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La guerre de la clim : cauchemar en open-space

L’open-space, c’est ce concept moderne et convivial où tout le monde travaille dans la même salle, en vogue dans les entreprises, surtout celles qui sont à la cool. Problème, quand il s’agit de la climatisation, il faut composer avec les différents niveaux de frilosité, ce qui peut aboutir à de véritables conflits. Et là, c’est moins cool.

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(Photo Nathalie Moga/ Rue89 Strasbourg / CC)

C’est l’été. Il fait chaud, et à 14h, on arrive au travail en sueur. Dieu merci, au bureau, il y a la climatisation. Mais à la Plage Digitale, espace de co-working au centre de Strasbourg où tous les occupants travaillent dans la même salle, il y a ceux qui ne peuvent pas s’en passer et ceux qui ne la supportent pas.

« L’open space », cette organisation des bureaux s’affranchissant des cloisons, permet peut-être de mieux communiquer mais à condition d’être tous d’accord sur les écarts de températures supportables. En été, enclencher la climatisation ou l’arrêter peut provoquer une véritable guerre de tranchées.

Laurence, installée à la Plage Digitale, ne veut pas entrer dans des débats interminables sur la régulation de la température :

« Il y a des gens qui ont tout le temps chaud et d’autres qui sont frileux. C’est vrai que ce ne pas évident de trouver une température qui convienne à tout le monde. Mais entre ceux qui la mettent, ceux qui préfèrent ouvrir la fenêtre, ou qui font les deux en même temps, tout ça devient compliqué à gérer quand on est une trentaine ! Quand quelqu’un a froit, il se lève et va arrêter la clim sans demander. »

Symbole du confort à l’extrême

Ce manque d’organisation a le don d’en énerver certains. Veronique, autre co-worker de la Plage, l’admet sans détour :

« La non-concertation me met en colère. Quand on travaille ensemble, il faut dialoguer, il ne doit pas y avoir de diktat des uns pour les autres. Ce qui me dérange, personnellement, c’est la soufflerie. J’ai des problèmes de gorge depuis juillet qui ne s’arrangent pas. Pendant les périodes de fortes chaleur, quand on arrive en manches courtes et en jupette, entrer dans le bureau provoque un changement de température violent. C’est la guerre entre ceux qui ont le sang chaud et ceux qui ont le sang froid. »

Mais pour elle, ce qui est le plus grave, c’est toute la symbolique qui englobe l’avènement de la climatisation dans les bureaux :

« Nous sommes dans une société d’abondance, dans un confort de l’extrême et les gens ne supportent plus rien. Avoir un peu chaud en été c’est normal, ça fait partie du cycle des saisons ! Mais non, en hiver on pousse le chauffage, et en été la clim, de sorte à tout le temps rester à la même température. Je ne dis pas qu’il faut avoir trop chaud ou trop froid, mais peut-être réfléchir à modérer l’utilisation de la clim, parce que c’est loin d’être écolo. »

« Ceux qui touchent à la clim, on leur coupe les mains ! »

Chez Advisa, agence web où l’on travaille également en open-space, c’est Yuliya qui fixe les règles :

« La température, c’était une véritable guerre chez nous ! On bataillait pour le moindre degré. Alors nous nous sommes tous mis d’accord. Désormais, nous n’allumons la clim que s’il fait plus de 25 degrès dehors et je demande à ce que tous les appareils soient réglés à la même température pour un refroidissement en douceur. Celui qui a froid ramène un pull, et celui qui touche à la clim … on lui coupe les mains ! (rires) »

Dans cette agence strasbourgeoise, on a visiblement décidé de traiter la question avec humour. La preuve en est, un message sur la page Facebook de l’agence par Yuliya qui invite les employés d’Advisa à ne pas changer la température des appareils de climatisation, ainsi qu’une illustration qui dissuade pas mal d’ouvrir les fenêtres.

Pour que la clim ne jette pas de froid dans l’open-space d’Advisa, voici la méthode de Yuliya  (capture d’écran)

Un véritable manège permanent

Chez Novembre Communication à Strasbourg, c’est le ballet des allers-retours permanents vers le régulateur de température. Car selon Fanny,  dans cet open-space qui rassemble 15 personnes, tous ne sont pas égaux face à la clim :

« Nous avons deux appareils de climatisation. Ceux qui sont a côté ont forcément plus froid et y sont plus sensibles. Dès qu’ils n’en peuvent plus ils se lèvent pour l’arrêter. Puis ensuite, c’est au tour de celui qui a trop chaud de craquer. La seule solution que nous avons trouvé, c’est la courtoisie, en demandant à chaque fois l’autorisation aux autres d’éteindre ou d’allumer. Cela justement pour ne pas en faire un conflit. Nous essayons d’être tolérants entre collègues ! »

La clim, « Club Med des bactéries »

Mal entretenue, la climatisation n’est pas seulement un possible sujet de discorde entre collègues, mais également un facteur de risques pour la santé. Christian Venture, médecin du travail à l’AST67, détaille les risques :

« Il y a deux risques liés à la climatisation : le premier, attraper une pneumopathie à cause d’une bactérie. La climatisation est un mélange d’eau stagnante et d’air. Un système de climatisation obsolète ou mal réglé, c’est un peu le Club Med pour le développement des bactéries ! Le second risque est lié à la différence de température créée par le système de climatisation. En plus de nombreux rhumes, elle peut entraîner des contractures musculaires sur des personnes souffrant d’arthrose ou encore des torticolis pour les personnes sujettes à ce genre de traumatisme. »

Selon le Dr Venture, l’écart de température entre l’intérieur et l’extérieur ne doit pas excéder 5 degrés.

Des alternatives à la climatisation existent

Potentiellement dangereuse pour la santé, assassine pour les relations au bureau, ne faudrait-il pas se débarrasser de la climatisation ? Un consensus est possible : utiliser des alternatives moins coûteuses en énergie. Comme par exemple, des vitres teintées, des toitures végétalisées, peintes en blanc, le système du free-cooling (ces rafraîchisseurs d’air par évaporation), ou encore la mise en place de simples stores. Mais c’est avant tout la conception des bâtiments, avec une bonne isolation liée à une bonne orientation, qui est déterminante pour le niveau de température en intérieur.

Reprenons l’exemple de la Plage Digitale, sise dans un bâtiment de Rivétoile. Certaines zones de l’espace sont enclavées entre trois murs sans fenêtre, alors que d’autres bénéficient d’une pleine lumière en provenance de larges baies vitrées constamment exposées. Sans ombre portée, ces vitres sont des vecteurs de chaleur vers l’intérieur, qu’une climatisation, même poussée à fond, peine à compenser.

Pourquoi des solutions, parfois simples et plus écologiques que la climatisation traditionnelle, n’ont pas été envisagées dans des bâtiments qui n’ont que 5 ans ? Certes, quelques plantes ont été placées sur le toit du centre commercial, mais elles n’ont pas d’effet rafraîchissant pour les bâtiments. En attendant, la clim continue à tourner à fond dans les bureaux. Sans mort pour l’instant.

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