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Après les émeutes, des habitants médusés : « On comprend la colère mais pas les écoles incendiées »

Dans les quartiers Hautepierre et Cronenbourg, des établissements scolaires ont été attaqués dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 juin. Au lendemain de ces événements, des riverains déplorent être les premières victimes des incendies et autres dégradations.

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Il est une heure du matin, vendredi 30 juin. À la sortie de l’hôpital de Hautepierre, trois jeunes observent l’avenue de Dante, à distance des échauffourées. Un peu plus tôt, une vingtaine de personnes ont tiré plusieurs mortiers au milieu de la rue. Une bande tout de noir vêtue a soudainement trainé des barrières de chantier jusqu’au milieu de la voie. Immobilisées, les voitures freinent l’arrivée des forces de l’ordre. Quatre camionnettes de CRS finissent par accéder à la station par les voies de tram. Le calme revient. Pour un temps seulement : « C’est que le début, prévoit l’un des gamins, hier, ça a fini vers 5 heures du matin. »

Les collèges de Hautepierre et Cronenbourg attaqués

Face à ces scènes d’émeutes, la petite bande est partagée. Un autre jeune collégien s’exprime : « Ils ont tué un mineur. On comprend la colère. Mais ça sert à quoi de s’attaquer aux voitures des familles qui vivent ici ? » Son ami renchérit en sortant son téléphone. Il ouvre Snapchat pour montrer une vidéo tournée un peu plus tôt devant le collège Erasme. Des cocktails molotov ont été lancés sur l’établissement. Le jeune à vélo commente : « Il y a eu des appels sur les réseaux. Les plus fous ont donné rendez-vous près de la médiathèque. Il y a eu des incendies à Sophie Germain aussi (et à l’école Marguerite Perey, dans le quartier Cronenbourg, NDLR). »

Le lendemain matin, les habitants d’Hautepierre semblent hagards en attendant le tram dans des stations détruites. « Ça fait peur », lâche Catherine (le prénom a été modifié) avant de prendre la ligne A. Un peu plus loin, Olga (le prénom a été modifié) témoigne de son incompréhension : « La justice, ce n’est pas comme ça qu’ils vont la trouver. C’est nous les premières victimes de ce bordel. » À quelques pas, une entrée du centre commercial de Hautepierre est condamnée. Une passante s’emporte en voyant les traces d’incendie et les portes automatiques défoncées : « Ils nous font chier avec leurs conneries… » Plusieurs personnes s’arrêtent pour prendre une photo.

Entrée condamnée du centre commercial de Hautepierre. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Ce n’est pas comme ça qu’on rend justice au petit »

Dans le quartier voisin de Cronenbourg, Mustapha a la gorge serrée en ce lendemain d’émeutes. On lui avait dit de déplacer sa voiture dans la nuit. Il s’était exécuté. En vain. Il est 9h. Une boisson énergisante à la main, l’habitant semble en proie à une immense tristesse face à sa Renault Espace calcinée : « Pourquoi faire tout ça ? Tout casser ne fera pas revenir le jeune qui est mort… »

Six véhicules incendiées dans le quartier Cronenbourg dans la nuit du 29 au 30 juin. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

À quelques pas, Sibel et Sanaa passent à côté d’une dizaine de véhicules incendiés après avoir cherché leurs enfants à l’école et au collège. Sibel exprime sa colère :

« C’est débile de s’attaquer aux écoles. C’est pas comme ça qu’on rend justice au petit. Ça nous pénalise. C’est injuste pour nous. Il y a des familles qui ont travaillé plusieurs années pour avoir des voitures qui ont été brûlées cette nuit. Ça touche des vies. »

À quelques pas, Sibel et Sanaa passent à côté d’une dizaine de véhicules incendiés après avoir cherché leurs enfants à l’école et au collège. Photo : TV / Rue89 Strasbourg / cc

La réaction est similaire du côté de Sanaa, une autre habitante du quartier :

« Les jeunes doivent comprendre que c’est pas comme ça qu’on va régler le problème. Ce policier doit être puni, c’est très important, il a ôté une vie. Il faut aussi revoir la formation des forces de l’ordre, il y a quelque chose qui ne va pas. On peut faire des manifestations, avoir des revendications. »

« Quand je sors, j’ai peur de me faire contrôler »

Un peu plus loin, une quinzaine de personnes font la queue devant le local des Restos du coeur. Un habitant de l’Elsau espère un retour au calme rapide :

« Il n’y a pas eu trop d’emmerdements dans notre quartier. Bien sûr, suite à la mort de cet adolescent, on compatit avec la famille et on comprend la colère de la jeunesse, mais pas les écoles incendiées. Je demande aux jeunes de se calmer. Les biens publics comme les écoles et les mairies de quartiers, cela nous cause du tort à nous même de les détruire. Ce n’est pas en détruisant ça qu’on va améliorer la chose, on cause encore plus de problèmes. »

Une quinzaine de personnes attendant devant le local de Cronenbourg des Restos du coeur. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg / cc

Zeyad, lycéen de Cronenbourg, témoigne de ces scènes de violence inédites pour lui :

« Je comprends cette colère. Depuis longtemps, on en a marre de ces tensions avec la police. Personnellement quand je sors, j’ai peur de me faire contrôler et de me faire passer à tabac. Moi je me fais contrôler régulièrement. J’ai des amis qui se sont faits taper par des policiers. Si je ne suis pas avec ma mère ou ma petite sœur, ça peut vite être dangereux. Et quand on voit que plus de 50% des policiers votent à l’extrême droite, ça donne pas envie. Cette nuit, ce ne sont pas les bonnes cibles qui ont été visées. La colère est légitime mais il faudrait mettre toute l’énergie sur les décisions politiques, les manifestations, les bonnes actions. Là c’est se mettre dans le mal soi-même, tout seul. »


#collège Sophie Germain

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