reste-t-il de l’amiante, en dehors de façades ?
« On parle d’un matériau dont la poussière est très volatile. Donc quand il y a aussi de l’amiante à l’intérieur, cela peut empêcher de réaliser tous les travaux. »
Il est important de donner les bonnes informations.
Des parkings uniquement pour les habitants ?
Avec 0.8 place de parking par logement, les emplacements sont aujourd’hui rares dans les maille Éléonore et Brigitte. Surtout quand de nombreux foyers sont contraints de garder deux véhicules pour aller travailler. Certaines places sont bloquées par des voitures « ventouses » qui ne se déplacent jamais. S’ajoute au tableau le public de l’hôpital, parfois tenté d’éviter le parking payant d’Indigo. Dans ces conditions, pas d’autre choix que le stationnement illégal, estime cette habitante de la place Pétrarque.
« On avait un parking près de la sortie de l’autoroute, maintenant il y a un bâtiment à la place. Je suis obligée de me garer sur la pelouse. Ce qui est bien sûr illégal, et pas concevable citoyennement (sic). »
Même problème pour une autre riveraine qui va régulièrement récupérer des amendes sur son pare-brise. À en croire une voisine de la maille Karine, les quelques places de parking payantes ne trouvent pas vraiment grâce aux yeux résidents :
« J’habite la partie rénovée, et je dois dire que ce n’est pas si mal [grand sourire des élus]. Mais il y 11 places à 12 euros par mois de parking, personne ne s’en sert car personne ne veut payer pour se garer. »
Serge Oehler est venu avec une nouvelle. Les parkings à l’intérieur des mailles devraient à l’avenir devenir réservés aux habitants au moyen de barrières. En revanche, l’augmentation des places n’est pas à l’ordre du jour. L’adjoint de quartier en profite pour faire la promotion des parkings-relais tram de la CTS, que les abonnés peuvent utiliser sans payer de majoration la nuit.
« Si je puis me permettre : avec un abonnement CTS, vous avez accès au parking des Ducs d’Alsace, qui est en plus protégé. »
Financement : où l’on reparle des APL
Pour CUS Habitat, les 100 millions d’euros investis à Hautepierre (sur 157,3 au total) représente un quart de son budget total pour la rénovation des huit quartiers de l’Eurométropole concernés par cette deuxième vague. Le projet prévoit également des clauses d’insertion dans les cahiers des charges soumis aux prestataires, afin d’offrir emploi et formation aux habitants de Hautepierre.
Pour financer la rénovation, l’Eurométropole a prévu de solliciter l’Anru à hauteur de 33,7 millions d’euros. Pour autant, Mathieu Cahn déplore une frilosité de l’État, qui a mené selon lui à un retardement du projet :
« Face aux problèmes de financement, il y a deux solutions. D’une part étaler les travaux, et d’autre part faire des choix politiques. Nous avons fait le choix de réclamer moins de financement sur les équipements publics comme les installations sportives, mais de nous concentrer davantage sur la réhabilitation des logements. »
Les locataires qui dénoncent depuis de nombreuses années les problèmes d’insalubrité, et la CNL qui déplore des malfaçons qu’il a constatées aux mailles Karine, Catherine et Jacqueline, s’en féliciteront.
En président de CUS Habitat, mais aussi candidat à la mairie et opposant au gouvernement, Philippe Bies en profite pour rappeler déplorer les ponctions de l’État sur le budget du bailleur. D’une part, en raison de la baisse des APL, et d’autre part en raison de la contribution demandée pour doubler le budget de l’Anru. Financé jusque-là par le « 1% logement » versé par les entreprises, le budget pour l’Anru 2 devrait passer de 5 à 10 milliards en France, un souhait d’Emmanuel Macron. Ainsi, 2 milliards devaient être rajoutés par les entreprises, 2 autres par les bailleurs (comme CUS Habitat), et 1 milliard par l’État. Au niveau de CUS Habitat, cela a pesé pour 10 millions d’euros en 2018. Son président Philippe Bies, enfonce le clou :
« Dommage que Madame la sous-préfète soit partie. Mais quand elle annonçait que le budget de l’Anru est passé de 5 à 10 milliard, l’État a annoncé qu’il n’ajouterait que 1 milliard. Et ce milliard, on l’attend toujours. »
Du milliard promis, le gouvernement s’est pour l’instant engagé piour 200 millions (15 millions en 2018 et 185 millions en 2019). Si l’enveloppe promise n’est pas complétée l’année prochaine, nul doute que les élus PS se feront un plaisir de le rappeler aux élections municipales.
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