La proposition est datée du 28 août 2013, jour de lancement de Strasbourg 2028, notre application de démocratie participative. Elle est signée Paul Joachim et expliquée comme suit :
« La création d’un accès piétons à la gare depuis la rue des Remparts permettrait d’y délocaliser toute la dépose automobile des passagers. Ceci désengorgerait le boulevard Wilson et apaiserait la circulation tendue du quartier gare. Un projet d’une plus grande ampleur permettrait la desserte des quartiers ouest pour les piétons et cyclistes, déjà nombreux sur l’axe Cronenbourg-centre-ville. »
Un nouveau quartier d’ici 2030, mais avec le GCO
Les 13 commentateurs de cette proposition, qui existe dans les projets d’urbanisme depuis les années 1990, valident son intérêt. L’un précise que le prolongement de la ligne C, qui se termine en cul-de-sac à la gare devant l’ancienne Poste, aurait permis, passant sous les installations ferroviaires, de soulager les boulevards embouteillés un peu plus depuis la mise en service du BHNS – ligne G vers Cronenbourg et l’Espace européen de l’entreprise.
Un autre évoque le scénario de gare basse urbanisée imaginé par Eiffage-Phosphore d’ici 2030, accompagnant la réalisation du Grand contournement ouest (GCO) et la requalification de l’A35 en boulevard urbain. Un troisième contributeur soulève le problème du coût et du nécessaire déménagement des infrastructures logistiques de la SNCF et de RFF (Réseau ferré de France) pour envisager la mise en œuvre d’un tel projet.
D’abord la verrière, puis plus rien
Mais de quel projet parle-t-on ? D’un tunnel sous la gare pour faire passer des trams et un hypothétique tram-train ? De la création d’une passerelle piétonne sur les voies vers des parkings situés à l’ouest de la gare ? D’un nouveau quartier ? De tout cela et plus encore. Alors que la première municipalité socialiste (1989-2001) a engagé l’acquisition des terrains militaires aux abords de la gare en février 2000 (délibération à lire ici) auprès du ministère de la Défense, l’équipe de Fabienne Keller a continué sur cette lancée dès sa première année de mandat en signant l’acte de vente en octobre 2001.
La sénatrice du Bas-Rhin, devenue depuis « Madame gare » après la publication d’un rapport commandé par le Premier ministre François Fillon sur les « grandes gares contemporaines » en mars 2009 (PDF), se souvient :
« En 2001, avec l’arrivée du TGV prévue en 2007, l’enjeu était d’agrandir la gare – construite en 1880 – pour pouvoir accueillir plus de passagers. Le comité de pilotage qui réunissait tous les acteurs, les collectivités, mais aussi RFF et la SNCF, a décidé de poser ce grand geste architectural qu’est la verrière, mais aussi de rouvrir le troisième souterrain [d’accès aux quais], de doubler le parking Sainte-Aurélie, créer le parking Wilson et réaménager la place.
Mais nous avions aussi une vision qui englobait l’arrière de la gare, avec un phasage. J’ai acquis auprès de l’armée de vastes terrains à l’arrière de la gare [ndlr, une surface de 15 hectares, achat initié par la délibération de 2000], aménagé la rue des Remparts et rouvert la porte militaire, dans l’objectif d’y créer un vrai quartier à terme. On étudiait alors plusieurs hypothèses et notamment celle d’une passerelle partant d’un étage du bâtiment actuellement occupé par la SNCF et passant sur les voies. »
Un os : 75 millions à trouver pour le tunnel
Rien ne sort finalement des cartons avant 2008 et le départ de Fabienne Keller. En 2009 et 2010, le comité de pilotage continue à se réunir, mais le cœur n’y est plus. La SNCF n’est pas trop pressée de déménager ses activités logistiques (nettoyage des wagons, stockage des trains…), la verrière et les nouveaux aménagements suffisant à absorber l’augmentation du trafic passagers engendrée par l’arrivée du TGV.
Quant à la Région Alsace et l’État, ils ne sont plus si sûr de pouvoir (ou de vouloir) financer le tunnel sous la gare et les quelques centaines de mètres de voies vers la porte Blanche, chiffrés par des études préliminaires à 75 millions d’euros, explique Jonathan Naas, conseiller technique en charge des transports au cabinet du maire Roland Ries. Il revient sur l’enterrement du projet :
« En 2010, le comité de pilotage a arrêté d’aborder cette question, puisque plus personne n’était prêt à payer le tunnel. Il s’est encore réuni quelques fois, à propos des aménagements vélos autour de la gare. Du coup, de notre côté, nous avons trouvé un plan B pour desservir les quartiers ouest, en faisant passer le tram [ndlr, prévu sur pneus, qui se fera finalement sur fer] par les boulevards et la porte Blanche. Si le tram était ressorti par la gare basse, il aurait été – comme pour le tram D vers Kehl – un moteur d’urbanisation de la zone… »
Mais de fait aujourd’hui, la décision – collégiale, assure Jonathan Naas – est de maintenir le projet au point mort.
« Une réflexion à long terme »
La SNCF, qui n’a pas souhaité s’étendre auprès de nous sur le sujet, précise qu’elle n’est pas décisionnaire dans ce dossier. Une partie de ses activités en gare de Strasbourg serait néanmoins progressivement déportée sur d’autres sites, à Oberhausbergen, Neudorf ou Mulhouse.
Le projet d’ouverture de la gare de Strasbourg à 360° pourrait néanmoins s’imposer d’ici quelques années, afin d’installer des parkings de stockage de voitures ou profiter des 20 hectares (selon Fabienne Keller) de foncier disponible et créer des activités tertiaires (locaux associatifs, bureaux, ateliers d’artistes) et du logement. « La réflexion sur l’utilisation de ces délaissés se fera mais sur long terme, précise-t-on à la Région Alsace, car elle est extrêmement lourde et complexe. » Elle nécessitera une réanimation du comité de pilotage collectivités-SNCF-RFF, une bonne dose de volonté politique et surtout, des montagnes de crédits publics.
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