Souvenez-vous : c’était le 10 janvier, les Internets s’affolaient. Xavier Niel, particulièrement en forme, singeait les keynotes à la Steve Jobs en donnant une conférence publique, debout, soutenue de grands gestes et de paroles presque divines. Le tout précédé d’un mystère à la sauce geek en forme de fusée (The rocket is on the launch pad, devenu un gimmick sur la Toile). Free Mobile allait sauver le monde des grands méchants opérateurs qui nous prenaient beaucoup trop d’argent.
Les résultats ? Orange, l’opérateur historique, a perdu plus de 200 000 abonnés français au 15 février 2012 par rapport au 31 décembre 2011 en essuyant plus d’un million de résiliations, rattrapées par 800 000 acquisitions de nouveaux clients. Effet positif notoire, les branches low-costs des opérateurs (Sosh pour Orange ou encore B&You par Bouygues Télécom) se sont alignées sur les prix de Free Mobile.
Vendredi 2 mars, jour du drame : la première panne
En théorie, c’est beau. En pratique un peu moins. La migration s’est plutôt bien passée pour la plupart des utilisateurs strasbourgeois – d’ailleurs plutôt réactifs nos Strasbourgeois, puisque la plupart des interrogés se sont inscrits le lendemain de l’annonce officielle – en dehors des récupérations du relevé d’identité opérateur (RIO) parfois difficile, vue la ruée vers les services clients pour résilier, du temps de réception de la carte SIM et parfois de retards inexpliqués. Tout se passait comme un charme, jusqu’au jour du drame, le vendredi 2 mars où une première panne est survenue. Vincent, souvent à Strasbourg pour raisons professionnelles et sur place durant deux semaines explique :
« Freemobile, qui nous avait habitué à des débits fantastiques, avec même des débits plus rapides sous la même antenne Orange que les abonnés France Télécom eux-mêmes, a depuis subi une nette baisse avec des vitesses passant de 6 mégas en moyenne à 0,2 ! »
Les redémarrages successifs de son téléphone n’ont pas suffi :
« Le streaming audio ne fonctionnait que 30 secondes, les applis TV sont devenues inutilisables, et tout ça je l’ai resté et re-testé à Strasbourg. »
Pour un grand consommateur de données : c’est la tuile. Et si Vincent parle au passé, c’est qu’il a purement et simplement décidé de stopper son abonnement Free. Prudent, il avait souscrit à l’offre avec un second téléphone. Une chance que l’offre de Free soit sans engagement.
La 3G : instable, le réseau : instable
Surfer sur le Web sur son mobile est donc devenu difficile. Dimitri lui, n’arrive même plus à lire les nouvelles du jour en allant travailler le matin. Dure la révolution. Mais le pire reste l’instabilité du réseau aux heures de pointes. Yves témoigne :
« Au départ, il n’y avait pas de problème. Maintenant, cela fait une dizaine de jours que de 19h à 21h le réseau empêche l’émission d’appel, pas la réception. Tout du moins, il est très difficile d’en passer, il faut réitérer l’appel plusieurs fois avant qu’il n’aboutisse. »
Et la plage horaire semble s’agrandir de jour en jour. Julien lui, agacé, parle d’une fourchette allant de 17h à 22h, quand d’autres envoient difficilement des SMS ou des MMS. Hier encore, une coupure nette a handicapé de nombreux utilisateurs sur tout le territoire français provoquant un flot d’insultes et de blagues sur les réseaux sociaux. Un des équipements de signalisation en panne du côté de Free en serait la cause.
Chez Vincent L., les problèmes ont été présents dès la mise en service :
« J’ai un téléphone HTC HD2. Depuis l’insertion de la carte SIM Free, ce téléphone reboote plusieurs fois par jour. A priori, un voltage plus important est requis pour la puce Free, mais les forums sont un peu contradictoires à ce sujet. Je n’ai aucune solution pour le moment. »
Car ce qui prime dans l’adversité technique c’est l’entraide, notamment sur les forums. Pour les geeks, les solutions aux problèmes d’itinérance Free/Orange (Free ayant négocié le partage des antennes-relais avec l’opérateur historique pour un contrat estimé à 1 milliard d’euros) peuvent être rapides : passer en mode manuel sur Orange par exemple. Mais pour les utilisateurs lambda, c’est la traversée du désert.
L’interconnexion Orange-Free sous-dimensionnée
D’autres soucis mineurs sont à déplorer, dont la diminution de l’autonomie des batteries due, encore une fois, à l’itinérance ou encore le « roaming » à l’étranger indisponible alors qu’il était un argument de vente sur l’offre mobile de Free. Pourquoi ces pannes ? Quand cesseront-elles ? Impossible d’avoir la moindre réponse du côté de la société, le service communication n’a pas donné suite à nos appels et emails malgré de nombreuses relances. C’est un spécialiste en télécommunication anciennement abonné Free Mobile qui nous répond :
« C’est un problème de couverture : dès lors que les utilisateurs, surtout dans les grandes agglomérations sont en itinérance sur Orange, ils passent par l’interconnexion Orange-Free. Problème : celle-ci semble sous-dimensionnée, donc forcément ça coince. Et puis c’est difficile d’avoir une qualité de service optimale si le réseau est saturé… Lorsque Free aura densifié son réseau d’antennes, il fera moins appel au délestage Orange et pourra, théoriquement, assurer une qualité de service optimale sur son propre réseau. »
Explications : le délestage, c’est comme si vous étiez sur l’autoroute et que vous deviez prendre les routes de campagne pour aller d’un point A à un point B, bonjour le détour, et bonjour le temps perdu. Pour le réseau, c’est le même principe. Mais le problème c’est qu’aujourd’hui Free ne dispose que peu d’antennes propres, il suffit pour ça de comparer ces deux cartes à Strasbourg :
Notre spécialiste en communication pronostique un retour à la normale d’ici à deux, trois mois, lorsque Free aura déployé une couverture plus importante. La bonne nouvelle, c’est que Free commence à communiquer autour du déploiement de nouvelles antennes en local, la fin des problèmes ? A vous de nous le dire…
Chargement des commentaires…