La démocratie locale, poussive à Strasbourg ? Le centre socio-culturel du Galet a pas fait salle comble mercredi 20 septembre avec la présentation de l’ébauche du plan de rénovation urbaine, il a tout de même fallu ajouter une rangée de chaises pour installer tous les participants. Certains habitants avaient beaucoup à dire, quitte à dépasser un peu le cadre de la réunion.
Il devait être question de la rénovation de l’habitat pour les mailles Éléonore et Brigitte, mais dès que la parole a été donnée au public, Béatrice a annoncé pas moins de 9 questions. Ou plutôt un long coup de gueule : les loyers, les charges, le chômage chez les jeunes, les bas revenus chez les personnes âgées,… L’adjoint au maire pour Hautepierre, Serge Oehler, a répondu un brin agacé par ces questions :
« Vous avez posé 9 questions, mais le renouvellement urbain n’a pas pour vocation de répondre à toutes les problématiques que vous avez évoquées… On n’est pas là pour parler des jeunes ou des personnes âgées. On est là pour parler de comment on peut vivre dans nos quartiers. »
« Dalkia, rends l’argent ! »
Quiconque est rodé aux réunions publiques sait que les thématiques initiales servent souvent de tremplin à des revendications hors sujet. Mais à partir de combien d’interventions hors-cadre considère-t-on que c’est le thème de la réunion qui n’était pas assez large ? Qui parle d’urbanisme parle d’habitation. Et sur les habitations à loyers modérés, Marcel Wolff, représentant de la CGT au conseil d’administration de CUS Habitat qui gère une bonne partie des logements sociaux de Hautepierre, est venu avec une question très précise, imprimée sur des tracts qu’il a distribués à l’entrée :
« Pourquoi les services de l’Eurométropole n’ont-ils pas réagi à la surfacturation de l’eau chaude évidente ? Où est parti tout cet argent injustement ponctionné sur le dos des locataires de CUS Habitat ? Cumulé en 30 ans, cela représente plusieurs millions d’euros. Dalkia doit rembourser. »
Explications : en 2015, la CGT et la confédération nationale du logement (CNL) relèvent un prix anormalement élevé de l’eau chaude dans les logements sociaux de Hautepierre : jusque 13,14€ le mètre cube, soit 240 euros de facturation supplémentaire annuelle par logement selon leurs estimations. L’approvisionnement en eau chaude est à ce moment assurée par une délégation de service public à l’entreprise Dalkia.
En 2016, l’Eurométropole a changé d’opérateur pour le réseau de chaleur de Hautepierre, retirant à Dalkia l’exclusivité de la délégation de ce service public. En 10 ans, la CGT et la CNL estiment le préjudice pour l’ensemble des bénéficiaires de logements sociaux du quartier à presque 7 millions d’euros. Désormais, les associations demandent des comptes. Et surtout, un remboursement.
« On répercute les factures de Dalkia »
Pas complètement hors-sujet donc, puisque le plan de rénovation prévoit des travaux d’isolement dans les logements sociaux, qui devraient faire baisser la facture de chauffage. Et la question avait été anticipée, le directeur de la CUS Habitat, Jean-Bernard Dambier, était présent pour répondre :
« La collectivité fait des efforts sur les charges locatives. Sur Hautepierre, il y aura une rénovation thermique. C’est ce qui permettra aux habitants de mieux maîtriser les charges locatives. Sur l’eau chaude, on a eu plusieurs fois l’occasion de vous répondre. Vous avez pu vérifier les factures acquittées par CUS Habitat auprès de Dalkia. On répercute ce qui a pu être facturé par Dalkia. »
« Vous confondez image et attractivité » : le retour de Salah Koussa
Le prix des charges : l’angle d’attaque parfait pour un homme bien connu dans le quartier, Salah Koussa s’était présenté sans étiquette aux élections législatives. Il avait obtenu 1,52% des voix, mais avait réalisé le deuxième meilleur score dans presque tous les bureaux de vote de Hautepierre. Tout le monde le connait, mais il se présente comme un simple habitant du quartier quand il s’empare du micro pour se lancer dans le débat :
« Quand on parle d’attractivité quand on veut que des gens de l’extérieur viennent se promener à Hautepierre, ça je crois pas. Dire à des personnes du centre-ville, venez vous balader à Hautepierre parce qu’on a des supers parcs, je pense que même vous vous y croyez pas. Vous confondez image et attractivité. »
Il en profite pour relancer sur les risques d’augmentation du coût du logement :
« Il y a des questions qui ont été posées concernant les charges, les gens se les posent car suite à l’ANRU 1 [premier plan de rénovation urbain à Hautepierre, entre 2009 et 2013, ndlr], les charges ont augmenté. Et avant de commencer la phase ANRU 2, ils aimeraient avoir des réponses : est-ce que les charges et les loyers vont augmenter ou pas ? »
« On ne va pas faire un parc de l’Orangerie à Hautepierre »
Il enfonce le clou en ajoutant que malgré l’image de « quartier de jeunes » qui colle à Hautepierre, aucun desdits jeunes n’est présent dans la salle. « C’est quasiment du délit de faciès », le taquine l’adjoint au maire, Mathieu Cahn. Mais Salah Koussa, l’enfant du quartier, a ses supporters dans la salle, quelques-uns l’applaudissent bruyamment (dont Béatrice, la citoyenne aux 9 questions), avant que l’adjoint au maire chargé du renouvellement urbain, Mathieu Cahn, ne lance la contre-attaque :
« On ne confond pas image et attractivité. Ou alors on pourrait penser que l’on confond meeting politique et réunion publique. Moi j’en ai ras le bol d’entendre qu’il y a des quartiers dans lesquels on ne peut pas rentrer. Bien sûr qu’on ne va pas faire un parc de l’orangerie à Hautepierre, c’est pas l’enjeu. L’enjeu c’est de dire aux Strasbourgeois qui y viendraient que c’est un quartier comme un autre. Sur les jeunes si vous avez une méthode, je suis preneur. Les réunions publiques, ce n’est pas un format qui attire les jeunes, on le sait. Mais on peut faire d’autres choses, passer par les associations, rencontrer les jeunes sur certaines thématiques comme je l’avais fait avec la passerelle. »
« Vous vous rendez compte du nombre d’aires de jeu »
Et la directrice de territoire Aurore Belouet de renchérir :
« Peut-être que je suis utopiste, peut-être que je confonds image et attractivité, mais c’est la deuxième année qu’on organise les journées européennes du patrimoine et les journées de l’architecture à Hautepierre. Et vous serez surpris, il y a énormément de gens qui viennent visiter Hautepierre. On a des personnes de Koenigshoffen qui disent, « mais vous vous rendez compte de la chance que vous avez d’avoir autant d’aires de jeux pour enfants ? À Koenigshoffen on en manque. » Mais les gens ne le savent pas, parce qu’ils ne passent que dans les rues et ne voient que des façades d’immeubles. Plus on ouvrira les mailles, plus on travaillera sur l’image. »
Sur le prix des loyers et des charges, c’est Julien Mattéi, de CUS Habitat, qui répond :
« Le but c’est bien de réhabiliter les immeubles qui n’auront pas été démoli. Il y aura des travaux non seulement sur le confort, mais aussi sur l’isolation, ce qui doit permettre de baisser les charges. On doit trouver l’équilibre entre l’augmentation des loyers qui est justifiée par les investissements, et les économies de charge. »
Une réponse qui ne satisfait pas vraiment Salah Koussa, ni ses supporters, à la fin de la réunion. Sur les jeunes, il prône le dialogue au plus simple : « simplement les rencontrer, leur demander ce qu’ils pensent de leur quartier, ce qu’ils voudraient y voir, y faire dans 5 ans, s’ils veulent y rester, partir… » Il a promis d’être présent aux prochaines balades de quartiers organisées par la Ville. Sera-t-il encore candidat aux prochaines élections ? Et les charges locatives seront-elles un enjeu de campagne ? Réponse au prochain débat.
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